Ces #mèmes autour des visuels de prévention sur le #covid19 par @EmmanuelMacron permettent d'évoquer des sujets très intéressants du point de vue de la #compol et de la #compublique, petit thread.
Le week-end dernier, le président de la République a posté ces visuels sur son compte Instagram personnel. Assez rapidement, ils ont fait l'objet de détournements plus ou moins drôles, critiques ou absurdes, un générateur a été créé par @MartyBestOf et chacun y va de son pastiche
C'est le principe déjà évoqué 1000 fois du #mème, terme de Richard Dawkins, mêlant mimesis (imitation, en grec ancien) et gène, appuyé sur la sonorité du mot français même. Un élément reconnaissable, que l'on reproduit et transmet, qui circule viralement. https://www.lesinrocks.com/2021/02/01/medias/medias/petite-histoire-du-meme-pour-les-nuls-et-les-autres/
On voit passer, comme c'est souvent le cas, de nombreux articles vites rédigés qui présente deux thèses : le responsable politique ridiculisé par l'internet moqueur VS ses soutiens qui trouvent que c'est bien parce qu'on en parle.
Ce tweet du directeur de création de l'Elysée appuie cette thèse du "plus on en parle mieux c'est, c'est une réussite", et d'une forme de revendication implicite de stratégie du buzz. https://twitter.com/thibcaizergues/status/1358862310492758019
Ce type de choses n'est d'ailleurs pas nouveau, je me souviens très bien le générateur d'affiches #lafranceforte et les parodies qui en étaient nées il y a déjà pas loin d'une décennie. https://www.ozap.com/actu/les-parodies-de-l-affiche-electorale-de-nicolas-sarkozy-se-multiplient-sur-internet/439410

Alors pourquoi ce mème m'intéresse-t-il ?
J'y vois trois sujets qui méritent d'être observés plus en détail
1) La marque @Elysée et ses évolutions, dans un univers institutionnel #marketing #branding
2) La confusion, régulière en France entre #compol et #compublique
3) Les raisons de ce buzz en com et en politique.
Avant tout, regardons donc ces visuels de plus près. Ils associent une photo soignée, où le président Macron est en situation, et un texte, une proposition infinitive indépendante, où le verbe et le noms sont traités avec deux polices de caractères différentes.
La première, dédiée au verbe, est stricte, droite, presque régalienne. La seconde, consacrée au nom est de style manuscrit, qui est d'un registre classique, prestigieux dans l'ampleur, mais plus intime. Leur articulation relève presque d'un oxymore graphique.
On arrive à la marque Elysée La première typo est issu du travail de #branding qui a suivi l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir, après quelques tâtonnements (il avait d'abord utilisé dans ses fonctions des éléments issus de sa communication partisane) https://twitter.com/valeriomotta/status/882572712467730432
Ce travail, sorti publiquement en plusieurs étapes pour l'essentiel en 2018, s'est traduit par plusieurs modifications: changements des armoiries de la présidence, logo Elysée, introduction de plusieurs typographies, nouveau site web, boutique, travaux au palais...
J'avais d'ailleurs à l'époque pesté sur une forme de légèreté cynique dans la manipulation des armoiries de la République. https://twitter.com/valeriomotta/status/1040188244355366912
Le système graphique de l'Elysée utilise habituellement deux polices. La première, dont je n'ai pas trouvé le nom s'inscrit parfaitement dans ce récit jupitérien de verticalité régalienne, tout en ayant un "je-ne-sais-quoi" de Français, sans doute issu d'éléments plus anciens.
Avec ses lettres très larges, elle inscrit résolument les marques Elysée et Présidence de la République dans un univers prestigieux, inspiré des codes visuels du luxe français. C'est une marque très "premium".
La seconde est plus simple, elle est destinée aux sous-titres et aux paragraphes.

J'ai découvert dans le code source du site de l'Elysée qu'elle s'appelle "Aiglon", une approche un peu bonapartiste.
Au passage, j'ai failli confondre sur certains visuels, plutôt en minuscule, "Aiglon" avec "Marianne", la typo introduite sur la nouvelle charte graphique du gouvernement et des services de l'Etat. https://www.gouvernement.fr/charte/charte-graphique-les-fondamentaux/la-typographie
Ce job elyséen (marque et fonts) est sans doute largement l'œuvre de @jfporchez et de @thibcaizergues. J'en profite pour dire que tout ce thread n'est fait que d'observations d'un œil extérieur, je peux me tromper sur des points, ou que d'autres peuvent appeler des précisions.
Donc dans ce post instagram, l'Elysée décline et fait vivre sa charte, qu'elle interprète de façon plus ou moins léchée ou pop, selon les supports. Ici dans un environnement luxueux et qui, dans cette articulation stricte/intime, photo, évoque les magazines chics mode ou de déco.
J'en arrive à mon deuxième point. Cette campagne affirme être au service des gestes barrières et poursuivre des objectifs de prévention. C'est bien évidemment un faux-nez pour une campagne purement politique et éléctorale.
Tout d'abord, observons que les comptes sur les réseaux sociaux de l'Elysée sont largement délaissés aux profit du compte personnel d'E. Macron qui est, ici encore, alimenté par les moyens (graphistes, photos..) de la présidence.
Ensuite, le buzz suscité ne porte en rien sur le développement du message d'aération ou sur le passage à 2M de la distance recommandée, mais sur le style du message et sur l'implication du président.
Et si je me trompais, je suis sûr qu' @Elysee ou @gouvernementFR qui effectuent régulièrement des sondages pour évaluer l'efficacité des actions et faire de la veille d'opinion n'hésiteraient pas à publier les éléments d'évaluation de l'impact sanitaire de cette campagne.
Mais je pense que ce genre de buzz permet surtout dans l'esprit de ses concepteurs de faire une campagne politique en faveur du président sans le faire au frais du parti politique LREM.
Et j'en arrive à mon dernier point. Pourquoi ça marche et est-ce que c'est au fond pour de bonnes raisons pour le président ?
Ce qui a suscité la viralité, c'est le décalage de style typo/photos/textes de ces visuels. Le contraste stricte/intime. Le style des phrases qui fait aussi penser à ceux de la marque de lingerie Aubade. Au fond, on ne retient rien de ce que nous dit Emmanuel Macron.
Et c'est là où le "qu'on en parle en bien ou en mal on en parle et c'est bien" trouve ses limites. Sur le sujet sanitaire, la parole présidentielle est dévaluée, ce que montrent tous les sondages, et cette campagne ne redresse pas la barre de ce point de vue.
Le développement très rapide de buzz et de mèmes sur des déplacements de ministres ou sur des campagnes de communication politique du président me parait traduire un moment où l'expression de l'exécutif est vide de sens, littéralement absurde par rapport au vécu des Français.
Une sorte de dimension parallèle de la communication, où le message est tellement irréel, que le parodier de façon exutoire devient presque une nécessité dans un moment de plus en plus difficile à supporter.
Quand le fond n'imprime plus, quand on en est réduit à susciter le buzz par la forme, on risque d'arriver à une période où l'envie de changer d'époque, de tourner la page, peut être aussi brutale et rapide que le petit coup de com' que l'on pense avoir réussi. Avis de gros temps.
(J'ai oublié de dire plein de choses, notamment sur la séparation des pouvoirs au sein de l'Etat, sa portée et ses limites en matière de charte graphique, ce sera pour une prochaine fois)
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