Donc parlons de tout ce hoax de "Des articles ont été refusés car ils n'étaient pas en écriture inclusive !" et de pourquoi les gens qui vous parlent de ça sont des menteurs qui vous prennent pour des idiots.
Comme souvent avec le mensonge, le problème n'est pas que TECHNIQUEMENT vous ne trouverez pas un cas d'article refusé occasionnellement parce que la revue publie en écriture inclusive, ou parce que le bouquin dans lequel on parle d'écrire a pour convention d'être en inclusive.
Même si je dois le préciser pour faire partie des relecteurs réguliers de revues qui publient souvent en inclusive la convention la plus commune est "On accepte tous les choix, l'important c'est la consistance des choix", en d'autre termes : faites l'un ou l'autre, pas les deux.
Ce qui est relativement cohérent. Du reste il est important de comprendre que pour la grande majorité des gens qui la pratiquent l'écriture inclusive n'est pas un impératif à imposer à la société, mais un choix militant, et que ça n'aurait aucun sens d'imposer ce choix au monde.
L'idée qu'il y a des copies d'étudiants qui sont refusées parce qu'elles ne sont pas en inclusive, par contre, est une théorie du complot complète. Ca n'a aucune forme de réalité.
Et soyons clairs : pour tout le discours actuel sur le sujet la très large majorité des revues au mieux TOLERE les articles rédigés en écriture inclusive. Il y a peut-être des publications très spécifiques qui sont exclusivement en inclusive, mais je ne peux pas en citer.
Le cas le plus proactif que j'ai trouvé ressemble à "On vous encourage à le faire, et on vous fera des encouragements en ce sens, mais on ne veut pas imposer une façon d'écrire". Ce qui est très loin de l'idée d'une imposition violente de normes, vous en conviendrez.
Maintenant, les gens qui agitent cette polémique ressortent toujours le même exemple : en 2017, il a été demandé à Yana Grinshpun de réécrire un chapitre d'ouvrage en inclusive parce que le bouquin était en inclusive. https://twitter.com/pandovstrochnis/status/1357962409567260674
Notez que si l'exemple toujours ressorti a 4 ans (et le texte a été publié ailleurs) c'est peut-être que la terrible crise n'est pas urgente. Dire qu'un truc est commun quand votre seul exemple a 4 ans c'est mentir.
Je veux dire je pense que le fait que des précaires soient régulièrement virés sans justification, je pense que c'est une menace énorme sur les libertés académiques, et mon dernier cas en la matière date de euh lundi (et je cherchais pas on m'en a juste parlé).
Mon argument n'est pas que c'est pas arrivé. Mon argument est que c'est un énorme mensonge par omission qui repose sur une obfuscation complète de comment marche l'édition scientifique.
On a déjà établi que présenter ce genre de refus comme commun était un mensonge. C'est aussi un mensonge de sous-entendre que c'est exceptionnel, et ce que vous pensiez que l'inclusive est une question de forme comme de fond.
Sur la forme, les revues imposent une quantité énorme de critères, qui vont de la longueur des phrases, à la forme de la bibliographie, aux termes employés, etc. Certaines revues avertissent qu'elles ne reliront même pas votre manuscrit si vous ne faites pas ce travail de mise en
page (qui est normalement le travail de l'éditeur, mais les éditeurs scientifiques sous-traitent ce travail aux auteurs et relecteurs parce qu'ils n'aiment pas payer le travail qu'on fait pour eux). Personne n'a jamais qualifié ça de censure.
Parce que c'est pour une bonne part normal : les revues ont une obligation de cohérence, et une politique éditoriale, après tout. Imaginez à quoi ressemblerait une revue si la bibliographie était différente pour chaque article.
Sur le fond, c'est la même chose, et c'est sur ça qu'on vous prend pour des idiots : les gens qui parlent d'articles refusés s'ils n'étaient pas en inclusive le font sans vous dire que TOUT est négocié dans un article. TOUT.
Ils veulent que vous pensiez que quand vous publiez un article ou un bouquin l'éditeur publie votre premier jet et que quelque modification que ce soit de ce truc-là serait de la censure, quand le nombre de modifications est énorme.
Et même si vous faites tout bien : les grandes revues ont un backlog de plusieurs années. Elles refusent quotidiennement des articles sans même de justification autre que "Désolé, on a trop de trucs là".
Deux exemples :
1. Actuellement on coordonne un numéro spécial de revue avec deux collègues. On l'a proposé à trois revues. Les deux premières ont dit que notre projet était génial, mais qu'elles avaient juste trop de trucs au feu et qu'elles le publieraient pas pour ça.
2. Je travaille sur un projet de livre. Un éditeur me l'a refusé, non pas parce que le travail était pas bon, mais parce qu'actuellement il estimait que sa collection sur le sujet dont je parle était suffisamment fournie.
Alors quand les tocards du blog de vigilance universités se pointent à la télé, la bave aux lèvres, en hurlant "Vous vous rendez compte ! On refuse des articles ! Censure !", dites-vous bien que vous êtes à 100% dans le faux outrage. Les revues et éditeurs refusent des papiers
C'est tellement la majorité des cas qu'il y a des comptes Twitter dédiés aux arguments malsains mis en avant pour justifier du renvoi d'un papier.
https://twitter.com/yourpapersucks?lang=fr
C'est tellement la majorité des cas que Reviewer 2, le mythique relecteur jamais content et qui justifie ses rejets par des motifs absurdes est une blague de doctorants. https://twitter.com/AcademicsSay/status/1360640947634200581
C'est tellement la majorité des cas qu'il est possible que les résultats-pas-assez-impressionnants-pour-être-publiés aient causé un biais massif dans notre compréhension du monde, en aggravant la crise de réplicabilité. https://www.nature.com/articles/d41586-019-02960-3
Donc quand un prof débarque échevelé pour vous parler du fait que c'est un problème MASSIF que IL Y A QUATRE ANS une de ses collègues ait du décider d'aller publier son texte ailleurs parce qu'il était pas en inclusive, dites-vous que vous êtes face à un énorme menteur.
Alors normalement la réponse à ça sera "Oui mais qu'il y ait des problèmes plus graves ne veut pas dire qu'il ne faut pas se préoccuper de ce problème". Ce qui est des conneries, pour deux raisons. Une raison qui a à voir avec les priorités, et une autre avec l'hypocrisie.
1. Quand l'université est face aux crises face auxquelles elle est, c'est absolument répréhensible de consacrer ses ressources au fait de centrer l'attention publique sur un non-problème. Il n'y a pas de débat là-dessus, désolé.
Et la raison pour laquelle je sais qu'il n'y a pas de débat là-dessus c'est que les gens qui vous parlent de ce sujet ne parlent jamais du contexte que je viens d'évoquer, parce qu'ils savent que s'ils le faisaient, leurs plaintes paraitraient ridicules.
Quand Xavier-Laurent Salvador est venu hier à Public Sénat dire "Certains projets ne sont pas financés par l'ANR c'est terrible" il n'a pas dit que certaines années, le taux de projet non-financés a atteint 90%, et que le taux de rejet actuel est de 83%. https://anr.fr/fr/actualites-de-lanr/details/news/resultats-de-lappel-a-projets-generique-2019-1157-projets-de-recherche-finances/
Et la seule raison pour laquelle il ne le fait pas, c'est qu'une fois ce contexte énoncé, l'idée qu'un doctorant dans une fac ait pu ne pas avoir de financement se noie dans l'énorme masse de la précarité à l'université. Et tout son argument victimaire se casse la gueule.
2. La raison pour laquelle ces gens estiment qu'on parle de censure quand un journal propose des modifications en fonction de l'écriture inclusive et pas quand c'est en fonction de la bibliographie ou autre, c'est qu'ils ne croient pas à leur histoire de censure.
S'ils croyaient à leur histoire de censure ils ne participeraient pas à des campagnes d'appel au renvoi de collègues. Ils n'iraient pas dénoncer des doctorants à des présidents d'université parce qu'ils ont dit des choses qui leur déplaisent. Ils ne soutiendraient pas une
réduction des libertés académiques à condition qu'elle permette de faire taire les gens qu'ils n'aiment pas, ils n'essaieraient pas de doxxer leurs critiques, et d'intimider des journalistes. Autant de choses qu'ils ont faites, et dont on a parlé ici.
Ces gens n'ont AUCUN problème avec l'arbitraire. L'idée même qu'exactement la même définition d'arbitraire qu'ils ont pour dire que l'écriture inclusive c'est de la censure ne tient pas quand on la compare avec les normes de l'édition scientifique les dépasse complètement.
C'est juste qu'ils veulent que l'arbitraire aille dans leur sens.
Maintenant, j'ai dit que ces gens vous prennent pour des idiots, et je le maintiens : ils pensent, activement, que vous êtes des idiots. Ils vous méprisent. Ils pensent que vous mentir est facile, parce que vous êtes des veaux.
Mais normalement il y a des gens qui sont censés être là pour les en empêcher.
Il y a des gens dont, quand quelqu'un dit "C'est de la censure, un chapitre pas écrit en inclusive a été refusé en 2017 !", c'est le métier de dire "Attendez, ce n'est pas quelque chose qui arrive quotidiennement, pour toutes sortes de sujets ?
Il y a des gens dont, quand quelqu'un dit "C'est un scandale ! Un doctorant n'a pas été financé une fois !", c'est le métier de dire "Attendez, ce n'est pas les deux tiers des doctorants qui sont dans cette situation ?".
Il y a des gens dont, quand quelqu'un dit "Certains profs refusent de répondre aux mails s'ils ne sont pas en inclusive", c'est le métier de dire "Est-ce que je peux voir les mails qui disent ça ?".
Et il y en a énormément qui font correctement leur métier, recoupent leurs infos, et vont sur le terrain voir ce qu'il se passe au lieu de systématiquement tendre un micro à la même ultra-minorité de privilégiés plaintifs pour répéter tout ce qu'ils disent sans rien vérifier.
Et puis il y en a qui ne le font pas.
Vous devriez vraiment être davantage en colère contre des gens qui ont une opinion tellement basse de vous, c'est tout ce que je dis.
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