Moncoutié :"En novembre (1997, ndlr), Cyrille Guimard venait de me faire signer. Je me souviens de sa première question : ‘alors qu'est-ce que tu souhaites faire chez les pros ?’”
- “mon but c'est d'être heureux“.
- “mais ça, ce n’est pas un objectif !“
#Thread
Le longiligne coureur du Lot cultive sa différence dès son plus jeune âge, écumant les pelotons juniors juché sur un vélo sans pédales automatiques, baskets aux pieds, jambes non épilées. La culture vélo et le matériel, ce n'est pas son fort au natif de Biars-sur-Cère.
“J'étais à la rue, je ne m'y intéressais pas du tout. Deux roues, un vélo et je pédalais. Mon vélo d'entrainement, je le gonflais une fois par mois. Je n’y faisais pas vraiment attention. Je n'étais pas très pointilleux"
Ce sont les années dopage. Il est assez solitaire : “J'en faisais un peu qu'à ma tête, ce n’était pas évident pour les autres de me gérer. Dans les 1eres années, il se passait énormément de “choses” dans le vélo. Donc je me suis peut-être renfermé dans une bulle”
Il côtoie le gotha du cyclisme chez Cofidis : Rominger, Vanderbroucke, Armstrong, Kivilev... : “Si ces coureurs m'ont aidé à évoluer ? C'est difficile à dire. Vu que ce n’était pas les meilleures années du vélo, j'ai pris le parti de ne prendre personne comme exemple”
Il hérite rapidement de l’étiquette de coureur propre . A son corps défendant : “Cette étiquette de 100% bio je ne la cherchais pas particulièrement. Parce que, dans le milieu, être celui qui lave plus blanc que blanc, ce n’était pas forcément bien perçu.”
D’autant que s'il ne se dope pas, ce n'est pas particulièrement pour une question d'éthique sportive. C'est surtout qu’il déteste faire usage de la médecine. Le coureur répugne à avaler le moindre compléments alimentaires en course. Alors l'EPO ou autres traitements douteux...
Enfermé dans la détestation absolue du peloton et de la tension qui y règne, il aime se réfugier aux dernières places, loin de la cohue devant. Au grand dam d'à peu près tout le monde d'ailleurs : des directeurs sportifs, des spectateurs, en passant par ses propres coéquipiers.
“Pendant pas mal d'années mon équipe a essayé de me faire courir devant, puis au bout d'un moment, ils ont vu qu’ils n’allaient pas y arriver, donc on a essayé de s'adapter à mes défauts en remontant aux moments stratégiques, le plus tard possible.”
Et même là, c’est galère : “ça ne devait pas être facile pour mes coéquipiers de me chercher en queue de paquet. D'autant que parfois, quand ils me remontaient, je n'arrivais pas à suivre leurs roues"
Pour rien au monde le coureur ne changera d'attitude. Au point de réclamer... une baisse de ses émoluments à condition d'obtenir une plus grande marge de manœuvre au sein du peloton : “ça me permettait d'être plus libre tout en étant payé en conséquence de mes défauts”
En 2002 il tente le général du Tour. Il termine 13e en se battant tous les jours. Mais il réalise qu’il n’a aucune chance : “En 2003, je me suis dit que ça ne servait plus à rien de tenter le général. Du coup, je me suis concentré sur les étapes où il y avait des bons de sortie”
En 2004 éclate l’affaire Cofidis. David Moncoutié change de dimension. Il devient le symbole qui légitime la présence de l'équipe au sein du peloton professionnel. Plus encore, il devient l’un des représentants d'un cyclisme propre. Le cyclisme d'alors en a bien besoin.
Sur le Tour 2004, il vise en priorité l’étape du 14 juillet 2004 mais où il n'arrive pas à accrocher le bon wagon. Le lendemain, le Tour lui offre la possibilité de lever les bras à Figeac, à 50 kilomètres seulement de Biars-sur-Cère et de ses terrains d'entraînement d'enfance.
Alors au briefing matinal, en tant que régional il lui est proposé de décrire le final de l'étape. Il ne le connaît pas :” A l'époque, j'habitais à Toulouse, ce n'était pas vraiment à côté. Le président de mon club de supporters habitait Figeac et connaissait bien l'arrivée.”
“Il m'a indiqué la présence d'un long faux plat à 20 km de l'arrivée. Selon lui, celui qui attaquerait sur cette portion aurait des chances d'aller au bout. Ça s'est déroulé comme dans un rêve : parvenir à m’échapper, attendre cet endroit stratégique puis attaquer là.”
Il réitère l’exploit l’année suivante le 14 juillet. Il attaque en solitaire sur le col de Corobin, ultime difficulté de la journée. L’écart avec ses poursuivants restera inférieur à la minute, vacillant un temps en deçà des 30 secondes, durant les 37 km qui précéderont l’arrivée
(Une victoire acquise après une bien belle descente, un exploit pour celui dont c’est -très- loin d’être l’exercice de prédilection. Et acquise grâce aux conseils de son directeur sportif qui l’a poussé à ne surtout pas se relever, alors qu’il était très tenté de le faire )
Deux chutes et deux sacrées blessures vont le freiner:“le tendon rotulien en 2006, c'est le pire de tout. Puis je continue en 2007 par une fracture du col du fémur, j'enchaîne sur sept mois de béquilles, je repars à zéro. Ces blessures ont un peu amoindri mon potentiel physique”
Si la pause lui fait du bien mentalement, il a encore plus de mal à frotter dans le peloton, désormais. Ce qui lui (nous) laisse d’éternels regrets : “Je ne sais pas jusqu'où, mais sans ces deux chutes, j'aurais pu atteindre un niveau encore plus élevé.“
La reprise en 2008 est douloureuse, tant et si bien qu’Éric Boyer, celui-là même qui l'a poussé à persévérer dans la voie du cyclisme professionnel quelques mois plus tôt, va le tancer par média interposé durant un Tour de France qu'il traverse anonymement.
Le dégoût, sinon la lassitude, pointe : “Le Tour, c'est le grand show, l'endroit idéal pour se faire connaître. Le Tour c'est aussi quelque chose que je regardais à la télé, c’est mes plus belles victoires, c'est la course phare, la numéro 1. Mais je ne voulais plus y retourner”
Car le Tour ne représente plus ce que recherche le coureur lotois : “pour moi le vélo c’était avant tout le vélo plaisir, sans pression, la liberté de rouler “. Une journée de 2011 également va faire pâlir son étoile en France.
15 juillet 2011, étape Pau - Lourdes. Jeremy Roy est echappé et réalise un “numéro”. Thor Hushovd, distancé dans l'Aubisque, n'a pas abdiqué. Il rattrape David Moncoutié, intercalé dans la descente. Le coureur de Cofidis collabore alors avec le Norvégien.
Il n'a que d'infimes chances de remporter l'étape face à un coureur de la trempe du champion du monde, surtout au sprint. Et pourtant, il mise sur une bosse, un fait de course, un éventuel coup de moins bien du Norvégien, pour renverser la donne. En vain, Hushovd remporte l’étape
Il bat un Jeremy Roy en larme. Jalabert le critique à la télé. Le public lui en veut : “Le lendemain, je me suis quand même fait siffler sur le bord de la route, j'ai eu le droit à quelques mots de spectateurs pas très agréables. Pas l’un des meilleurs moments de ma carrière”
De toute façon, depuis 2008, son cœur est en Espagne : “J'y allais très détendu, j'allais à la plage, il y avait toutes les conditions idéales pour moi : il y faisait chaud, des parcours pas monotones avec tout le temps de la montagne, de jolis paysages, beaux et calmes.”
Il marque l’épreuve de son empreinte : quatre victoires d'étapes et autant de maillots de meilleur grimpeur en cinq participations.

En 2012 il retente une dernière fois le Tour, mais chute et abandonne, un vendredi 13.
C’est sur la Vuelta 2012, qu'il traverse anonymement, trop atteint psychologiquement par sa chute sur le dernier Tour de France, que David Moncoutié met un terme à sa carrière.

Comme un symbole, il a privilégié cette course au Tour de France, pour ses adieux à la course.
David Moncoutié est resté l'amoureux du vélo qu'il a toujours été, comme en témoigne son compte Facebook où il partage régulièrement ses road trips de plusieurs centaines de km au travers la France et l'Europe, avec ses potes.
Reste une interrogation lancinante : quelle carrière aurait-il eu en jouant à “armes égales” avec ses adversaires ? #Fin
Pour ceux que sa carrière intéresse, je vous conseille vivement son autobiographie qui est très sympa à lire.
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