Pourquoi les raffineries (et leurs salariés) sont sacrifiées depuis 30 ans sur l'autel de la finance et que l'écologie n'est qu'un prétexte. Je vous explique avec ce #thread (tiré des #Délaisses) 1/25

#Grandpuits https://twitter.com/LeMediaTV/status/1359073189423374336
De 1970 à nos jours, plus de la moitié des raffineries ont fermé. Les raisons avancées étaient tjrs les mêmes : «il y a des surcapacités et les marges de raffinage sont trop faibles, le marché doit donc se rééquilibrer en diminuant l’offre ». Aujourd’hui, c’est l’écologie. 2/25
La réalité est plus complexe. Le 1er problème provient de l’inadaptation de l’offre des raffineries à la demande fr. Les derniers gros investissements ont été réalisés il y a 30 ans et servent à produire de l’essence. Or depuis les années 90, la demande fr en diesel augmente 3/25
Les raffineries fr se trouvent donc obligées d’exporter leur production d’essence et d’importer du diesel. Le problème ne vient donc pas d’une surcapacité de production qui ne concerne que l’essence (pas le diesel) mais bien d’une inadaptation de l'outil de production 4/25
L’argument de la surcapacité du raffinage fr et de la nécessité de devoir fermer des sites pour rééquilibrer le marché ne tient plus. Surtout que des technologies permettent d’adapter le ratio gazole/essence (comme la raffinerie de Jubail/Arabie Saoudite où Total a investi) 5/25
Mais alors « pourquoi ne réalise-t-on pas ces investissements pour permettre aux raffineries de notre pays de répondre à la demande française ? ». C’est là qu’interviennent tous les travers de la logique financière. 6/25
Les compagnies pétrolières ont fait des profits record entre 2004 et 2014 tirés par la hausse des prix du pétrole mais paradoxalement il n’y a pas eu d’investissements importants dans les raffineries, pire elles ont commencé à vouloir s’en séparer. 7/25
Pourquoi ? Tout simplement parce qu’avec la financiarisation de l’économie, l’activité d’une compagnie pétrolière est divisée en entités homogènes pour que les dirigeants d’entreprise puissent identifier les entités les moins rentables et s’en séparer. 8/25
Il y a donc l’entité exploration-production (l’amont) puis celle du raffinage et de la distribution d’essence (l’aval). Et comme les retours sur investissement sont plus élevés dans l’amont que sur l’aval, il faut donc concentrer la majorité des fonds sur l’amont. 9/25
Au final, plus les profits des compagnies sont importants en exploration-production plus elles veulent fermer des raffineries car la logique boursière poussent la direction à vouloir satisfaire les actionnaires en se séparant des unités de production les plus faibles. 10/25
Les salariés du raffinage comme beaucoup d’autres sont donc prisonniers de cette logique financière qui permet qu’il soit possible d’augmenter la valeur d’une action en licenciant, fermant ou délocalisant un site de production. 11/25
A cela, il faut ajouter une autre construction financière ( souvent mis en avant pour justifier les fermetures de raffinerie): la marge de raffinage. 12/25
Le calcul de la marge brute de raffinage est la différence entre la valeur des produits raffinés (essence, diesel) sur le marché de Rotterdam et le coût d’achat du pétrole qui inclut le prix du brut sur les marchés (donc 2 biens dont le prix dépend des marchés) 13/25
Cette marge dépend donc davantage de la volatilité des prix des produits raffinés et du brut sur les marchés que de la productivité réelle des acteurs du raffinage, souvent d’ailleurs tenus comme responsables des pertes du secteur. 14/25
Si les fluctuations hasardeuses des marchés provoquent une augmentation de l’écart entre les prix des produits pétroliers et du brut, alors le secteur du raffinage réalise une marge supplémentaire sans même que sa productivité réelle ne change (inversement pour les pertes). 15/25
Donc d’une année sur l’autre, la marge peut doubler ou être diviser par deux comme par magie, sans qu’aucun changement n’ait lieu concrètement dans les raffineries. Par exemple, la marge était de 14 euros en moyenne en 2011, de 34 euros en 2012 et de 18 euros en 2013. 16/25
Les chiffres mensuels sont encore plus significatifs : par exemple en juin 2019, la marge était à 14 euros alors que deux mois plus tard en août 2019, elle s’élevait à 40 euros. 17/25
Les marges, soumises à la volatilité des marchés, sont donc déconnectés de la réalité du fonctionnement des raffineries et peuvent fluctuer aussi rapidement que la valeur d’une action en bourse. 18/25
Le plus choquant dans cette construction financière est que des salariés et leurs familles - qui n’ont aucune emprise sur les marchés de Rotterdam et du brut - soient pris en otage par les fluctuations malencontreuses de ces marchés et en assument entièrement les risques. 19/25
Que vont répondre les élites économiques à ces fermetures? Que c’est la logique économique? Que les raffineries produisent du carburant qui pollue et qu’il faut donc les fermer pour entamer la transition énergétique? 20/25
Tous les arguments sont bons pour cliver en opposant la vieille industrie polluante à la nouvelle industrie soi-disant propre, humilier les salariés refusant la mobilité, l’adaptation ou, nous dira-t-on, l’écologie, et in fine justifier la fermeture. 21/25
Jamais, il n’est question de remettre en cause la financiarisation de l’économie qui abandonne ces salariés au hasard des actions du marché ou de rappeler l’importance des raffineries qui assurent notre sécurité d’approvisionnement (imaginez des pénuries d'essence) 22/25
Avec la transition écologique, des raffineries vont devoir fermer mais c’est un processus qui ne se fait pas du jour au lendemain et qui s’inscrit dans une planification globale offrant une visibilité sur une temporalité plus longue que celle de la logique actionnariale 23/25
La brutalité des marchés financiers fait plonger en quelques mois des sites industriels alors qu’une transition écologique nécessite de réconcilier industrie et climat dans un vaste plan (rénovation des bâtiments, construction d’infrastructures, transports en commun etc). 24/25
Il faut bien différencier ce qui relève d’une opération financière et de la transition écologique. La logique financière est volatile donc courtermiste alors que la logique écologique est prévisible car planifié. 25/25
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