Pour commencer, peut-être devrions-nous rappeler que c’est à travers les conciles œcuméniques (c’est-à-dire commun à l’Eglise tout entière, Orient et Occident) que nos saints pères ont défini, explicités des vérités de foi alors implicites.
(ce qui, soit dit en passant, n’en fait pas des innovations d’un point de vue de la foi)
En effet, le premier concile œcuménique a vu le jour (essentiellement) afin de mettre un terme à la controverse arienne niant la divinité du Christ.
La divinité du Rédempteur ayant été définie et dogmatisé, vinrent les pneumatomaques, niant cette fois-ci la divinité de l’Esprit Saint. Un second concile vit donc le jour afin de rendre raison de la divinité de l’Esprit.
A donc été prouvé que le Saint-Esprit est vrai Dieu, égal et consubstantiel au Père, parce qu’Il tire son origine de Lui, éternellement comme le Fils, mais selon une modalité différente de la génération.
Mais le Filioque dans tout cela ? Et bien, on y arrive. Lors du second concile œcuménique, hormis l’affirmation d’un lien entre le Verbe de Dieu et le Saint-Esprit, le rôle du Fils dans la mission économique (temporelle) de l’Esprit
(le Fils est celui qui donne et envoie l’Esprit et le Saint-Esprit reçoit du Fils ce qu’Il répand de Lui), la nature du lien entre le Fils et l’Esprit était restée pour une part indéterminée !
On avait laissé dans l’ombre ce que leurs rapports économiques recouvraient exactement dans l’ordre de la Trinité immanente (ontologique / de toute éternité).
La pointe des arguments était alors dirigée contre ceux qui voulaient faire de l’Esprit une créature du Fils.
Il était urgent de souligner le lien processionnel qui rattache l’Esprit au Père. L’attention n’était donc pas attirée vers l’affirmation d’un lien processionnel entre le Fils et l’Esprit.
Et c’est ce que fit l’Occident avec son énoncé « a Patre Filioque procedit » (qui procède du Père et du Fils) qui a pour objet de préciser le lien d’origine qui unit l’Esprit au Fils (son origine à partir du Père ayant été définie au second concile).
Le Filioque affirme que l’Esprit procède, c’est à dire tient son origine et son être subsistant, en même temps du Père et du Fils. Le Père et le Fils spirent réellement le Saint-Esprit MAIS d’une spiration UNIQUE et COMMUNE.
Le Concile de Florence explicitera cette vérité de foi ainsi : « Le Saint-Esprit tient son essence et son être à la fois du Père et du Fils et Il procède ÉTERNELLEMENT de l’Un comme de l’Autre comme d’un SEUL PRINCIPE et par UNE SEULE spiration... »
Cette théologie Trinitaire trouve son précurseur en la personne de Saint Augustin d’Hippone (IVeme-Veme s.), en effet voici trois formules augustiniennes qui résument la position latine du Filioque (et donc qui résumeront le thread) :
• « Simul ab utroque » : l’Esprit Saint ne procède pas du Père dans le Fils, puis du Fils dans la créature pour la sanctifier, mais Il procède en même temps de l’un et de l’autre, quoique le Père ait donné au Fils la propriété que l’Esprit procède de Lui comme de soi...
De même que le Père à la vie en soi et a donné au Fils d’avoir la vie en Lui, comme elle procède de soi.
• « Principaliter a Patre » : ce n’est pas sans raison que dans la Trinité on appelle [...] Père celui-là seul de qui le Verbe est engendré et de qui procède comme dans son premier principe, l’Esprit Saint.
« Comme dans son premier principe », car il est prouvé que l’Esprit procède aussi du Fils. Mais ce privilège, c’est encore le Père qui le donne au Fils [...] en l’engendrant.
Il l’a donc engendré de telle façon que leur Don commun procédât aussi du Fils et que l’Esprit Saint soit des deux autres Personnes.
• « Unum principium » : on admettra que le Père et le Fils sont le principe, non deux principes, du Saint-Esprit.
Mais de même que le Père et le Fils sont un seul Dieu, et à l’égard de la création un seul Créateur et un seul Seigneur de façon relative, ainsi à l’égard du Saint-Esprit ne sont-ils de façon relative qu’un seul principe.
Enfin, à la question pourquoi est-ce le Fils qui s’est incarné et est né de la Sainte Vierge et non pas une autre Personne de la Sainte Trinité, nous répondrons ainsi, en tant que Fils Unique, l’Engendré du Père le caractère de l’Hypostase (= Personne) est sauf :
filialité éternelle, filialité temporelle. Il reste toujours l’Engendré.
A la question pourquoi est-ce l’Esprit-Saint qui fut envoyé par le Christ après Son ascension, nous répondrons ainsi, en tant que l’Esprit Saint est en Dieu la Personne de la communion, ainsi l’Esprit est celui qui unit tous les croyants à Dieu.
Le caractère de l’Hypostase est sauf.
Enfin, je souhaitais partager avec vous un dernier point, trouvé dans un commentaire dans la Somme Théologique de Saint Thomas d’Aquin :
Le mot grec (εκπορεύεται / ekporenetai) que les latins traduisent par « procedere » (procéder), bien loin d’être le terme le plus général pour désigner une procession, a, dans l’Écriture et dans la Tradition, un sens très précis selon lequel il convient seulement au Père :
« Venir de la source, de ce qui est l’origine première. » (ce qui est conforme à la foi catholique). Est-il impossible, malgré tant de siècles de discussions en porte-à-faux, que, s’entendant enfin sur le sens des mots employés par l’autre,
théologiens latins et grecs s’aperçoivent que leurs positions respectives sont en réalité beaucoup moins éloignées qu’elles ne paraissent ?
Voilà, c’est la fin du thread. J’espère qu’il vous aura été utile dans la compréhension de ce qu’est et représente le Filioque. J’aimerais m’excuser de la longueur mais comment aurais-je pu faire plus court (et pourtant j’ai essayé !) sur un sujet aussi complexe et long
que celui-ci et, qui plus est, a causé un si grand et triste schisme ?
Pour les sources, j’ai principalement utilisé (paraphrasé
) « Dieu Trinité dans la Tradition ancienne » du Père André-Marie Ponnou-Delaffon (que je vous conseille d’ailleurs vivement !), le catéchisme de l’Église Catholique ou encore la Somme Théologique de s. Thomas d’Aquin !

« Que la grâce du Seigneur Jésus-Christ, l'amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous! » (2 Co 13:13) ♰