Les scénarios sur notre mix électrique en 2050 vous semblent très incertains car trop lointains ? Ça tombe bien, RTE, le gestionnaire du réseau électrique, a sorti en 2017 une étude comparant différents scénarios pour 2035, c’est-à-dire demain pour le système électrique.
#Thread
Ce thread est le deuxième d’une série sur la gestion de l’intermittence des EnR (au sens variable, discontinu et non programmable 😉). Vous pouvez retrouver le premier ici (les threads sont indépendants, lire le premier est un bonus) : https://twitter.com/kevin_arnoux/status/1355815300344782850
Le principal enseignement de l’étude de RTE a été que l’on ne pouvait pas baisser la part du nucléaire à 50% dès 2025 (comme prévu à l’origine dans la loi de transition énergétique) sans augmenter significativement les émissions de CO2, d’où le report en 2035 (cf. extrait).
Dans son Bilan Prévisionnel 2017, RTE étudie quatre scénarios pour le mix électrique France en 2035 qu’il nomme : Ampère , Hertz, Volt et Watt. Le but étant de voir quels sont les impacts de différentes stratégies de réduction de la part du nucléaire.
Ampère :
La réduction du nucléaire ne se fait qu’au fur et à mesure que le développement des EnR est effectif.
Mix en 2035 : 50% EnR, 46% Nucléaire, 4% Thermique
Hertz :
Un développement de moyens thermiques est autorisé pour diminuer plus rapidement la capacité nucléaire sous la condition de ne pas augmenter les émissions de CO2 du secteur électrique.
Mix 2035 : 45% EnR, 47% Nucléaire, 8% Thermique
Volt :
Un développement soutenu des EnR et un pilotage économique à la baisse du nucléaire en fonction des débouchés économiques possibles à l’échelle de l’Europe.
Mix 2035 : 40% EnR, 56% Nucléaire, 4% Thermique
Watt :
C’est le scénario le plus extrême, dans lequel on procède à un arrêt des centrales nucléaires à 40 ans de fonctionnement. On compense avec EnR, Thermique fossile et fortes économies d’énergie.
Mix 2035 : 71% EnR, 11% Nucléaire, 18% Thermique
Il est intéressant de noter qu’en 2017, RTE prévoyait une baisse de consommation électrique dans la plupart des scénarios (dans le scénario Haut, conso 2035 = conso 2015). C’est en fort contraste avec la hausse prévue par la Stratégie Nationale Bas Carbone définie par l’Etat.
Pour y voir plus clair sur les résultats, voici deux tableaux récapitulatifs des résultats dans leur variante « Consommation Haute » (~SNBC) (si donnée dispo, sinon j’ai pris le résultat de la variante « Standard » du scénario) avec le mix, les impact CO2 et économiques.
A noter : le coût annualisé de la production concerne moyens de production et interconnexions mais pas le renforcement du réseau national, ni la balance commerciale hors achat/vente d’électricité, ni les coûts de l’efficacité énergétique, ni les emplois.
Il est important de préciser que tous ces scénarios « bouclent » au sens où ils permettent d’avoir un système électrique qui assure le même service qu’aujourd’hui et avec le même risque de défaillance. Seul le mix de production sera différent :
On constate tout d’abord que le meilleur scénario, d’un point de vue économie ou climatique (en limitant les émissions au niveau Français et Européen en exportant de l’électricité bas-carbone) est le scénario Volt, celui qui garde la plus forte part du nucléaire (55GW en 2035)
Le scénario Ampère est une alternative qui permet d’avoir des résultats assez proches du Volt tout en respectant l’objectif de 50% d’EnR en 2035. Sa grande qualité ? Ne faire baisser le nucléaire que lorsque le développement des EnR est effectif, écartant le recours massif au gaz
Le pire scénario étant le Watt avec une forte baisse du nucléaire qui nécessite la construction de nombreuses centrales au gaz (le charbon est éliminé de tous les scénarios) pour un total de 47GW en 2035 (vs 11GW de fossile en 2020), augmentant fortement les émissions de CO2.
C’est aussi le moins bon scénario d’un point de vue économique. Quels sont les raisons d’un si mauvais score ?
Rappelons qu’on simule une sortie quasi complète du nucléaire dès 2035, les EnR ne sont pas assez développées pour couvrir toute la production (64% du total).
Surtout, RTE précise que, contrairement aux scénarios Négawatt et Ademe sur 2050, il préfère garder une approche prudente pour 2035 en écartant les ruptures technologiques comme le Power-to-gas . Ce seront donc les centrales fossiles qui feront la flexibilité du système.
« Ainsi, même avec une part des énergies renouvelables de 70% sur la production annuelle, les moyens pilotables démarrés en France peuvent pourvoir en moyenne à 60% de la consommation en France lors des pointes journalières l’hiver »
Ce scénario montre aussi que :
1) Le système électrique FR peut fonctionner avec 70% d’EnR dans son mix
2) Il n’y pas besoin de « doubler » la capacité EnR avec des centrales fossiles (grâce aux interconnexions et au fait que les EnR contribuent durant les pointes de conso)
Quel que soit le scénario, on constate dans le cas d’une « consommation haute » qu’un minimum de 60GW de flexibilité (que ce soit via du nucléaire, du fossile ou de l’effacement) est nécessaire, sans compter le développement des interconnexions.
La flexibilité de la demande reste modeste d’après le gisement économique identifié par RTE à 2035 (6GW dont 1GW de résidentiel via véhicule électrique et ballon d’eau chaude). Le stockage se fera essentiellement par STEP avec potentiellement des batteries.
On trouve dans ce scénario dans options sans regret qui méritent d’être développées quel que soit le mix retenu comme la maitrise de la consommation (ex : isolation) et le développement des interconnexions avec les pays frontaliers.
Comme dit plus tôt, la contribution des EnR durant la pointe n’est pas à négliger, en particulier pour l’éolien lors des pointes hivernales (image de gauche), même si les situations de vent faible nécessiteront un fort appel au fossile (image de droite).
Sur la contribution des différents moyens de production lors de la pointe hivernale, on constate tout de suite la différence avec le scénario Ampère (baisse du nucléaire à 50% en 2035 mais pas plus), en particulier lors des jours sans vent.
Le problème de l’inertie du système est aussi évoqué, avec le gestionnaire du réseau européen qui estime un besoin de production dit « synchrone » (nucléaire, fossile ou hydraulique) à 150GW pour la plaque européenne.
Pour 2035, ce risque devrait être limité. En revanche, pour 2050, de nouvelles solutions devront être trouvée s via les algorithmes de réglages dont seraient dotées les installations EnR ou de nouveaux services qui pourraient être rendus par le stockage.
Enfin, pour le développement rapide des ENR, RTE rappelle que « l’acceptabilité de ces installations constituera un facteur crucial pour la conduite de la transition énergétique. Elle prend le pas sur les considérations de nature technique ou économique »
Conclusion :
D’après RTE, en 2035, l’optimum économique et climatique est de ne fermer que 8GW de nucléaire tout en développant au maximum les EnR (Volt).
Respecter le 50% nucléaire/EnR de la loi dégrade faiblement les résultats et est possible si le déclassement du nucléaire ne se fait qu’une fois les EnR en place (Ampère). Avoir 50% d’EnR dans son mix ne posant pas de problème pour la sécurité du système électrique.
En revanche, aller au-delà de ce seuil dès 2035 (Watt) demande de construire beaucoup de centrales au gaz, avec un effet économique et climatique négatif, malgré un développement EnR très ambitieux. En 2035, ce sont encore les centrales pilotables qui font la flexibilité.
Aller en dessous de 50% Nucléaire en 2035 n’est donc pas raisonnable.
Pour 2050, la situation peut être différente : 15 ans de + pour développer les EnR, solutions de rupture possibles (forte sobriété, stockage,…). Nous verrons ça la semaine prochaine avec le scénario Négawatt!
Pour en savoir plus sur l’inertie du système électrique, voir cette vidéo du @le_reveilleur (en particulier à partir de 27:30).
You can follow @kevin_arnoux.
Tip: mention @twtextapp on a Twitter thread with the keyword “unroll” to get a link to it.

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