Mes enfants aiment bien les Aristochats. Je ne les empêche pas de les regarder, mais je ne rate pas une occasion de les alerter sur la morale très discutable de l'histoire. 1/19
Madame de Bonnefamille, une vieille et riche aristocrate, approche dans une grande solitude de la fin de sa vie. 2/19
Sa seule compagnie humaine est Edgar, son domestique. Edgar fait tout à la maison. Le ménage, à manger, il s'occupe des animaux, accueille les invités... 3/19
et il fait ça très bien. Il anticipe les problèmes avant qu'ils ne se posent, mais n'est jamais remercié par la patronne, qui, au contraire, saisit chaque occasion de le remettre à sa place. 4/19
Il ne coûte probablement pas très cher. Sa seule fortune semble être un side-car au moteur à peine fonctionnel, et il dort dans une mansarde insalubre, peut-être la seule pièce indigne de la grande maison. 5/19
Lorsque Madame de Bonnefamille reçoit son notaire, Edgar ne peut s'empêcher d'épier la conversation. Avec tout le mal qu'il se donne pour elle, elle fera certainement un geste pour lui, afin qu'il vive une retraite un peu plus confortable que sa vie actuelle. 6/19
Hélas, la vieille mégère ne lui laissera que ce qu'il restera lorsque tous ses chats et leurs descendants auront reçu de quoi vivre comme des princes. 7/19
Fou de rage, Edgar envisage de tuer les chats... mais se contente de les endormir pour les abandonner en pleine nuit à 200km de Paris, où se déroule l'histoire. 8/19
Pas un si mauvais bougre en somme, mais victime d'un mépris de classe assez violent de la part de la patronne. 9/19
"Edgar il est méchant !" crie la marmaille révoltée contre les atteintes proférées contre ces sympathiques boules de poils, qui, bien sûr, parlent, rient, peignent, chantent et jouent du piano. 10/19
C'est en général à ce moment que j'interviens, expliquant qu'il n'est peut-être pas si méchant que ça, qu'il travaille dur pour un salaire misérable, et que c'est peut-être sa patronne qui manque un peu d'humanité. 11/19
En lisant, dans les titres d'articles de presse que google soumet à mon attention, que Disney allait faire précéder la diffusion du dessin animé d'une mise en garde sur son contenu potentiellement choquant, j'ai donc tiqué. 12/19
Mais en découvrant la mise en garde en question, j'ai constaté, dubitatif, qu'elle concernait un traitement négatif et stéréotypé des cultures. Mais de quoi pouvait-il bien s'agir ? 13/19
Du jazz, musique afro-américaine et pratiquée par les scat cats, des chats de gouttière rencontrés par les aristochats à leur retour à Paris ? Outre que l'action se passe en France, le jazz est précisément présenté comme une musique vivante et inspirée. 14/19
Les oies anglaises un peu ridicules ? Elles ne sont certes pas très à leur avantage, mais enfin, lorsque les américains se moquent de leurs cousins britanniques, c'est presque de l'auto-dérision. 15/19
En fait, il semble que le problème vienne de ce chat siamois, membre des scat cats, qui joue du piano avec des baguettes chinoises. 16/19
Pour ceux qui ont vu la scène, ça ne fait aucun doute : tous les membres des scat cats sont des personnages positifs, sympathiques, qui ne peuvent faire rire que parce que ce sont des animaux qui jouent de la musique, mais certainement pas à leur détriment. 17/19
Il n'y a donc que ça qui gêne Walt Disney ? Franchement, il est possible que des spectateurs asiatiques se sentent agressés par cette scène, s'il s'en trouve parmi mes lecteurs, qu'ils le disent et je ne remettrai pas en cause leur sentiment intime. 18/19
Mais je ne peux m'empêcher de penser qu'une nouvelle version du dessin animé respectant les nouveaux engagements de Disney ressemblerait de très près à l'ancienne, avec, cette fois, une patronne ingrate issue de la diversité. Pas sûr que ça soit beaucoup mieux. 19/19