Kristina Vogel : le tour de trop

26 juin 2018. Sur la piste d'entraînement, à la fin de la séance quotidienne, Kristina Vogel va effectuer un tour d'anneau en plus que prévu par son entraineur.

Un ajout lourd de conséquence pour la championne du monde. ⬇️

#handicap #Thread
Kristina Vogel naît le 10 novembre 1990 à Leninskoye, dans l'actuel Kirghizistan. Après la chute du mur, la famille part en Allemagne alors qu’elle est âgée de six mois. Elle passe les trois premières années de sa vie dans un foyer pour demandeurs d'asile.
À 10 ans, Kristina doit choisir un sport. Elle aime danser et faire du vélo. Elle s’en remet au hasard, lance une pièce, laquelle tombe du côté vélo.

En catégorie junior, elle devient deux fois championne d'Europe et six fois championne du monde.
Mais en mai 2009, sa carrière naissante va brutalement connaître un coup d’arrêt : une fourgonnette de la police brule la priorité et la heurte de plein fouet lors de son entraînement quotidien.

Elle est placée en coma artificiel pendant 2 jours.
Physiquement, l’addition est salée : une vertèbre thoracique et les os carpiens ont été brisés, elle perd six dents et la vitre de la voiture a coupé son visage. Visage dont l’un des côtés est partiellement paralysé pendant plusieurs semaines.
"Peut-être que 2009 était la préparation pour 2018", racontera-t-elle, 10 ans plus tard.
Alors qu’elle ne peut pas encore reparler, elle prend un stylo et écrit sur un morceau de papier. Elle demande : " mon vélo est-il cassé ? J’en veux un nouveau si c’est le cas. Je veux juste retourner faire du vélo".

Elle revient à la compétition en février 2010
A partir de ce moment, elle va engranger au point de devenir la référence mondiale de la discipline : 11 titres de championne du monde, double médaillée d’or au JO (en 2016, elle remporte l’épreuve malgré la disparition de sa selle, qui s’est cassée pendant la course).
Alors qu’elle mène une vie de policière à la ville, en 2018, elle devient double championne du monde à Apeldoorn, aux Pays-Bas.

Mais ce 26 juin 2018, elle fait ce tour de trop.
De l’autre côté de l'anneau, un jeune cycliste néerlandais s'entraîne au départ arrêté. Vogel prend le virage à fond et déboule dans la ligne droite à plus de 60 km/h. Le choc est brutal et la moelle épinière de la septième vertèbre thoracique de Kristina Vogel est sectionnée.
Les conséquences sont graves : dans les deux semaines qui vont suivre, elle va développer une pneumonie sévère qui va engager son pronostic vital. Elle va être mise dans un coma artificiel à plusieurs reprises.
Droguée d’analgésiques, elle entend une voix en colère qui lui ordonne de lâcher prise. “Je pensais que si je faisais ça maintenant, je mourrais. C'est dingue quand quelqu'un dit dans ta tête: «Maintenant vas-y!»" ...
Et toi, tu réponds: «Non, je ne veux pas, je ne veux pas! j'ai envie de vivre, j'ai envie de rire.”

Elle se réveille, et réalise qu’elle ne peut plus bouger les jambes. Elle est désormais paralysée des pieds jusqu’à la poitrine.
Alors que son entourage est effondré, la cycliste réagit étonnement bien : "quand je me suis réveillé du coma, j'étais plutôt en mode : "OK, c'est mon statut maintenant, voyons comment avancer”. Elle entame alors ce qu’elle qualifie comme “le plus gros combat de ma vie”
Sur YouTube, elle remarque une vidéo d 'un homme en fauteuil roulant. Il réalise des “halfpipes monstrueux” selon ses dires et multiplie les acrobaties malgré son handicap.

“C'est à ce moment-là que j'ai réalisé et que je me suis dit: 'Oh, ta vie n'est pas finie.' “
“Cette vidéo signifiait pour moi que, même si j'étais désormais limitée à certains égards, je ne me mettrais aucune limite dans mon esprit.”
2 ans plus tard, l’ancienne athlète rayonne : formatrice à la police, conférencière, consultante sportive, entraineuse, elle touche à tous les domaines. Elle est même ambassadrice de la ville d'Erfurt, siège au conseil municipal de sa ville natale.
Et surtout elle livre une analyse de ces deux dernières années : "je me compare à un bébé qui a dû apprendre à se tourner et à s'asseoir. C’était bien d'avoir pu prendre mon temps. Pour la 1ere fois de ma vie, je n'ai rien eu à faire. En gros, j’étais libre pour la 1ere fois"
“Je suis presque reconnaissante de l'accident. Personne ne me croit jamais quand je le dis, mais je me sens tellement bien, maintenant. C'est si bien de ne rien avoir à faire. C'est agréable de s'allonger sur le canapé avec mon copain, de ne pas aller à la salle de musculation.”
Elle peut enfin assister à un concert, son premier, à 28 ans :” De plus en plus, on remarque la spirale négative du sport de haut niveau. C'est quelque chose de très, très difficile à gérer pour les athlètes, qui entraîne des problèmes mentaux pour beaucoup.”
Aussi fou que ça puisse paraître, Kristina Vogel ne regrette rien de sa nouvelle vie:“Je considère que c'est un très, très grand privilège que la merde - si je peux m'exprimer ainsi - qui est arrivée le 26 juin 2018 se soit transformée en quelque chose de tellement génial !"
#Fin
(quand vous voyez qu’un tel handicap peut être pris comme une bénédiction par un athlète de haut niveau qui le subit, vous pouvez imaginer la pression de dingue qu’ils subissent au quotidien et pourquoi des sportifs comme Kittel ou Dumoulin décident de jeter l’éponge.)
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