[THREAD] 1/ Je viens de finir le livre d’Alice Coffin Le #GénieLesbien Un thread sur Twitter ne suffirait pas pour résumer tout ce que ce livre m’inspire. Il soulève tant de problématiques et d’interrogations.
2/ Dans l’ensemble, je trouve ça relativement décevant et très moyen autant sur le fond que sur la forme. Hormis de belles pages sur son amour pour sa compagne, sur son père, sur l’alcoolisme et sur le corps lesbien, le fond n’emporte absolument pas la conviction.
La thèse du livre ne me convainc à cause, entre autres, de la forme. Alice Coffin n’argumente pas, ne développe pas, n’étaye pas. Elle assène, elle professe, elle condamne. Elle ne doute pas, elle ne nuance jamais, elle sait et les autres sont bêtes ou des salauds (ou les deux).
4/ Parfois, l’auteur passe du coq à l’âne sans aucune cohérence. Hormis qu’elle déteste les hommes et qu’elle entretient une vénération (quasi malaisante) pour les EU, on ne voit pas du tout quelles sont les solutions qu’elle nous propose. Ou si on les comprend trop bien.
5/ Et c’est cela qui nous inquiète. Elle regrette son lexique belliqueux et martial, mais en réalité il jalonne tout le livre et illustre parfaitement son état d’esprit. Elle souhaite la guerre des hommes contre les femmes. Elle veut leur faire payer leur monnaie de la pièce
6/ Je ne conteste uniquement que certains hommes se comportent vraiment comme des raclures à l’égard des femmes, qu’il faut lutter contre le sexisme partout, contre les féminicides et les viols. Sauf que là où le bât blesse, c’est qu’AC n’aime qu’essentialiser.
7/ Et l’essentialisation, c’est le premier pas vers la stigmatisation et cela permet d’établir une ligne de fracture, des tranchées et des camps. Elle essentialise les lesbiennes, les hommes (qu’elle qualifie toujours de « blancs ») et les hétérosexuels.
8/ Dès lors, les individus sont réduits à des prototypes dans des petits tiroirs bien au chaud, bien assignés à leur rôle. Les individus n’existent pas, il n’y a que des catégories au point d’ailleurs que les hommes gay en prennent aussi pour leur grade.
9/ Même en étant gay et féministe, on sera immanquablement un peu coupable car on est homme (avant tout) à ses yeux. Si j’étais aussi excessif qu’elle, je dirais qu’elle frôle presque la gayphobie. Être gay et défendre la PMA lui semble insupportable.
10/ Sans compter son goût immodéré pour les EU au point qu’à la fin tous ces témoignages d’activistes américains rendent le propos très abscons... et là aussi, le propos est biaisé. Bizarrement rien sur les ravages de la religiosité extrême aux EU sur les LGBT.
11/ Rien sur les thérapies de conversion, rien sur la vie des jeunes LGBT dans des sectes évangéliques. On se lamente simplement sur le fait que les acteurs ne font pas leur CO. Ça se comprend mais c’est peu, insuffisant et parcellaire.
12/ Et c’est bien ça le problème : AC ne sort pas de son milieu. Elle nous parle que d’elle et ne fréquente que ses copines activistes. Il n’y a aucune réflexion sur les classes sociales, sur « être lesbienne » en province, dans un milieu traditionnel ou très religieux.
13/ On est au chaud dans un entre soi citadin un peu déconnecté de la réalité de la vie des LGBT. Je crains qu’il y ait des situations quotidiennes bien pire qu’être journaliste lesbienne dans une rédaction. A moins de travailler chez VA...
14/ Sans compter le prisme intersectionnel qui encombre toute réflexion qui conduit à s’acoquiner avec des personnalités étant elles mêmes complices des pires homophobes (R. Diallo étant une journaliste proche des médias pro Erdogan).