En lien avec l'excellentissime @SirYesS25095892 et ses super threads pédagogiques sur la justice, voici un thread sur l'aménagement de peine ! Il y a beaucoup à dire, alors je vais essayer d'être aussi complet que synthétique (ce qui est Mission Impossible). Prêts ? C'est parti !
L'aménagement de peine (AP pour la suite), KESAKO ?
Pour faire simple, c'est permettre à une personne libre, condamnée à une peine d'emprisonnement ferme, d'éviter l'incarcération, et pour un détenu, d'être libéré de façon anticipée, en leur octroyant une mesure de confiance.
Pour faire simple, c'est permettre à une personne libre, condamnée à une peine d'emprisonnement ferme, d'éviter l'incarcération, et pour un détenu, d'être libéré de façon anticipée, en leur octroyant une mesure de confiance.
POURQUOI ?
Une partie de l'opinion publique a du mal à comprendre qu'une peine d'emprisonnement ne soit pas exécutée telle qu'elle a été prononcée (ou pas jusqu'à son terme). Mais l'AP est vraiment un outil indispensable dans la prévention de la récidive...
Une partie de l'opinion publique a du mal à comprendre qu'une peine d'emprisonnement ne soit pas exécutée telle qu'elle a été prononcée (ou pas jusqu'à son terme). Mais l'AP est vraiment un outil indispensable dans la prévention de la récidive...
...en favorisant la réinsertion. C'est aussi la simple conséquence d'un principe essentiel du droit pénal, indisponible à une bonne justice : le principe d'individualisation. Chaque personne a le droit de voir les particularités de sa situation et ses efforts pris en compte...
... DANS LES LIMITES DU POSSIBLE ET DE SON MERITE of course ! D'ailleurs, toutes les peines ne sont pas aménageables : indépendamment de la situation du condamné, les demandes d'aménagement de peine sont soumises à un seuil de recevabilité. Au-delà, impossible d'aménager.
Pour les condamnés libres, avant le 24/03/20 (date d'entrée en vigueur de la Loi de Programmation pour la Justice, ou "LPJ", du 23/03/19), ce seuil était de 2 ans, ou 1 an en cas de récidive. La LPJ a abaissé ce seuil à 1 an pour tout le monde... récidive ou pas récidive !
MAIS la LPJ n'a pas prévu de disposition dérogatoire pour l'application de la loi dans le temps, c'est donc le principe général de l'article 112-3, 3° CP qui s'applique (ce qu'a confirmé la Cour de cassation dans un arrêt du 20 octobre 2020). Accrochez-vous pour les explications!
Cet article dispose que les lois nouvelles relatives à l'exécution / application des peines, lorsqu'elles rendent la peine plus sévère pour le condamné, ne peuvent s'appliquer UNIQUEMENT qu'aux infractions commises A COMPTER de leur entrée en vigueur.
L'esprit de ce principe est le suivant : on ne peut pas appliquer à un condamné des dispositions qu'il n'avait aucun moyen d'anticiper, si elles aggravent sa situation. C'est la réciproque du principe "Nul n'est censé ignorer la loi".
Donc, pour les condamnés libres ayant commis des faits avant le 24/03/20, c'est l'ancien seuil qui s'applique (pour rappel, 2 ans / 1 an en cas de récidive). Pour les faits commis après cette date, c'est le nouveau seuil (1 an). MAIS que se passe-t-il en présence des deux ?
La Cour de cassation n'a pas encore tranché, ce qui va suivre est donc une position personnelle : sous l'ancien seuil, UNE SEULE infraction en récidive abaissait la limite à 1 an. Un seul fait commis après le 24/03/20 devrait donc entraîner l'application du nouveau seuil.
Pour les détenus, depuis la LPJ (et cette fois, c'est d'application immédiate, donc depuis le 23/03/19), le seuil est de 2 ans avant la date de fin de peine (avant, c'était pareil que pour libres). Oui, c'est désormais plus sévère pour les libres, ME DEMANDEZ PAS POURQUOI...
QUELS SONT LES DIFFERENTS AP POSSIBLES ?
Il y a d'un côté les mesures dites "sous écrou" (assimilées à la détention), et de l'autre les mesures "sans écrou". Les premières sont évidemment plus contraignantes, mais elles sont aussi souvent moins longues (en règle générale).
Il y a d'un côté les mesures dites "sous écrou" (assimilées à la détention), et de l'autre les mesures "sans écrou". Les premières sont évidemment plus contraignantes, mais elles sont aussi souvent moins longues (en règle générale).
LES MESURES SOUS ECROU :
1) la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE, ou "bracelet électronique"). C'est la plus connue, c'est "la prison à la maison" : le condamné ne peut pas quitter son logement en dehors de certains horaires fixés par le JAP.
1) la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE, ou "bracelet électronique"). C'est la plus connue, c'est "la prison à la maison" : le condamné ne peut pas quitter son logement en dehors de certains horaires fixés par le JAP.
Par exemple, pour aller travailler. Un dispositif à la cheville et un boîtier branché au domicile permettent de vérifier que les horaires sont respectés. En cas de violation, ça déclenche une alarme. Si le condamné n'a pas une bonne excuse, le JAP peut ordonner l'incarcération.
2) la semi-liberté (SL) : le condamné dort en détention et sort en journée pour travailler. Comme pour la DDSE, il doit respecter des horaires. C'est un AP très intéressant, mais malheureusement, les places de semi-liberté sont peu nombreuses, et c'est vraiment dommage.
3) Le placement extérieur (PE) : il consiste (généralement) à être pris en charge dans une structure de réinsertion (souvent une association), qui propose à la fois un hébergement et un accompagnement social. Très apprécié des JAP (surtout pour les fins de longues peines)...
...mais les places sont malheureusement encore moins nombreuses que pour la SL. Cela suppose que la structure soit habilitée, et dans certains ressorts, il n'y en a tout simplement pas. Sniff sniff...
Dans le prochain thread, je détaillerai les mesures sans écrou (Twitter n'autorise pas assez de tweets dans un seul thread pour terminer celui-ci d'une seule traite). Attention, ça va être du lourd, encore plus complexe qu'un film de Christopher Nolan !