Au Togo, il y a 13 Janvier et 13 Janvier.
Il y a le 13 Janvier 1963, l'assassinat de Sylvanus Olympio et le 13 Janvier 1967, le coup d'Etat qui a permis à Eyadema in fine de prendre le pouvoir. Celui qui nous intéresse dans le thread de ce soir, c'est le premier.
Il y a le 13 Janvier 1963, l'assassinat de Sylvanus Olympio et le 13 Janvier 1967, le coup d'Etat qui a permis à Eyadema in fine de prendre le pouvoir. Celui qui nous intéresse dans le thread de ce soir, c'est le premier.
Ce dimanche matin, il est 7h15. Richard L. Storch s’est détourné 5mn plus tôt de son guet, le temps de se faire du café. Un, deux, trois. Trois coups de feu. La tenue beige d’un homme est maculée de sang, là dans la rue.
Sylvanus Olympio, premier président du Togo indépendant s’écroule dans la poussière. C’est le premier coup d’Etat dans une Afrique encore dans les langes de l’indépendance.
Tout commence la veille au soir lorsque Dina, l’épouse de Sylvanus l’avertit qu’il y a une altercation en cours au portail sur lequel elle a vue entre les deux policiers chargés de la sécurité de la villa présidentielle qui fait face au bord de mer. Le président travaille encore.
Il est 23h. Il met la dernière main au projet de charte constitutive que le président libérien Tubman et lui doivent soumettre dans le cadre de la création de l’organisation de l’unité africaine. Le président voyage le lendemain.
La situation s’aggrave. Des coups de feu sont tirés en direction de la fenêtre. Olympio comprend ce qui se passe. Il s’habille d’un bermuda et enfile une chemise. Il sort précipitamment dans la cour et rejoint le mur qui sépare sa résidence de l’ambassade des Etats-Unis.
Il a le temps d’escalader le mur et se cacher sur la banquette arrière de la Buick de l’ambassadeur. Le contingent armé compte 6 hommes. Ils se défont sans difficulté des policiers et entrent dans la résidence après avoir défoncé le portail.
Ils montent à l’étage. Dina Olympio est tenue en joue ainsi que son personnel de maison. La seule obsession du commando : « Où est Olympio ? » Ce à quoi l’épouse répond qu’elle ne sait pas. Il serait sorti depuis une heure.
Les militaires confus et énervés tirent dans les placards. Le président n’y est pas. Ils ressortent de la résidence. (sur cette photo le commando, au centre Klebert Dadjo, avec à sa droite Eyadema)
C’est à ce moment que l’articulation du complot se fait jour. Un des hommes téléphone à Henri Mazoyer, l’ambassadeur de France pour l’informer qu’Olympio est introuvable. Cet homme c’est Etienne Eyadema. L’opération tourne au fiasco.
Mais les ennemis du président sont pleins de ressources. Comme celles qui ont conduit Georges Maîtrier, chef du cabinet militaire, coopérant français
et surtout agent des renseignements généraux français à ouvrir l’arsenal militaire dont il détenait seul la clé pour que les assaillants puissent prendre les armes.
Le temps s’allonge. Rien ne se passe jusqu’à 3h30 du matin. L’ambassadeur des Etats-Unis, Leon Poullada, reçoit un coup de fil. A l’autre bout de la ligne, Mazoyer. Olympio est peut être réfugié dans l’enceinte de l’Ambassade des Etats-Unis.
Le diplomate américain se rend de nuit à l’ambassade mais rencontre la résistance des putschistes qui veulent l’empêcher d’entrer. Après une discussion animée, ils finissent par le laisser entrer.
A peine entré dans la cour, il est interpellé par Sylvanus Olympio qui lui fait un point sur la situation. Poullada lui demande de rester caché, qu’il reviendrait avec la clé du véhicule pour le mettre à l’abri. Il ne reviendra jamais…
Leon Poullada va alors appeler Henri Mazoyer pour lui confirmer que ses soupçons étaient fondés et lui indique même l’emplacement précis où se cache le président.
Mazoyer transmet sans doute cette précieuse information à son commando sur place devant le portail de l’ambassade américaine. Le coup est à nouveau sur les rails.
Lomé se réveille ce matin-là abasourdi. Pendant ces heures où la situation était gelée après le coup de force initial de 23h, les militaires craignant qu’Olympio rescapé ne reprenne la situation en main décident de neutraliser le gouvernement.
Les ministres sont arrêtés et amenés au camp militaire. A 6h, France Inter annonce aux infos du matin qu’Olympio a été tué. Le président est encore bel et bien vivant à ce moment-là. Plus pour longtemps.
Il est 6h40, lorsque le téléphone sonne chez Richard Storch, le jeune vice-consul qui a l’avantage stratégique d’habiter face à l’ambassade des Etats-Unis. C’est Poullada qui appelle. Il lui demande de garder un œil sur la situation.
Peu de temps après, les militaires reçoivent la fameuse indication et pénètrent dans l’enceinte de l’ambassade américaine en violation de toutes les conventions internationales en la matière. Ils localisent Olympio dans le véhicule et l’en extraient.
Il est conduit dans la rue où la tension monte. Les militaires entreprennent de le conduire également au camp. Il s’y oppose. A ce moment va se produire un fait divers incroyable.
Les militaires n’ayant pas de transport, arrêtent un Wolkswagen conduite par un homme aux traits caucasiens. C’était toujours mieux qu’un Togolais qui risquerait de donner l’alerte.
Ils montent à bord avec Olympio et avant de démarrer le chauffeur se retourne et demande au président en Ewe si tout va bien. Les putschistes comprennent qu’ils sont sur le point de commettre une grave erreur.
Le conducteur n’est autre que Yves Brenner, directeur de l’information, métis germano-togolais (et accessoirement frère de la grand-mère de Sibeth Ndiaye). Ils redescendent aussi du véhicule et la discussion s’agite encore plus.
Dina regarde par la fenêtre. Richard Storch n’est plus à la sienne (en tout cas c’est ce qu’il prétendra) quand soudain trois coups de feu retentissent, déchirant le silence. Trois coups espacés, réguliers.
Sylva refusait d’obéir, Sylva est mort. Les coups étaient trop réguliers pour faire penser à un acte précipité, le président vient d’être exécuté.
Pour aller plus loin :
- Sur le contexte politique, les tensions avec la France, les causes de son assassinat https://www.jeuneafrique.com/138661/politique/togo-qui-a-tu-l-ancien-pr-sident-sylvanus-olympio/
- Sur le contexte politique, les tensions avec la France, les causes de son assassinat https://www.jeuneafrique.com/138661/politique/togo-qui-a-tu-l-ancien-pr-sident-sylvanus-olympio/
- Sur le parcours politique et la vision économique de Sylvanus Olympio, les circonstances de son assassinat https://www.grioo.com/ar,sylvanus_olympio_1902-1963_premier_president_du_togo_independant_,20466.html
- Sur la version d'Eyadema de l'assassinat d'Olympio, sur le contexte politique ayant prévalu au moment de l'assassinat d'Olympio, la période de 4 ans entre le 13 Janvier 1963 et le 13 Janvier 1967
Vous noterez la Freedom of Information Act, les documents concernant l'assassinat de Sylvanus Olympio ne sont toujours pas dans le domaine public sans doute en raison de la violation manifeste de l'ambassade des USA qui a eu lieu le 13/01/63 au matin
Il nous revient en temps que Togolais, afin que l'histoire s'écrive en vérité et en réconciliation de militer pour que la vérité soit rendue publique.
*vous noterez que malgré