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Je suis d'accord avec l'analyse de @FredericFarah développée ici par @RaveaudGilles qui expliquent très bien l'un des effets de l'euro.

Cependant, il me semble nécessaire d'évoquer également d'autres effets de l'euro et du marché unique qui sont davantage ignorés. ⬇️⬇️ https://twitter.com/RaveaudGilles/status/1347953399216693260
D'abord, le problème de la monnaie unique ne se résume pas à un problème de taux de change. Qui dit monnaie unique dit également politique monétaire unique, c'est à dire même taux d'intérêt de refinancement bancaire.
Le taux de refinancement bancaire définit le coût de l'argent pour les banques lorsqu'elles sont en manque de liquidités et qu'elles doivent emprunter sur le marché interbancaire, c'est-à-dire auprès des autres banques ou directement auprès de la banque centrale.
C'est un taux d'intérêt classique, généralement faible (2-3%). Depuis la crise, il est tombé à 0%. Les banques se refinancent donc gratuitement.

Mais voilà. Ce n'est pas parce que toutes les banques de la zone euro sont soumises au même taux que c'est équitable.
En effet, le vrai coût de l'argent n'est pas le niveau nominal du taux d'intérêt, mais le niveau réel, c'est à dire ajusté de l'inflation qui exprime la perte du pouvoir d'achat de la monnaie.

Par exemple, avec une inflation à 2%, un taux de 2% représente un taux réel de... 0%.
En gros, pour obtenir le taux d'intérêt réel, on soustrait le taux d'inflation au taux nominal.

Que s'est-il passé depuis l'euro? Non seulement on partage une même monnaie, mais les taux de refinancement sont eux aussi identiques. Or, ce n'est pas le cas de l'inflation.
En fait, dans les années qui précèdent la crise de 2008 (mais c'est vrai après également ) on constate que les taux d'inflation sont structurellement différents d'un pays à l'autre.

C'est comme si la valeur de l'euro n'évoluait pas de la même façon en Irlande et en Allemagne!
Mais cela veut surtout dire que les coûts réels de refinancement des banques ne sont pas les mêmes en Irlande et en Allemagne. Autrement dit, pour une banque irlandaise, l'argent est beaucoup moins cher que pour une banque allemande.
En 2007, le taux d'intérêt réel d'une banque irlandaise est de 4%-4,9%=-0,9%, alors que pour une banque allemande il est de 4%-2,3%=1,7%.

Ce taux négatif dont bénéficiaient les banques irlandaises explique les prises de risques et l'effondrement du système bancaire irlandais.
En résumé, l'euro ce n'est pas qu'un problème de taux de change. C'est aussi une politique monétaire unique qui n'est pas adaptée aux situations des pays.

Lorsque la Grèce entre en inflation négative du fait des politiques d'austérité, les taux à 0% handicapent sa reprise...
... alors qu'ils l'accélèrent dans les pays qui vont bien, ont retrouvé la croissance et connaissent une inflation positive. La politique monétaire unique accentue donc les divergences internes à la zone euro.

Mais il y a pire. Les effets du marché unique.
Il y a un truc qui me gène dans le fil de @RaveaudGilles, c'est lorsqu'il explique que l'Allemagne a une balance commerciale excédentaire, comme si c'était la nature de l'économie allemande d'être structurellement en excédent et celle de l'économie français d'être en déficit.
Il ne faut pas s'arrêter à ces constats... qui d'ailleurs ne se sont pas toujours vérifiés dans l'histoire. Lorsque l'euro est lancé en 1999, c'est la France qui connait des plus forts excédents commerciaux. L'écart se creuse APRES le lancement de la monnaie unique.
C'est là qu'il faut creuser un peu plus loin que la seule question monétaire.

Qu'est-ce qui fait qu'un pays est en excédent commercial? Il suffit de regarder la composition des échanges extérieurs pour s’apercevoir que plus des 3/4 des exportations sont des produis industriels.
Autrement dit, c'est le dynamisme industriel qui explique les excédents commerciaux et la désindustrialisation qui explique les déficits. Dès lors il faut s'interroger sur les causes profondes de la désindustrialisation française.

Et c'est là que j'ai fait une découverte.
L'Union européenne, en s'unifiant économiquement, a complètement réorganisé son industrie à l'échelle continentale selon deux logiques:
1/ le coût de la main d’œuvre
2/ les effets de proximité géographique.
Les effets de proximités sont très importants dans l'industrie. Plus on regroupe géographiquement les usines, plus on bénéficie d'infrastructures de qualités (transports, formation), d'une main d’œuvre compétente, et de sous-traitants de qualité avec lesquels contracter.
Dans une économie peu ouverte aux capitaux extérieurs, l'épargne nationale finance en priorité les investissements productifs interne (parce qu'elle ne peut pas trop sortir). Les effets de proximité se produisent en interne.
Dès qu'on libère les mouvements de capitaux à l'échelle continentale, alors il n'y a aucune raison de construire des usine en Grèce ou en France, s'il est plus rentable de les construire dans les régions les plus denses industriellement, c'est à dire à proximité de l'Allemagne.
Ce qui explique la désindustrialisation de la France n'est pas l'euro. Ce sont les effet de la libre circulation du capital qui sont attirés par le cœur industriel de l'UE.

Cela est évident si on regarde les chiffres européens et qu'on les remet sur une carte.
En fait, ce n'est pas compliqué. Les pays qui ont le moins perdu d'emplois industriels se situent tous proche de l'Allemagne. Qu'ils appartiennent ou non à la zone euro est sans effet.

Le Royaume-Uni et la Suède n'ont pas été protégés des effets d'agglomération.
Ça fait quatre ans que j'essaie d'expliquer - en vain - à mes collègues euro-critique que l'euro n'est que la partie émergée de l'iceberg. la France ne retrouvera pas son dynamisme industriel tant qu'elle ne rompra pas avec le marché unique et la libre circulation du capital.
Pour conclure.
1/ Oui la monnaie unique pose problème et oui, il faut en sortir.
2/ Mais ça ne suffira pas. C'est toute l'architecture économique européenne qui pose problème. Il faut donc rompre aussi avec l'Acte unique de 1986 et le principe de libre concurrence du capital.
3/ Ça m'embête qu'on limite toujours la question de la monnaie unique à la seule question d'un taux de change. Une monnaie unique c'est bien plus que ça. Il y aurait d'ailleurs bien d'autres aspects à évoquer mais ce n'est pas l'objet de ce fil.
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