Réflexions rapides sur la décision de #twitter sur laquelle je suis très partagé. Tout d’abord, on ne parle naturellement pas ici de « liberté d’expression » mais d’une plateforme privée qui décide de son contenu.
Et il ne faut surtout pas sous-estimer la vive émotion et le caractère sans précédent de la situation que traversent les Etats-Unis. Le président, l’un des comptes les plus suivis du site, a encouragé une insurrection violente contre le Capitole, résultant en 5 morts.
Et je le dis en ayant été longtemps dans le camp des anti-alarmistes. J’ai vu Trump d’abord comme un symptôme et un accélérateur de tendances profondes. Je ne me prête pas à la surenchère rhétorique sur le nazisme. https://www.grasset.fr/livres/le-paradis-perdu-9782246820161
Jusqu’à novembre, je pense même que l’on pouvait dire que son bilan n’était pas pire que celui d’un George W. Bush en politique étrangère ou sur l’économie. Sans Covid (une crise gérée dans le déni et l’incompétence), il aurait pu être réélu. https://www.lefigaro.fr/vox/monde/presidentielle-americaine-vainqueur-ou-vaincu-donald-trump-a-deja-change-le-monde-20201104
Mais un cap majeur est franchi depuis l’élection. Théories du complot, accusations de fraude sans fondement (enquêtes et décisions de justice le prouvent), pressions sur des élus (républicains) pour inverser le résultat. Et maintenant cet assaut. C’est un refus de démocratie.
Dans ce contexte, et à 12 jours de l’investiture qui pourrait encore être le lieu de violences, la décision se comprend. C’est un peu court d’accuser Twitter de gauchisme quand Trump en a fait sa plateforme de choix depuis des années.
Mais des questions se posent. L’hypocrisie bien sûr de voir @khamenei_ir ou @Ahmadinejad1956 et tant d’autres garder leur tribune. Sans parler de l’ext. gauche, des tweets antisemites contre Miss Provence, etc. Si on s’engage dans cette voie, le précédent sera dur à défendre.
Et la question de la nature des sites de réseaux sociaux: média ou plateforme? Quelle rôle dans la modération des contenus? Comment assurer l’impartialité politique? L’UE travaille sur ces sujets depuis longtemps et a renforcé son arsenal régulateur avec DSA/DMA le mois dernier.
Il est évident que ces plateformes ont une responsabilité, vue leur importance dans le débat. Prévenir les risques de violence est une chose, deplateformer en masse les comptes conservateurs en est une autre. Voir ces sites pencher vers un camp serait dangereux.
Urgent d’ouvrir un dialogue transatlantique sur le sujet avec l’administration Biden. https://www.atlanticcouncil.org/in-depth-research-reports/issue-brief/engaging-europe-a-transatlantic-digital-agenda-for-the-biden-administration/