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Hercule, sékoidon ?
Et EDF va-t-il disparaître ?
Un petit thread
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Ces temps-ci, on entend beaucoup parler d'un projet nommé « Hercule ». Les syndicats de l'entreprise sont vent debout contre cette réforme qu'ils accusent de signer la mort du groupe électrique national. https://www.20minutes.fr/economie/2929059-20201210-syndicats-farouchement-opposes-hercule-projet-reorganisation-edf
La raison qui a engagé Hercule, ce sont les difficultés financières du groupe. Malgré une bonne rentabilité, EDF fait face à un endettement assez élevé et ça ne va pas s'arranger.
Pourquoi ces difficultés financières ? La première raison est l'Arenh (accès régulé à l'électricité nucléaire historique). L'Arenh est un mécanisme contractuel qui oblige EDF à vendre une partie de sa production (100 TWh/an) à un tarif fixe de 42€/MWh. https://entreprises.selectra.info/energie/guides/arenh
Les opérateurs concurrents (Total et Engie pour citer les plus gros) achètent donc cette électricité à 42€ quand le tarif de marché est plus élevé, et l'achètent au tarif de marché quand il est bas.
Pile je gagne, face tu perds.
Pile je gagne, face tu perds.
Deuxième raison, EDF est tenu d'acheter, à tarif convenu à l'avance, l'électricité d'origine éolienne ou solaire de la part des propriétaires de telles installations (particuliers comme industriels), quand elles produisent.
Ces contrats d’achat à tarifs garantis courent généralement sur 20 ans, et représentent donc un volume financier gigantesque que nous sommes loin d’avoir fini de payer.
La cour des comptes chiffrait à 121 Md€ courant ce que nous sommes engagés à acheter aux producteurs à date de fin 2017. Ces dépenses vont significativement compromettre nos capacités d’investissement jusqu’en 2030. https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-soutien-aux-energies-renouvelables
Fun fact : EDF a un service entier dédié à ces obligations d’achat qui emploie plusieurs centaines de personnes.
https://www.edf-oa.fr/
https://www.edf-oa.fr/
Ces obligations d’achat sont compensées par l’État (comprendre : par les contribuables) à travers diverses taxes. EDF n’en assume donc pas le coût direct. Mais il en assume des coûts indirects.
En effet l’opérateur se retrouve sur les bras avec de gros volumes d’électricité quand le soleil et le vent sont abondants, et se retrouve à devoir diminuer la production nucléaire, ce qui diminue sa rentabilité.
Dans la « concurrence libre et non faussée » à la française, un bon boulanger est obligé de vendre son meilleur pain au rabais à son concurrent, et de lui racheter ses rebuts les jours où rien ne se vend.
Mais certains vous expliqueront que ce système est « ultralibéral ».
Mais certains vous expliqueront que ce système est « ultralibéral ».
Troisième raison, l’état actionnaire s’est abondamment servi en dividendes pendant des années pour masquer l’incurie des gouvernements sous Sarkozy & Hollande, au moment où le groupe aurait plutôt dû lancer des investissements pour renouveler le parc de production.
Aujourd’hui, pourquoi l’endettement d’EDF, qui avait nettement diminué, augmente à nouveau ? Tout simplement car il est dans la nature d’un opérateur hydraulique et nucléaire d’investir sur le long terme.
Un réacteur de 2e génération était prévu pour durer minimum 40 ans, un réacteur de type EPR minimum 60 ans. Un barrage hydroélectrique peut durer un siècle.
EDF a engagé des travaux de rénovation massifs pour prolonger la durée de vie des réacteurs REP au-delà de 40 ans tout en amenant leur sûreté aux niveaux actuels : le « grand carénage ». Ces travaux vont coûter 50 Md€ au total. https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/journalistes/tous-les-communiques-de-presse/edf-reajuste-le-cout-du-programme-grand-carenage
Il faudra y ajouter le financement des nouvelles constructions, qui même si elles ne dérapent pas comme Flamanville, vont représenter un investissement massif et à très long terme…
… d’abord en Angleterre avec HPC et Sizewell, puis dans d’autres pays comme l’Inde si leurs projets se confirment, et en particulier en France où il va bien falloir augmenter la production électrique pilotable si on veut réellement diminuer la consommation d’énergies fossiles.
Fun fact : pour financer le projet Hinkley Point C, l’état britannique s’est engagé sur un tarif d’achat garanti de 92 £/MWh pendant 35 ans. Le prix que les gens sont prêts à payer pour une énergie propre et pilotable est loin des 42 € de l’Arenh.
https://www.world-nuclear-news.org/Articles/Final-contracts-signed-for-Hinkley-Point-C-project
https://www.world-nuclear-news.org/Articles/Final-contracts-signed-for-Hinkley-Point-C-project
La structure actuelle d’EDF, exposée à la concurrence, rend l’entreprise peu attractive pour les investisseurs, surtout avec des retours sur investissements, certes juteux, mais très longs.
La solution est donc en train de s’imposer d’elle-même : la renationalisat… pardon, la recapitalisation de l’entreprise par l’État.
L’état français, échaudé par des précédents comme les autoroutes, aimerait également en profiter pour éviter de remettre en concurrence les concessions hydrauliques comme le demande la Commission européenne avec insistance.
Problème : comment protéger les secteurs stratégiques et non concurrentiels que sont le nucléaire et l’hydraulique sans porter atteinte à la concurrence pour les autres activités, en particulier la commercialisation de l’électricité et l’exploitation de parcs renouvelables ?
Vous commencez à voir venir la structure du projet Hercule.
Le concept de ce projet est de protéger les activités nucléaires et hydrauliques de la concurrence en les plaçant dans deux entreprises détenues à 100% par l’État (EDF bleu et EDF azur).
Le concept de ce projet est de protéger les activités nucléaires et hydrauliques de la concurrence en les plaçant dans deux entreprises détenues à 100% par l’État (EDF bleu et EDF azur).
Une troisième entreprise (EDF vert) détiendrait les activités de commercialisation et les gadgets solaires et éoliens. EDF vert serait ouvert à l’actionnariat privé et exposé directement à la concurrence.
Peu d’éléments circulent sur la mise en œuvre effective du projet, ce qui laisse libre cours à toutes les rumeurs. En l’état, même si l’idée va dans le bon sens au niveau de l’autonomie énergétique de la France et de la réduction de son empreinte carbone…
… on ignore si des détails ne vont pas faire pencher la balance vers les gaziers (Total & Engie).
Les syndicats, premiers sur le conservatisme, en profitent évidemment pour jouer la carte du blocage, en hurlant au démantèlement de l’entreprise.
Pour l’instant, le PDG Jean-Bernard Lévy s’est engagé au maintien du statut des IEG et à préserver la mobilité des salariés entre les différentes entreprises du groupe, mais ça ne va pas plus loin.
On ignore également ce qu’il va advenir de l’Arenh : une annulation pure et simple de ces contrats signerait la mort d’un certain nombre d’entreprises parasites, ce qu’on peut comme moi trouver souhaitable…
… mais il y a fort à parier qu’on va plutôt aller vers une augmentation progressive des tarifs jusqu’à (on espère) un arrêt définitif du dispositif.
En résumé, si comme moi vous êtes préoccupé par l’avenir de la filière nucléaire française, vous devriez accueillir Hercule favorablement. Ce qui n’empêche pas de regarder avec attention ce qui sera effectivement mis en œuvre avant d’applaudir des deux mains.
