#Thread Ze : Qui sont ces militants pseudo-rationalistes & anti-écolo ?

« Cet article m’a valu 6 menaces de procès, la collecte et la diffusion des photographies en ligne où je figure, la recherche de mon adresse privée et une cohorte d’insultes. » https://www.cairn.info/revue-zilsel-2020-2-page-15.htm
Le réseau social Twitter constitue un terrain d’observation privilégié pour étudier la communauté pseudo-rationaliste. Elle est composée de quelques centaines de personnes, hyperactives en ligne, pour la plupart sans production scientifique :
Des ingénieurs, en particulier ceux de grandes entreprises publiques privatisées.

Quelques dizaines d’agriculteurs.

Une cinquantaine de militants « libertariens », les « Ze », formant un sous-milieu radicalisé de cadres commerciaux, de traders, de cadres d’assurance, etc.
Parmi les figures saillantes : Emmanuelle Ducros (L’Opinion), Géraldine Woessner, (Le Point), Peggy Sastre (Le Point et Causeur), Olivier Lesgourgues (Mac Lesggy), Laurent Alexandre, des communicants de GRDF, EDF, Orano (ex-Areva), BASF et Bayer, des youtubeurs Ze/sceptique.
La tribune #NoFakeScience sert à fédérer ce milieu. Sur Twitter, les « Ze » forment une communauté solidaire mais hétérogène, portant des attaques en meute et, se défendant en adoptant la posture du martyr numérique. Tous ces gens forment la communauté des pseudo-rationalistes.
Leurs caractéristiques : la solitude dont se nourrit toute communauté dogmatique et sectaire ; une formation scientifique lacunaire ; une formation en autodidacte, par la vulgarisation sur internet ; le colportage de fantasmes scientifiquement réfutés.
Le pseudo-rationalisme se nourrit de la frustration de cadres sup qui ont un attrait pour la science tout en étant loin de sa pratique. Contrairement au rationalisme, l’institution scientifique est secondaire et ces militants se déresponsabilisent quant au dév. technoscientifique
La zététique devient un militantisme avec la fondation par Paul-Éric Blanrue du Cercle Zététique en 1993. Pendant 10 ans, les positions à l’extrême-droite de Paul-Éric Blanrue sont connues et ne posent pas problème, la zététique transcendant prétendument les clivages politiques.
L’exercice du doute le conduit à se rapprocher de Robert Faurisson : Blanrue devient antisémite et négationniste. En 2010, Paul-Éric Blanrue lance avec Jean Bricmont une pétition contre la loi Gayssot, rapidement signée par Bruno Gollnisch, Alain Soral, Robert Faurisson...
Blanrue se dit aujourd’hui « libertarien » et demeure « spécialisé dans la détection des mystifications ». La prétention des zététiciens à dépasser les idéologies et la confiance accordée à leur posture de fact-checkers agissent comme facilitateurs du confusionnisme politique.
Les pseudo-rationalistes s’intéressent peu à la littérature scientifique, et se mobilise essentiellement contre la «technophobie». La fonction des think-tanks libertariens : servir de lien entre les scientifiques libéraux attachés au productivisme et l’extrême-droite identitaire.
Ils sont aussi engagés dans deux combats traditionnels du rationalisme : les ‘bienfaits’ de la vaccination, et le fait que l’homéopathie ne soit qu’un placebo ritualisé. Ils affectionnent la dénonciation de croyances supposément répandues comme celle de la terre plate.
La Terre plate fonctionne comme chiffon rouge et comme leurre (puisqu’il sert à préserver le créationnisme de la critique). Ils sont également obsédés par « les théories complotistes » qu’ils utilisent pour manier l’amalgame comme écran de fumé masquant le vide de leurs arguments
À l’occasion de la réception en juillet 2019 de Greta Thunberg à l’AN, L’Opinion titrait « Climat, gluten, ondes, vaccins… Nous sommes saturés d’offres de peur ». Pour introduire son dossier intitulé « Sciences : les nouveaux obscurantistes ».
Le Point associait militantisme climatique et « théories du complot, peur des ondes, antivaccins… » en novembre 2019. La raison d’être du mouvement pseudo-rationaliste semble être de déprécier tous ceux qui s’alarment du dérèglement climatique et de l’effondrement des espèces.
Parfois, le dérèglement climatique et l’érosion rapide de la biodiversité produisent une dissonance cognitive avec leurs convictions politiques, fondées sur l’expansion de la maîtrise de la nature dans une vision « techniciste » de la raison.
On comprend le désarroi quand la raison et la science conduisent à un diagnostic qui parasite cette conception du « progrès » économique. Dès lors, consciemment ou non, la stratégie consiste à faire passer les militants climatiques pour irrationnels.
Pour disqualifier tous ceux qui prennent la mesure de l’urgence sociale et écologique, ils exploitent les faiblesses analytiques de certains militants écologistes. Sont ciblés les doutes émis sur la vaccination, et les styles sensationnalistes de certains scientifiques.
Les opinions supposément scientifiques des pseudo-rationalistes touchent le plus souvent à la politique industrielle et agricole, aux choix techniques à opérer – sur l’énergie, l’agro-alimentaire, les pesticides – et aux politiques publiques de régulation à mettre en œuvre.
Cela n’est pas de l’ordre de la science, mais de la politique.

Exemple : le glyphosate, principe actif du Roundup de Monsanto. Comme toutes les molécules chimiques, il présente nécessairement des formes de toxicité à court et moyen termes.
Il fait l’objet de 500 articles par an depuis 10 ans. Les recherches sur les effets synergiques avec d’autres molécules et les effets indirects (ex : sur le microbiote, et les conséquences sur le système immunitaire et les pathologies cognitives) sont quasi inexistantes.
Le glyphosate pose donc des questions scientifiques, des questions sur les biais induits par le financement de la recherche, des questions sur la dépendance des agriculteurs, des questions politiques sur les besoins et les aspirations de la société à satisfaire, etc.
Par contraste, les pseudo-rationalistes, dont le Roundup alimente 1/4 des conversations, psalmodie les éléments de langage des industriels. L’inculture scientifique de ceux qui se posent en rivaux des scientifiques, en prétendant s’exprimer «au nom de la science» est stupéfiante
Ce qui s’explique par l’absence de contact avec la recherche scientifique des vulgarisateurs et journalistes de ce milieu. Ils méconnaissent les questions liées aux biotechnologies et occultent les questions politiques que leur utilisation commerciale pose... brevetage du vivant.
L’autonomie prise par la vulgarisation vis-à-vis de la méthode et des publications scientifiques est mise au service de falsifications, d’offensives contre les militants écologistes, et de contre-feux sur le sujet des risques et des normes de régulation industrielles et agricoles
Au-delà de la constitution d’une communauté pseudo-rationaliste, le monde universitaire français est en train de connaître une évolution qui s’est déjà produits aux États-Unis dans un passé récent.
Au cours des années 1970, l’extrême-droite a repris à son compte l’idée selon laquelle la prise de pouvoir supposait au préalable d’avoir conquis l’hégémonie culturelle par une guerre de position « métapolitique ».
Après l’effondrement du bloc soviétique, Paul Weyrich a popularisé le fantasme paranoïaque du « marxisme culturel » : le marxisme aurait en réalité triomphé, en subvertissant la jeunesse par la promotion de l’égalitarisme, du féminisme, du « multiculturalisme » et de l’écologie.
Une version renouvelée du complot judéo-bolchévique. Plus récemment, l’idée de « marxisme culturel » est apparue au Brésil : « Les Beatles savaient à peine jouer de la guitare. C’est une célébration du LSD et de la drogue. Du satanisme explicite. »
Le Ministre des relations extérieures du Brésil, Ernesto Araújo, est un disciple de ce Zemmour local. Pour lui, les publications sur le dérèglement climatique font partie d’un complot des « marxistes culturels » pour détruire l’Occident et favoriser la Chine.
Juillet 2011, Anders Breivik assassine 77 personnes à Oslo et à Utøya en justifiant son geste dans un manifeste qui dénonce le « marxisme culturel ».

Mars 2019, Brenton Tarrant, qui se dit libertarien, assassine 51 personnes à Christchurch.
Tarrant parle du remplacement culturel marxiste dans son manifeste intitulé : « The great replacement ». Le lendemain de ce meurtre de masse, Géraldine Woessner revendiquait sur Twitter le caractère scientifique de ce mythe paranoiaque et suprémaciste.
Le « marxisme culturel » a fait son apparition en France en 2019 dans La Tribune dont Laurent Alexandre est actionnaire majoritaire sous la plume de deux « analystes », employés par différents think-tanks libertariens dont l’Institut Sapiens (fondé par Laurent Alexandre).
Ils y défendent le « débat scientifique » mené dans « l’arène médiatique » par « Emmanuelle Ducros, Géraldine Woessner ou Mac Lesggy » dont les « énoncés scientifiques ne sont plus évalués en tant que tels » du fait de l’« obscurantisme marxiste ».
L’ensemble de la tribune est un plaidoyer en faveur du conflit d’intérêts, en assimilant les fonctions de journaliste, de marchand de doute, de lobbyiste et de scientifique.
La « métapolitique » libertarienne considère que le consensus libéral n’est pas assez favorable au business. Elle vise à la dérégulation totale de l’industrie et de l’agriculture en promouvant une mutation autoritaire et illibérale du néolibéralisme.
La première tactique consiste à promouvoir un marché de l’opinion dérégulé faisant la part belle à l’expression des idées les plus extrêmes de l’Alt-right (racisme, antisémitisme, suprémacisme blanc, néonazisme, négationnisme), au nom de la liberté d’expression, le free speech.
Dans cet ordre d’idée, la falsification scientifique est baptisée « réinformation ». L’objectif est d’étendre la gamme d’idées acceptables par l’opinion publique, baptisée « fenêtre d’Overton ».
D’un côté le libertarianisme se montre compatible avec le néolibéralisme managérial, de l’autre il permet l’hybridation avec l’extrême-droite identitaire et nationaliste. Il assure une fonction d’agent de surface tensioactif en abaissant la répulsion entre ces deux milieux.
La guerre culturelle issue de la Silicon Valley suppose de substituer des intellectuels promouvant l’innovation technique – typiquement l’intelligence artificielle – aux intellectuels issus des sciences humaines.
L’adoption du fantasme paranoïaque du « marxisme culturel » cache ainsi une attaque des sciences humaines, dénoncées comme pseudo-sciences irrationnelles à éradiquer du monde universitaire, et en particulier de la sociologie, de la philosophie et de l’histoire des sciences.
Leur haine de la sociologie se comprend dès que l’on considère les fondements idéologiques du libertarianisme fondée sur l’individualisme méthodologique de Schumpeter, jusqu’au darwinisme social de Spencer.
Aussi les libertariens sont-ils obsédés par l’idée selon laquelle les inégalités sociales et économiques sont de purs héritages biologiques, liés à des différences d’intelligence d’origine génétique. [Pseudo carte du QI]
La négation des origines environnementales des inégalités socio-économiques et l’héritabilité du QI sont ainsi l’obsession des milieux libertariens jusqu’à la résurgence des théories eugénistes, en particulier dans la Silicon Valley & Stanford, grâce à des gens comme Peter Thiel.
Pour ne donner qu’un exemple, le trader eugéniste Jeffrey Epstein, convaincu de son intelligence supérieure, avait conçu le projet d’« ensemencer la race humaine avec son ADN » en fécondant 20 femmes dans sa ferme du Nouveau-Mexique.
Finalement, les figures saillantes du pseudo-rationalisme correspondent à ce qu’écrivaient dans les 1970’s les intellectuels les plus lucides sur le « processus de destruction accélérée de l’espace public de pensée et de montée de l’imposture »
« L’industrie du vide »
engendrés par les mécanismes de réputation nombriliste de l’entreprenariat de soi. Les pseudo-rationalistes participent d’une dérégulation de la parole savante et d’une anomie de la science contemporaine.
Ces gens promeuvent un gouvernement des experts sous le contrôle et au service du marché
 : pour pallier la désadaptation cognitive des individus vis-à-vis d’un environnement mobile, en évolution anthropique rapide.
Pour ce faire, les « experts » doivent se soustraire au contrôle démocratique tout en cherchant à obtenir le consentement des populations par une apparence de scientificité.
La figure de l’expert, caractéristique de la confusion entre sphères savante et politique, véhicule ainsi un modèle de société reposant sur l’intériorisation d’une séparation entre décideurs et citoyens passifs, repliés sur leur sphère privée.
Cette organisation pseudo-rationnelle assure la domination de la société par un petit nombre, et rend impossible le renouvellement des normes et des institutions sociales. C’est l’essence même de la bureaucratie. C’est aussi tout le contraire de la démocratie. https://twitter.com/docteurgonzo4/status/1344103090295873537
« Contre l’imposture et le pseudo-rationalisme : Renouer avec l’éthique de la disputatio et le savoir comme horizon commun »

par Bruno Andreotti et Camille Noûs (2020) https://www.cairn.info/revue-zilsel-2020-2-page-15.htm
Article complémentaire de Lordon sur le complotisme.

La fondation @j_jaures, https://twitter.com/DocteurGonzo4/status/1344340934998241280?s=20 un think tank proche du PS et pro Macron ainsi que @conspiration dirigé par Rudy Reichstatd font également partie de la mouvance pseudo-rationaliste. https://twitter.com/docteurgonzo4/status/1336466379726262274
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