🔴A l’ @AssembleeNat, la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République, a auditionné plusieurs personnalités jugées expertes de la laïcité en France afin d’éclairer les débats.

Thread de ces auditions ⬇️ 1/n
Les personnes auditionnées sont : M. Bernard Stirn, membre de l’Académie des sciences morales et politiques, ancien président de la section du contentieux du @Conseil_Etat (CE) 2/n
M. @JeanBauberot, historien et sociologue, pr émérite de la chaire « Histoire et sociologie de la laïcité » à l’École Pratique des Hautes Études.

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Mme Frédérique de La Morena, maître de conférence en droit public à l’université de Toulouse, membre du Conseil des sages de la laïcité placé auprès du ministre de l’Éducation nationale.

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🔴 AUDITION DE BERNARD STIRN

Dans son propos introductif, Mr Stirn rappelle à la fois les acquis de l’histoire en matière de laïcité ainsi que les évolutions sociétales des dernières années ayant conduit le juge et le législateur à préciser la notion de laïcité.

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“Notre conception de la laïcité repose sur un socle juridique qui s’est constitué en 3 étapes : l’article 10 de la DDHC tout d’abord, le Concordat de 1801 ensuite puis la loi de 1905.”

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“La DDHC est la première à créer une dialectique entre liberté religieuse et ordre public. Le Concordat, conclu entre Bonaparte et le pape Pie VII, essaye de tracer les contours de la relation entre Eglise catholique et État.”

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"Ce Concordat conclu avec l’Eglise catholique sera très vite étendu aux deux autres religions présentes en France à cette époque (protestantisme et judaïsme). Il est encore en vigueur aujourd’hui dans 3 départements (Moselle, Haut Rhin et Bas Rhin).”

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“Quant à la loi de 1905, elle dit tout dans ses deux premiers articles. Article 1er : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes.
Article 2 : La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte.”

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“A ces textes, il faut ajouter deux citations. Le député Stanislas de Clermont Tonnerre qui déclare à l’Assemblée constituante en 1789 : “Il faut tout refuser aux Juifs comme nation & accorder tout aux Juifs comme individus” Tout l’universalisme de la DDHC est exprimé ici”

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“Et Aristide Briand sur la loi de 1905 : “Toutes les fois que l’intérêt public ne pourra être légitimement invoqué dans le silence des textes ou dans le doute de leur exacte application, c’est la solution libérale qui sera la plus conforme à la pensée du législateur.” 11/n
“Dès 1907, le juge applique la loi de 1905 dans son arrêt Abbé Olivier où il considère que l’intention du législateur a été de respecter autant que possible les traditions locales et de n’y porter atteinte que dans la mesure strictement nécessaire du maintien de l’ordre” 12/n
“La loi de 1905 marque le début d’une relation apaisée entre Etat et cultes jusqu’à la fin des années 80. On ne voit donc pas pendant plus de 70 ans de débat contentieux sur l’application loi de 1905” 13/n
“C’est en raison de l’apparition de nouveaux fondamentalismes que les questions religieuses font leur retour dans le débat public. L’espace public, les services publics mais aussi les entreprises sont parcourus de nouvelles remises en cause des règles de la laïcité.” 14/n
“Les grands débats juridiques de ces dernières années ont marqué trois grands domaines : le service public, les collectivités publiques et l’espace public.” 15/n
Concernant le service public : “Ce fût le point de départ de ces nouvelles tensions avec l’avis du CE en 1989 sur le foulard islamique à l’école. A l’époque, nous sommes dans une grande incertitude juridique sur les signes religieux à l’école.” 16/n
“Le CE considère alors que le port de signes religieux n'est pas lui-même incompatible avec le principe de laïcité sauf si ce port est ostentatoire ou revendicatif et constitue un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande.” 17/n
“La loi du 15 mars 2004 intervient ensuite en interdisant les signes à l’école qui manifestent ostensiblement une appartenance religieuse. Cette loi a été jugée conforme à la CEDH et son application se fait aujourd’hui dans un climat apaisé avec peu de mesures d’exclusion.”

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Concernant les collectivités publiques “4 décisions de principes ont été rendues par le CE en 2011 sur la question des liens entre les collectivités et les cultes catholique et musulman.”

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“Dans toutes ces affaires, le CE avait jugé légales des actions des collectivités pour les cultes (rénovation de l’orgue d’une église, mise à disposition d’un terrain pour la construction d’une mosquée…) dès lors qu’elles avaient agi dans l’intérêt public local.”

20/n
“Après ces décisions de principes, quantité de débats ont suivi, montrant la sensibilité de notre société sur ces débats avec par exemple la question des crèches de Noël ou les menus de substitution dans les écoles sur lesquels le CE s’est prononcé le 11 décembre dernier.”

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Concernant l’espace public, “Il s’agit de la question la plus délicate aujourd’hui, là où les solutions sont le plus encore en construction.”

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"3 questions ont surgi ces dernières années sur la laïcité dans l’espace public: la dissimulation du visage dans l’espace public avec la loi votée en 2010, le burkini qui a donné lieu aux décisions en référé du CE en 2016 et les signes religieux dans les lieux de travail”

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“Une loi est-elle nécessaire aujourd’hui ? Oui car la loi peut avoir un effet d’apaisement. Les lois de 2004 et de 2010 ont ainsi contribué à apaiser le débat. La loi ne peut pas tout régler mais il est important que le législateur réitère certains principes.”

24/n
“Sur les particularités de la religion musulmane, cette religion a en effet plus de difficulté que les autres cultes à dialoguer avec l’autorité publique en raison d’un problème de représentation.”

25/n
“Ce n’est cependant pas insoluble et les leçons de l’Histoire sont plutôt encourageantes. Après tout, que ce soit le Concordat ou la loi de 1905, ce qui était visé c’était une certaine forme d’intransigeance dans la pratique de la religion catholique.”

26/n
“Nommer explicitement l’Islam dans la loi serait rompre avec les lois précédentes qui elles ne nomment pas de religions.”

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Sur le respect des normes supérieures par la loi : “Le projet de loi présenté par le gouvernement, a suivi les recommandations du CE pour assurer la constitutionnalité et la conventionnalité du projet de loi. C’est un élément plutôt rassurant.”

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Sur le respect des libertés : “C’est sur la liberté d’association et d’enseignement qu’après avis du CE le gouvernement a le plus modifié son projet. Pour ma part, j’ai le sentiment que les ajustements apportés, apaisent les inquiétudes constitutionnelles.”

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Sur l’enseignement : “Il y a un principe constitutionnel de liberté de l’enseignement qui doit être combiné avec le respect de la laïcité. Sur ces questions, la boussole c’est la protection de l’enfance.”

30/n
Sur la haine en ligne : “Pour que le droit soit effectif, il faut aussi qu’il soit européen. Certains textes sont en préparation au sein de la Commission européenne afin de contraindre effectivement les grands opérateurs de réseaux.”

31/n
“La vraie nouveauté du PDL c’est que le comportement des dirigeants pourrait être un motif de dissolution. Il serait en effet naïf de penser que l’asso se distingue forcément des actes de ses dirigeants. C’est de ce pb dont le projet de loi se saisit.” https://twitter.com/on_vous_voit/status/1336346983959846927?s=20
Sur la polygamie: “Il n’y a pas de difficulté sur la faisabilité d’une telle interdiction. C’est une situation tout à fait identifiable que le Ministère de l’intérieur a d’ailleurs déjà l’habitude de vérifier lors des demandes de nationalité française.” https://twitter.com/on_vous_voit/status/1336346985306206208?s=20
🔴 AUDITION DE JEAN BAUBEROT

Dans son introduction, M. Baubérot commence par expliquer que si ce projet de loi est adopté, il viendra modifier des lois historiques (loi de 1881 , 1901 sur les associations, loi de 1882 et 1886 laïcisant l’enseignement public, loi de 1905) 33/n
“En modifiant des lois historiques, ce projet de loi sera lui-même une loi historique. Bien que la presse en parle comme d’une loi sur le séparatisme islamique, son étendue est en fait beaucoup plus large.” 34/n
Jean Baubérot se pose deux questions sur le projet de loi : 1) Sera-t-il efficace ? 2) Sera-t-il démocratique ?

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Sur l’efficacité du projet de loi, l’historien explique : “Le fait de faire basculer les associations cultuelles musulmanes dans la loi de 1905 est une très bonne idée mais le système d’autorisation administrative prévu par le projet de loi ne rend pas ce statut attractif”

36/n
“On demande aux associations de s’engager dans le respect de la devise, la sauvegarde de l’ordre public et la dignité humaine. [...]

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... Or ces associations exercent dans des quartiers où la République ne tient pas ses promesses et où elle est elle-même responsable du séparatisme que nous essayons de combattre. Ces associations risquent donc d’être inefficaces.”

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“Par ailleurs, est-ce le rôle des associations de concourir au respect de l’ordre public ? Sont-elles supposées être des supplétifs de l’ordre de la République ?”

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“L’institution qui maîtrise le mieux la laïcité c’est l’armée. Celle qui la maîtrise le moins c’est l’école. Or ici le risque est de transformer l’école laïque en doxa républicaine qui transmettrait une sorte de religion laïque.”

40/n
Sur la possible atteinte aux libertés publiques, l’historien continue : “Notre démocratie s’étant instaurée de façon conflictuelle, elle est fragile. [...]

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[...] Il y a cette idée chez les Français que l’Administration n’est pas impartiale. Cette loi risque de faire ressentir encore plus cet arbitraire en augmentant l'intervention des politiques plutôt que celle des juges en matière de laïcité.”

42/n
“Il y a un problème d’égalité avec les trois départements non soumis aux lois sur la laïcité. Ne pas régler cette question est problématique dans un projet de loi qui veut pourtant combattre le séparatisme.”

43/n
Sur l’enseignement : “Il y a un problème avec les écoles privées sous contrat qui sont moins surveillées que les écoles publiques par les inspecteurs ce qui amène un doute sur leurs programmes scolaires.”

44/n
“En tant que membre de la commission Stasi j’avais prévenu du risque que tout devienne un signe religieux. J’avais proposé de faire une liste limitative de signes religieux or ça n’a pas été fait et nous sommes désormais tombés dans une obsession du religieux à l’école.”

45/n
“Le projet de loi demande une sorte d’adhésion à la République. C’est une atteinte aux libertés. En République il y a des anarchistes et des royalistes pourtant ils ont le droit d’avoir leurs opinions du moment qu’ils respectent les principes républicains.”

46/n
Ce dernier propos est repris ensuite par Mme de la Morena : “Le texte ne parle pas d’adhésion mais de respect. Ce n’est pas une atteinte aux libertés puisqu’on leur demande de respecter des principes juridiques déjà existants dans notre droit.” https://twitter.com/on_vous_voit/status/1336346982596685824?s=20
🔴 AUDITION DE FREDERIQUE DE LA MOLENA

Dans son propos introductif, Frédérique de la Morena rappelle le rôle fondamental de séparation de la laïcité

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“La laïcité trace une frontière capitale dans notre droit entre la sphère publique et la sphère privée. Elle trace donc la frontière entre l’intérêt général et les intérêts individuels.”

49/n
“Pourquoi le législateur a-t-il établi cette frontière ? Pour consacrer deux choses : 1) La liberté de conscience/culte 2) La neutralité de l’Etat.”

50/n
“La laïcité a été appelée à se déployer au-delà de l’espace public, au sein d’un espace social qu’il était nécessaire de protéger. C’est le cas des entreprises avec par exemple l’affaire Baby Loup.”

51/n
“Il y a une absence d’application juridique concrète des principes de laïcité et donc un cadre juridique de la laïcité qui n’est pas sécurisé et qui va donner lieu à des réponses diversifiées.”

52/n
“Cela est très visible au sein des collectivités avec les questions de restauration scolaire, créneaux réservés à un public particulier dans les piscines, des carrés confessionnels dans les cimetières normalement neutres, des subventions aux associations cultuelles etc.”

53/n
“Il faut rappeler que la laïcité n’est pas une question religieuse, ce n’est pas un pacte avec qui que ce soit, c’est un acte unilatéral de la puissance publique.”

54/n
“La lutte contre l’islamisme et même contre tout entrisme communautariste ne peut s’adosser à une conception positive, tolérante, ouverte de la laïcité car elle n’a pas été construite pour gérer le fait religieux ou pour protéger les cultes contre l’Etat c’est l’inverse.”

55/n
“Elle est un rempart contre les revendications de groupes d’imposer leurs lois à l’ensemble de la communauté nationale. C’est pourquoi ce texte précise les contours de la sphère publique et de la sphère privée au nom du respect de la laïcité.”

56/n
Mme de la Morena se penche ensuite sur la légalité du projet de loi lui-même.
“Le nouveau titre est étrange car toutes les dispositions du projet de loi ne viennent pas forcément protéger les principes républicains. Et si l’on veut protéger les principes républicains, encore faut-il préciser lesquels. Or le texte ne le fait pas.”

58/n
“Il faudrait par exemple préciser les principes suivants : la commune appartenance à la nation, les droits et les devoirs que cela induit, l’égalité des citoyens, la souveraineté nationale, l’unité de la République.”

59/n
Sur la question de l’égalité hommes-femmes : “le titre du chapitre III qui traite de cette question est faux car il ne traite pas de dignité humaine mais des droits des femmes.”
Sur la haine en ligne : “S’il faut contrôler les abus de la liberté d’expression, le texte doit être repris car l’on peut exposer quelqu’un sur les réseaux sociaux sans en avoir l’intention.”

61/n https://twitter.com/on_vous_voit/status/1336346992730140673?s=20
Sur la neutralité en entreprise : “ La seule chose qu’ont demandé les entreprises c’est le silence du religieux. Cela est très difficile à traduire en droit du travail. L’entreprise c’est une communauté de travail qui nécessite une protection contre le religieux.”

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Sur les menus de substitution : “Il ne faut jamais mettre en avant un motif religieux dans un service public même facultatif. La difficulté étant que le service public doit rester neutre tout en respectant la liberté de conscience des usagers.”

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Sur les subventions aux associations : “Pour rappel, une subvention publique n’est pas une obligation et ne peut être accordée à une association que si elle vise l’intérêt général. C’est parce qu’il y a intérêt général qu’il y a subvention. [...]” 64/n https://twitter.com/on_vous_voit/status/1336346982596685824?s=20
[...] C’est peut être parce que cette précision manque qu’on croit qu’il y a atteinte à la liberté d’association.”

Sur les 3 départements exclus de la loi de 1905 : ”Je suis opposée au maintien de statuts dérogatoires et ce projet de loi aurait pu traiter cette question.”
Sur l’école : “Sur l’instruction à domicile, le “motif particulier” est une porte ouverte à une multitude d’interprétations dont le motif religieux. Ce dernier alinéa fait tomber toute la volonté de l’article lui-même avec un libellé beaucoup trop large.” https://twitter.com/on_vous_voit/status/1336346987961126914?s=20
“Quant au catéchisme dans l’école privée sous contrat, c’est le caractère propre de ces écoles qui leur permet d’enseigner la religion. C’est la raison même de leur existence. Du moment que les écoles publiques ne le font pas, la loi est respectée.”

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“Il faut une meilleure éducation des jeunes aux réseaux sociaux. Ce sont les enseignants qui doivent enseigner la liberté de façon laïque. Il faut expliquer aux élèves jusqu’où peuvent aller leurs libertés de conscience et d’expression.”

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“La mission de l’école publique ne peut se résumer à une abstention. Il faut un équilibre entre la mission de l’école qui est la promotion de l’émancipation des élèves en dehors de tout identitaire et la neutralité de ses fonctionnaires.”

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Elle conclut : “Nul besoin de faire progresser la liberté de culte qui existe déjà. Il faut seulement la protéger et protéger la laïcité du communautarisme. C'est-à-dire de la prétention de communautés à imposer l’application de leurs lois dans la sphère publique.”

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“Ce projet ne porte pas atteinte aux libertés fondamentales. L’appropriation de la notion de laïcité se fait sur un temps long. Même une loi ne peut pas prévoir toutes les situations auxquelles nous devrons faire face.”

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