On risque de parler de Gérald Bronner dans les semaines qui viennent avec la publication de son nouveau livre "Apocalypse cognitive".

J'ai très peu confiance dans ce qu'il raconte notamment depuis un de ses anciens livres "La démocratie des crédules" (2013).
Ce livre est d'ailleurs étonnamment mis en avant par les fans de scepticisme scientifique.

Par exemple on le retrouve dans les recommandations de @TroncheBiais qui le place dans les "ouvrages de référence" : https://menace-theoriste.fr/ressources-liens/
Je vais donner quelques exemples (non exhaustifs) de problèmes présents dans ce livre.
Il existe d'une part un certain nombre d'affirmations floues ou non sourcées dans ce livre. Par exemple sur la couverture vaccinale de la rougeole ou l'hépatite B qui diminuerait, que « de nombreux parents sont réticents » à vacciner leurs enfants, etc.
Mais il y a plus problématique.

Bronner présente les recherches Google sur le terme « illuminati » comme un « marqueur de l'imaginaire conspirationniste » et affirme que celui-ci est en augmentation... sans qu'on sache quelle conclusion en tirer.

Or, depuis, ce nombre diminue.
Sur cet exemple on peut se poser la question de la méthode. Pourquoi avoir choisi ce terme alors qu'auparavant il avait utilisé d'autres termes (psychokinèse, Loch Ness, etc.) ?
Aurait-il cherché le seul terme qui montrait une tendance à la hausse afin de prouver son propos ?
Bronner prétend, graphique à l'appui, que suite au séisme en Haïti en janvier 2010, l'intérêt pour HAARP (une technologie qui aurait causé le séisme selon des complotistes) aurait dépassé l'intérêt pour le séisme dans les recherches Google. Cette affirmation est absurde.
Pour l'affirmer il compare les recherches pour "HAARP" et pour "tremblement de terre haïti".
Le graphique lui donne effectivement raison mais les fortes variations dans les courbes devraient susciter l'interrogation d'un oeil critique : il y a vraisemblablement très peu de cas.
En fait le terme de recherche "tremblement de terre haïti" est bien trop précis. Bronner a laissé le tréma à Haïti, que peu de monde cherchera à mettre.
Voilà le résultat pour le nombre de recherches si on se contente de retirer ce tréma. C'est cette version qui domine largement.
Mais "tremblement de terre" est bien plus long que le synonyme "séisme", qui est donc beaucoup plus utilisé pour rechercher des informations.
Voilà le résultat en ajoutant les recherches pour "seisme haiti"
Enfin lorsqu'il se passe un événement exceptionnel dans un pays, le plus souvent on se contente de rentrer le nom du pays.
C'est ce qui c'est largement produit et ce qu'illustre ce dernier graphique où les recherches sur HAARP ne sont plus distinguables.
Finalement, et ce n'est pas une surprise, l'intérêt pour HAARP est négligeable par rapport à l'intérêt pour le séisme en Haïti.

Néanmoins pour Bronner c'est aussi la vitesse de diffusion du mythe complotiste qui permet de solidifier la croyance.
Utilisons le recul que nous possédons maintenant pour voir si ce séisme, et d'autres catastrophes naturelles survenues depuis, ont solidifié cette croyance.
Selon le système de mesure utilisé par Bronner lui-même (les recherches Google) ce n'est absolument pas le cas.
Bronner met aussi en cause l'origine managériale dans les suicides qui ont eu lieu à France Télécom/Orange il y a une dizaine d'années.

Il affirme que si Next (le plan d'économies drastique) en était la cause les suicides aurait dû augmenter à sa mise en place, dès 2005.
Comme si les suicides se déclaraient du jour au lendemain et n'étaient pas la conséquence d'un malaise grandissant au travail.

Il remet en cause la hausse des suicides à partir de 2009, en utilisant des statistiques des années 2000, pourtant obtenues avec une autre méthodologie.
En revanche Bronner accuse les médias qui seraient responsables d'un effet Werther (une augmentation de suicides suite à une médiatisation). Or c'est contradictoire avec ce que Bronner affirme lui-même à savoir qu'il n'y aurait pas eu de hausse de suicides !
Pour appuyer sa thèse il utilise un graphique à l'honnêteté questionnable. Pourquoi rassembler les données par trimestre ?

En utilisant des stats qu'il affectionne habituellement, on constate que la médiatisation a surtout eu lieu en sept/oct 2009, loin du pic en janvier/mars.
Les propos de Sylvia Catala, inspectrice du travail, interrogée par le Sénat sont passés sous silence : souffrance au travail, sentiment d'être dévalorisés, dépressions.
http://www.senat.fr/rap/r09-642-2/r09-642-225.html
Quand des sociologues se penchent sur la question, ils se posent effectivement des questions sur les statistiques (le recueil ayant pu évoluer au cours du temps) mais leur conclusion est sans équivoque sur le rôle des conditions de travail à Fr. Télécom.
http://www.cairn.info/revue-sociologie-2015-2-page-195.htm
Mais Bronner, lui, nie tout simplement le fait qu'il y ait eu une augmentation du nombre de suicides et que le management en soit la cause.
Ce qu'il met en cause c'est une soi-disant "démocratie des crédules" qui aurait poussé à croire que France Télécom était responsable.
Il ressort également l'affaire Baudis/Allègre qu'il présente comme un « cas d'école de la dérive médiatique » (pour les plus jeunes : https://fr.wikipedia.org/wiki/Patrice_Al%C3%A8gre#Chronologie_de_l%E2%80%99affaire_Al%C3%A8gre).
Cette affaire date de 2003 époque à laquelle la TNT n'était pas déployée et les médias peu développés sur Internet. Le lien avec une « dérégulation du marché de l'information », qui est le sujet de son livre, pose question.
Il critique également le concept de sagesse des foules, en le dévoyant (il oublie la nécessité d'indépendance des avis) et sans apporter de sources pertinentes à ses affirmations.
Il critique aussi le "relativisme" qui serait présent dans les fondations de Wikipedia et qui conduirait à une "démocratie des crédules".
C'est dans @afis_science, et non sur Wikipedia, que les climato-sceptiques sont mis à pied d'égalité avec les synthèses du GIEC.
C'est également dans @afis_science qu'on remet en cause la perte de biodiversité à côté des synthèses de l'IPBES.
M. Bronner devrait peut-être un peu plus se préoccuper de ce que publie l'association dont il est membre du comité de parrainage.
Au final, à aucun moment Bronner n'apporte les preuves de sa thèse : la libéralisation du marché de l'information qui conduirait « à rendre public des modes de raisonnements
fautifs qui, auparavant, demeuraient privés »
Thèse pour le moins étonnante. Ainsi la propagande n'aurait jamais existé ? Edwards Bernays n'aurait jamais écrit le livre « Propaganda » au début du XXè ?
Les industriels n'auraient jamais usé de stratégies du doute ? de publicité ?
D'ailleurs à aucun moment Bronner n'utilise d'exemples de "crédulité" qui seraient défavorables aux puissants.

Peut-être est-ce la raison pour laquelle Bronner a son rond de serviette au Point ?
L'inverse est moins vrai : affaire Baudis, rumeurs Biolay-Bruni et Jouanno-Sarkozy, suicides à France Télécom, leucémies près des centrales nucléaires, lignes haute-tension, antennes relais sont autant d'exemples où Bronner défend les puissants face à la "crédulité" du peuple.
Là aussi n'y aurait-il aucun exemple où les puissants se servent de « raisonnements fautifs » pour faire passer leurs idées ? L'industrie du tabac par exemple ? Alors certes, le lien avec la « dérégulation du marché de l'information » n'opère pas puisque cela date des années 50 !
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