Betty Robinson est la plus jeune médaillée d’or du 100m féminin de l’histoire des JO (1928). Elle manque de périr en 1931 dans un accident d’avion. 5 ans plus tard, elle remporte le relais 4x100m lors des JO de Berlin.
Une histoire digne d’une série Netflix #Thread
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Betty Robinson naît le 23 août 1911. C’est une adolescente agréable, enjouée, guitariste, actrice dans les pièces de théâtres. Très vite on la remarque pour sa vitesse. Assez compétitive, elle prend un malin plaisir à affronter les garçons
Garçons qu’elle bat régulièrement lors des courses organisées par l’église ou son école. Un jour d'hiver 1928, alors qu’elle a 16 ans, son destin va basculer car un homme, Charles Price, va détecter son talent
Charles Price est un ancien athlète de piste. Il est également le professeur de biologie de l’école de Betty. Sur le quai de la gare, alors que le train est sur le point de partir, il distingue plus loin une jeune adolescente qui commence à courir en direction de son wagon.
“Trop loin. Jamais de la vie elle n’y parviendra à temps”, se dit-il, s'engouffrant alors dans le couloir. A peine quelques secondes plus tard, alors qu’il s’installe et ouvre son journal, la jeune fille s’assied à côté de lui tandis que le train quitte la gare.
“J'ai eu de la chance qu'il m'ait vu courir.” racontera plus tard Betty Robinson . “S'il ne l'avait pas fait, je n'aurais jamais réalisé que j'étais une coureuse si rapide”.
Soufflé par l'exploit, Price lui demande d’apporter des chaussures de sport et des culottes bouffantes à l'école le lendemain.
Il la fait courir sur un couloir de 50 mètres qui traverse en long son école. Elle s'exécute.
Il la fait courir sur un couloir de 50 mètres qui traverse en long son école. Elle s'exécute.
Impressionné par le résultat, le professeur lui demande alors d’aller s'entraîner avec l’équipe des garçons, dans la ville de Harvey, à quelques arrêts de Riverdale. 3 semaines plus tard, Price l’inscrit dans une compétition entre membres de l'Illinois Athletic Club
Alors qu’elle maitrise à peine les rudiments de la course et de la préparation physique, la lycéenne impressionne et termine peu de temps derrière Helen Filkey, la coureuse la plus rapide du Club.
Ce n’est que partie remise. A peine quelques semaines plus tard, le 2 juin, Robinson bat Filkey. En outre, elle réalise un temps de 12 secondes, battant ni plus ni moins que le record du monde ( Record non homologué à cause du vent)
Un mois plus tard, Robinson s'est rendu à Newark, New Jersey, pour les essais olympiques. En une heure, elle va courir trois fois et arriver deuxième de la finale.
A 16 ans, la voilà sélectionnée pour les premiers JO ouverts aux femmes en athlétisme, en 1928, à Amsterdam
A 16 ans, la voilà sélectionnée pour les premiers JO ouverts aux femmes en athlétisme, en 1928, à Amsterdam
4 mois seulement après avoir commencé à courir, elle traverse l’Atlantique à bord d’un paquebot. Pendant les neuf jours de la traversée, l’alcool circule dans le navire ainsi que moult confiseries ou crèmes glacées.
A-t-elle moins abusé que ses coéquipières ? Toujours est-il qu’elle termine deuxième de sa course d'essai et première de sa demi-finale. Elle est la seule Américaine à atteindre la finale du 100 mètres.
23 jours avant son 17eme anniversaire, la voilà sur la piste. Et là malheur : elle a pris deux chaussures gauches! Un membre de l’équipe part en catastrophe chercher la bonne paire. Alors qu’elle envisage de courir pied nue, ses chaussures arrivent peu de temps avant le départ.
Les quatre concurrentes (Initialement 6, 2 ont été exclues pour faux départs) s’élancent. Betty Robinson l’emporte, égalant le record du monde par la même occasion. Malgré les plaintes des Canadiens, c’est bien l’américaine qui est déclarée vainqueur.
“je n'étais pas sûr d'avoir gagné. C'était si proche. Mais mes amis dans les gradins ont sauté par-dessus la balustrade et sont descendus. Ils ont mis leurs bras autour de moi, puis j'ai su que j'avais gagné. Puis, quand ils ont hissé le drapeau, j'ai pleuré”
Le général Douglas MacArthur , président du Comité olympique américain en 1928 déclare alors de la jeune femme : “avec cette combinaison étincelante de vitesse et de grâce, Betty Robinson aurait pu rivaliser avec Artémis elle-même, sur les hauteurs de l'Olympe."
A son retour au pays, elle et l’équipe US sont accueillis par une foule immense, lorsque le bateau accoste à New York.
A Riverdale, chez elle, ils sont environ 20 000 à acclamer la championne, qui reçoit une montre en diamant et une coupe en argent de son lycée.
A Riverdale, chez elle, ils sont environ 20 000 à acclamer la championne, qui reçoit une montre en diamant et une coupe en argent de son lycée.
Elle établit alors un plan de carrière : aux JO de 1932, elle gagnera une deuxième médaille d’or et deviendra entraîneuse en 1936. Elle s'inscrit à Northwestern, où elle étudie l'éducation physique dans l'espoir de devenir professeur de gym.
En 1931, elle est à l’apogée de sa carrière. En mars elle établit les records du monde sur 60 yards (6,9 secondes) et 70 yards (7,9 secondes).
3 mois plus tard, le 28 juin, sa vie va basculer.
3 mois plus tard, le 28 juin, sa vie va basculer.
Il fait chaud ce jour-là. Une chaleur étouffante. Betty guette les rives aquatiques du coin de l'œil, avec envie : ses entraineurs lui ont formellement interdit la nage, car ils développeront les mauvais muscles.
Alors, comme Neptune se refuse à elle, elle regarde vers Eole.
Alors, comme Neptune se refuse à elle, elle regarde vers Eole.
Son cousin Wilson, possède un Biplan et vient d’obtenir récemment sa licence de pilote. L’air est plus frais en altitude et voilà les cousins qui décollent. Mais au bout de quelques minutes, alors que l’engin vole entre 150 et 200 mètres d’altitude, le moteur cale tout d’un coup.
L’avion entame un piqué et percute violemment un champ marécageux. Wilson a eu la présence d’esprit de couper l'allumage avant l'impact, évitant ainsi l’incendie. Les témoins accourent sur le lieu de la catastrophe.
Les 2 corps gisent, inanimés dans les décombres. Wilson est emmené à l’hôpital immédiatement (il perdra sa jambe au bout de quelques années). Betty, la tête entaillée sur 20 cm, une jambe gauche brisée à 3 endroits, le bras gauche cassé, est quant à elle, considérée morte.
Un homme la porte dans le coffre de sa voiture (d'autres témoignages évoquent le toit d’un camion) et l'emmène à une pompe funèbre qu’un de ses amis possède. Lequel remarque à sa grande surprise que le macchabée est toujours vivant et respire.
Elle va rester 11 semaines à l’hôpital : ‘L'os de la cuisse est fracturé à plusieurs endroits entre le genou et la hanche et, lorsqu'il guérira, il sera probablement un peu plus court que l'autre jambe” lui explique un docteur.
Une fois rentrée à son domicile, il lui faudra encore trois mois avant de pouvoir descendre de son fauteuil roulant et un autre mois pour utiliser des béquilles. Elle n'a pas pu marcher normalement pendant deux années
“La course, n’y pensez plus”, lui expliquent les docteurs, qui lui prédisent une vie à boiter.
C’était mal connaitre la jeune femme qui détestait savoir que quelque chose lui était interdit
C’était mal connaitre la jeune femme qui détestait savoir que quelque chose lui était interdit
Pendant les semaines qui suivent, Betty quitte rarement le lit. Son (beau?) frère la prend alors en main: chaque matin, il la réveille et l’accompagne en promenade. D'abord quelques pas, qui se transforment aux fils des mois et des ans en course autour du pâté de maison
Les séquelles ne sont pas anodines. Outre le fait qu’elles vont mettre des années à guérir, elles laissent à Betty une jambe gauche plus courte d’1,5 cm. Elle ne peut plus plier normalement le genou. Enfin, elle ne peut plus poursuivre ses études et devient secrétaire.
Mais elle défie la science et se remet à courir de façon efficace. A tel point que les JO de Berlin, en 1936 ne sont plus une chimère. Ne pouvant plus s’accroupir (adieu le 100m), elle vise désormais le 4x100m relais. Si elle n’est pas la première coureuse, elle pourra concourir.
Aux essais pour intégrer l'équipe olympique de 1936, elle termine cinquième. Certes, elle n’a plus la pointe fulgurante d’antan, mais c’est suffisant pour faire partie des quatre coureuses du 4x100m.
Petit problème d'importance, toutefois : l’argent.
Petit problème d'importance, toutefois : l’argent.
Le Comité olympique américain finance l'équipe masculine d'athlétisme mais pas l'équivalente féminine. C’est la crise aux USA, le père de Betty a perdu son emploi de banquier et les longs soins de Betty ont coûté une fortune à la famille.
Qu’à cela ne tienne, Betty Robinson vend presque tout ce qu’elle possède, toutes ses économies. Elle ira à Berlin ! Là-bas le New York Times surnomme la jeune femme de 24 ans «Smiling Betty». Le simple fait d’y être est une énorme revanche sur le destin.
Dans la finale du 4x100m les USA sont opposés à l’Allemagne. Betty Robinson est la troisième coureuse à s’élancer. Les allemandes, qui viennent d’établir un record du monde précédemment, ont une confortable avance.
A vrai dire, il fait peu de doute qu’elles vont l’emporter. Betty ne peut combler l’écart qui s’est creusé. Elle a 9 mètres de retard quand elle cède le relai. Mais coup de théâtre, les allemandes ratent le passage de témoin. Il tombe. Les USA l’emportent
Betty Robinson remporte son incroyable pari. 5 ans après avoir été déposée dans une pompe funèbre, elle glane à nouveau une médaille d’or olympique.
Et met fin à sa carrière par la même occasion.
Et met fin à sa carrière par la même occasion.
41 ans sont passés. Après avoir été chronométreuse, conférencière, Betty Robinson s’est mariée, a eu deux enfants, a déménagé. L’Amérique l’a oubliée. Alors quand en 1977 elle est intronisée au “hall of fame” de l’athlétisme US, elle déclare
“Je suppose que la plupart des Américains ne me reconnaissent même pas. C'est arrivé il y a si longtemps que je n'arrive toujours pas à croire à l'attention que je reçois, pour quelque chose que j'ai fait il y a si longtemps”
En 1996, à 85 ans, alors qu’elle vit à Denver, elle porte la torche olympique (qui allait à Atlanta) quelques centaines de mètres. Malgré son âge, elle refuse toute aide, malgré le poids de la torche.
En 1998, lors d’une commémoration olympique Betty et le champion olympique du disque Al Oerte doivent couper un ruban ensemble. Elle anticipe et en rit : “Je suis toujours la plus rapide”
Le 17 mai 1999, Betty Robinson décède à 87 ans d’un cancer alors qu’elle luttait également contre la maladie d'Alzheimer.
Elle restera sans doute à jamais la plus jeune championne féminine du 100 mètres de l'histoire olympique #Fin
Elle restera sans doute à jamais la plus jeune championne féminine du 100 mètres de l'histoire olympique #Fin