Grève d'EDF, "démantèlement d'EDF" par ordonnance, construction de nouveaux EPR et questions qui restent en suspens comme ici à l'Assemblée... Je vous propose un fil pour tenter de comprendre le projet #Hercule et voir ensemble pourquoi ce projet est sur la table #Thread 
https://twitter.com/LCP/status/1336319851237842944


On commence sur l'origine : le parc #nucléaire français. Il a été financé via un endettement d'EDF, en monopole, et un tarif réglementé pour assurer la couverture des coûts. Visibilité long terme, coût du capital faible, monopole : tout était parfait pour faire ce choix politique
Le résultat est une réussite du programme nucléaire : une électricité bon marché assurant la protection des ménages, un avantage comparatif pour les industries électro-intensive et une des électricités les plus décarbonnées au monde
Avec la concurrence et le changement de statut du parc nucléaire, ça se complique. Le parc nucléaire est un actif en partie amorti via son financement historique. Avec la mise en concurrence, il passe "d'actif d'état en parti amorti" à "propriété d'une SA en concurrence"
Des changements majeurs interviennent :
1) Le nucléaire ne devient non plus un actif d'état mais un avantage d'une société en concurrence,
2) Le tarif réglementé n'est plus obligatoire et n'est plus indexé sur les coûts d'EDF qui n'est donc pas garantie de couvrir ses invest
1) Le nucléaire ne devient non plus un actif d'état mais un avantage d'une société en concurrence,
2) Le tarif réglementé n'est plus obligatoire et n'est plus indexé sur les coûts d'EDF qui n'est donc pas garantie de couvrir ses invest
La logique change et plus rien n'oblige EDF ou ses concurrents à investir seuls dans des moyens de production si la rentabilité n'est plus assurée, ce qu'elle n'est plus car le marché seul ne permet pas d'avoir une visibilité à long terme sur la durée de vie des moyens de prod
Au passage, une partie du nucléaire (l'ARENH) est vendue aux concurrents d'EDF pour qu'ils puissent lui faire concurrence. Initialement, c'était aussi pour qu'ils investissent dans des moyens de production, ce qui s'avèrera impossible car...
...pas de mise en concurrence de l'hydraulique, le nucléaire reste la propriété d'EDF, le fossile doit disparaître et aucune rentabilité n'est garantie. Reste l'éolien et le solaire qui ne sont qu'une très faible partie des capacités dans un contexte de surcapacité européenne
La situation est dans l'impasse :
1) Le modèle économique qui a permis le parc nucléaire français n'existe plus,
2) Le seul acteur qui peut construire un parc en France est un acteur en concurrence
1) Le modèle économique qui a permis le parc nucléaire français n'existe plus,
2) Le seul acteur qui peut construire un parc en France est un acteur en concurrence
Il faut donc faire intervenir l'Etat pour financer puis de reconstruire du nucléaire. Les concurrents d'EDF et la Commission ne veulent toutefois pas que cela donne à nouveau un avantage compétitif à EDF, entité en concurrence et seul acteur pouvant assurer ce rôle
La solution imaginée est donc de séparer tout bonnement les activités en concurrence des autres pour sanctuariser à nouveau le nucléaire dans une structure en monopole. Une sorte de "Nucléaire de France" dans lequel l'Etat pourrait mettre ses subventions
Outre les subventions pour le nouveau parc, le nucléaire historique pourrait être vendu à tous (EDF comme ses concurrents) à un prix régulé couvrant les coûts, comme dans le schéma imaginé à la construction du parc
Plusieurs problèmes à cela :
1) On ne peut pas séparer Rte du nucléaire car ils constituent une partie des actifs dédiés au nucléaire
2) L'Etat souhaite en profiter pour sanctuariser aussi l'hydraulique et éviter la mise en concurrence des concessions
1) On ne peut pas séparer Rte du nucléaire car ils constituent une partie des actifs dédiés au nucléaire
2) L'Etat souhaite en profiter pour sanctuariser aussi l'hydraulique et éviter la mise en concurrence des concessions
3) EDF a des obligations de services publics dans la vente d'électricité (conseillers bien formés et call center en France),
4) Si on sépare les activités en concurrence, il faut tout de même qu'elles soient solvables et donc il faut les habiller un peu
4) Si on sépare les activités en concurrence, il faut tout de même qu'elles soient solvables et donc il faut les habiller un peu
On peut aussi se poser la question du rôle de la concurrence dans tout cela si tout devient régulé (réseaux, taxes et une grande partie de la production). Peut-être le service, les appels d'offres pour le renouvelable avec plus d'acteurs, "l'innovation"
La structure imaginée à la base est ainsi la suivante :
EDF Bleu, public : nucléaire, hydro et Rte
EDF Vert, capital ouvert : Commerce, renouvelable pour les appels d'offres et... Enedis pour les revenus régulés (!!)
EDF Bleu, public : nucléaire, hydro et Rte
EDF Vert, capital ouvert : Commerce, renouvelable pour les appels d'offres et... Enedis pour les revenus régulés (!!)
Notons au passage que contrairement à Rte, Enedis ne possède pas le réseau. Ils exploitent les concessions des collectivités locales. Concessions qui pourraient être un jour ouvertes à la concurrence? Cela poserait clairement des questions de parité réseau et d'équité de service
Car Enedis ne tire pas les mm revenus de toutes ses concessions mais assure une équité de service sur le territoire au même prix pour tous. Si Enedis est logé dans une entité en concurrence, puis que les concessions sont en concurrence, quel avenir pour la péréquation tarifaire?
Derrière tout cela se pose d'autres questions : est-ce que séparer Rte et Enedis est bien malin compte tenu des synergies évidentes entre les deux gestionnaires de réseau? Faut-il une 3ème structure pour l'hydraulique (EDF Bleu Azur)? Quel avenir pour la R&D d'EDF?
Ce que les syndicats d'EDF dénoncent (et ils sont peu entendus), c'est un "démantèlement d'EDF". Honnêtement, c'est difficile de leur donner tort quand on voit le découpage en trois de l'EDF intégré et les questions toujours en suspens
J'ai aussi entendu des syndicats dire que "cela allait tuer EDF Commerce". Idem, difficile de dire le contraire : mettre en concurrence la partie commercialisation, cela voulait bien dire faire reculer EDF Commerce comme Engie sur le gaz aujourd'hui...
Par contre, quand j'entends certains observateurs dire que "c'est pour faire une bad corp nucléaire qui va mourir comme dans le modèle allemand", c'est totalement faux. L'idée est de recréer une structure publique séparée, pour réinvestir dedans et réguler le nucléaire
Sur ce que j'en pense : le nucléaire a de toutes façons besoin d'une régulation pour que les revenus soient réinvestis et pour assurer une visibilité à long terme. Sur l'organisation qui en découle, tout dépend des choix politiques et des objectifs poursuivis
Voilà pour l'histoire et le projet vu de ma fenêtre. Cela ne manquera pas de soulever des débats tant le sujet est politique et où peu de personnes disposent d'une vision complète. J'ai toutefois à cœur que tout le monde comprenne l'enjeu car il est de taille !
Il est nécessaire d'en parler et de bien en parler, notamment dans la presse, car tout cela est une affaire de choix politique. Il faut pouvoir en débattre sereinement, que ce soit à l'Assemblée ou dans le débat public #fin
Bonus track : pour les libéraux qui pensent que tout doit être en concurrence sans Etat mais qui soutiennent qu'il faut du nucléaire, vous voyez bien les limites ici. On ne peut visiblement pas tout mettre en concurrence... d'autant plus que l'élec est un bien de 1ère nécessité
Poke @AStrochnis @frdossant @JulienTedde qui suivent le sujet de près (et que je vous recommande de follow si ce n'est pas déjà le cas !)
Et tout cela pourrait se lancer en mars 2021 https://twitter.com/tblosseville/status/1336690196260282368