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Récemment j’ai demandé aux étudiant·e·s de ma TL pourquoi iels n’avaient pas envie d’allumer leurs caméras lors des cours en visio, même quand iels suivent et participent. Voici ce qu’iels m’ont répondu, les retours de collègues et quelques pistes. Thread 
1/ Il y a d’abord des raisons techniques et numériques: avoir une webcam pourrie ou pas de webcam, une bande passante insuffisante, une 4G fluctuante et coûteuse… Le son et la connexion sont meilleurs quand on n’allume pas sa caméra.
2/ Aussi à cause de la « zoom fatigue » et des difficultés à se concentrer tout en étant « self-conscious » de son image, visio après visio: http://www.internetactu.net/2020/11/20/coinces-dans-zoom-13-de-la-videoconference-en-ses-limites/?s=04
3/ Mais surtout beaucoup trouvent la caméra intrusive: impossible de savoir si on est « regardé·e » à tel ou tel moment, sensation intimidante d’être « mis·e en vitrine », multidirectionnalité des regards contrairement à une salle de cours où les regards vont vers le/la prof…
4/ La caméra donne à voir des visages et des corps dans une situation où l’intime est projeté sur écran: être dans son lit, en pyjama, venir de se lever, pas coiffé·e, fumer… C’est s’exposer aux regards des autres, prof ou étudiant·e·s, tt en voyant son propre visage en continu
5/ Surtout, la caméra donne à voir les logements, souvent exigus, des étudiant·e·s et celleux qui y vivent: « honte de montrer son appart pourri », famille qui circule ou regarde la TV
6/ Beaucoup d’étudiant·e·s trouvent qu’on leur assigne habituellement le rôle de spectateur et donc l'endossent à travers l’écran noir. C’est un peu l’équivalent de se mettre au fond de la salle, en mode passif, pour suivre tranquillement le cours.
7/ Allumer l’écran donne l’impression qu’il va falloir parler et l’oral peut impressionner. Surtout pour celleux qui sont introverti·e·s, qui n’ont pas le moral en ce moment et à qui se sentir vu·e demande une énergie qu’iels n’ont pas actuellement.
8/ Même celleux qui n’y sont pas hostile finissent par la retirer car personne ne la met et qu’iels sont du coup les seul·e·s à être vue·s.
9/ Tout ça est source de stress, de malaise et de souffrance, dans une période ou les enquêtes sur la santé mentale des étudiant·e·s sont extrêmement inquiétantes: à Sc Po Paris l’anxiété touche 61 % des étudiant·e·s et 91 % ont des difficultés à suivre les cours en ligne.
10/ Et où les étudiant·e·s à l'université verbalisent des sentiments intenses de malaise, entre sentiment d’abandon et d’isolement: https://blogs.mediapart.fr/maina-catteau/blog/051220/du-malaise-en-milieu-etudiant
11/ Bon, et du côté des profs alors, comment ça se passe? Beaucoup, comme moi, ont l’impression de faire cours à leur ordinateur ou à des écrans noirs. Ou l’illusion que les seules personnes vraiment « présentes » au cours sont celles qu’on voit. Et trouvent ça déprimant.
12/ L’argument de la désocialisation revient souvent, l'idée que les relations sont rompues si on ne se voit pas les un·e·s les autres et la sensation étrange qu’on ne « verra jamais leurs visages » ou qu’on pourra les croiser à la fac sans même savoir qu’on leur a fait cours.
13/ Les profs aussi ressentent une intrusion dans leur intimité: savoir que 800 personnes connaissent son visage sans qu’on les ai jamais vus; retirer sa déco et objets perso derrière soi... Nous aussi on est pas coiffé·e·s et on n’a pas toujours envie de se montrer à la caméra.
14/ Et les profs aussi n’allument pas toujours leurs caméras. A cause de problèmes techniques, de la zoom fatigue ou parce qu'on veut passer discréto à un séminaire en laissant son écran noir…
15/ Certain·e·s en appellent à la réciprocité profs/étudiant·e·s. Pour ma part je pense que si elle est importante, profs et étudiant·e·s ne sont pas dans la même position sociale, économique, professionnelle. On ne peut pas faire comme si ces relations étaient à égalité.
16/ Bon alors on fait quoi maintenant? Pas mal de collègues ont donné des tips assez intéressants.
17/ Créer des sous-salles de réunion où les étudiant·e·s travaillent en petits groupes. C'est dans l'intimité d'un groupe de camarades qu’on allume sa caméra et qu'on y voit des visages.
18/ Cadrer la temporalité de la visio en proposant d’allumer la caméra au début du cours ou pendant quelques temps d’échanges, mais admettre qu'elle reste éteinte la plupart du temps.
19/ Demander aux étudiant·e·s de mettre une photo statique d’elleux en profil à la place de l’écran noir. Ca permet de savoir qui est derrière chaque carré de l’écran.
20/ Utiliser le tchat, qui est souvent assez animé. Poser une question, laisser les autres étudiants y répondre, etc.
21/ Pour finir, des analyses et des ressources intéressantes signalées par un twittos: https://higheredpraxis.substack.com/p/tip-dont-require-cameras-on?fbclid=IwAR1ymiTjNxNUNag50kwjfaQ_qKNBGBwrPifaa2c1ErbrDmkZq6I06GmDZLg
22/ Merci à tou·te·s pour vos contributions et surtout bientôt la réouverture des facs!!!
