🥖 La baguette magique de l’agro-industrie.

De la domestication du blé à la main mise des multinationales sur la filière du pain.

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La domestication des céréales commence dans la région du Croissant fertile à partir de 8500 av. JC. Depuis, les blés se sont diffusés via la main de l’homme et se sont spécialisés en fonction des conditions locales : climats, sols...
C’est ainsi que des grains vêtus (protégés par leurs glumelles) se sont maintenus en culture dans des zones aux sols pauvres comme la Haute-Provence où l’engrain (petit épeautre) est cultivé jusqu’à aujourd’hui.
Parmi les blés tendres, certains ont des épis plutôt blancs, d’autres plutôt jaunes voire rouge. Certains ont des épis dit « barbus », parce qu’ils ont des sortes de piques qui protègent les grains, d’autres non. Certains ont des tiges de plus de 2 mètres.
Vers 1820, du blé venu d’Angleterre apparaît dans le nord et en région parisienne, tandis que le blé Noé venu d’Ukraine s’installe dans le sud-ouest et le centre. Ces blés résistent mieux à la verse 👇🏻 et donnent naissance à de nouvelles populations de blés.
L’apparition des théories biologiques de l’hérédité au XIXe siècle change l’approche de la sélection. On se met à générer des plantes en fonction de besoins spécifiques pré-établis en faisant se reproduire deux blés aux caractéristiques différentes.
La sélection devient l’affaire de spécialistes capables de repérer les caractères souhaitables, d’imaginer leur combinaison et de procéder aux croisements : c’est l’apparition de la notion de variété : une forme distincte d’une plante à l’intérieur d’une espèce.
Un blé rouge et barbu pourra être distingué d’un blé blanc et non barbu. Comme ces distinctions se font à l’intérieur de l’espèce, les différents blés peuvent se reproduire entre eux, et rebattre les cartes à chaque génération ce qui ne permet pas de distinguer des variétés pures
« Variété pure » est le nom d’une technique précise d’agriculture.

C’est aussi un certain rapport à la nature qui se met en place au 19e. Ce rapport va permettre l’industrialisation de l’agriculture.

Une variété pure répond à 3 critères : distinction, homogénéité et stabilité.
Un nouveau métier se structure autour des variétés pures : semencier. Une activité qui consiste à développer et maintenir des lignées pures pour vendre les grains aux paysans uniquement chargés de les planter et de faire pousser le blé.
Les semenciers isolent des semences et les croisent pour obtenir certaines qualités en culture : résistance aux maladies, augmentation du rendement, précocité, etc. Ils cherchent en même temps à développer un marché aussi large que possible.
Ils diffusent, avec l’aide de l’Etat, des blés qui sont cultivables partout en France et non plus dans telle ou telle région afin d’uniformiser la production et vendre les mêmes semences dans l’ensemble du pays.
À la fin du XIXe siècle, le semencier français Vilmorin obtient les premières variétés de blés issues de croisements organisés par l’être humain. C’est un tournant dans l’histoire de la sélection des céréales : l’amelioration des semences se sépare de l’activité agricole.
Le fait de provoquer et de multiplier des croisements pour une entreprise assigne des objectifs à la sélection : ce qu’on appelle dès cette période l’amélioration des plantes.

La sélection cesse alors de servir l’agriculteur (et la plante) pour servir l’agrobusiness.
Il a fallu des siècles pour que les paysans apprivoisent les plantes.

En quelques décennies la botanique a privatisé les céréales pour les semenciers. Des objectifs sont déterminés en terme de rendement, de précocité, de résistance aux maladies... L’eugénisme végétale commence.
Jusqu’à la 2nd Guerre mondiale, les efforts d’amélioration des blés portent surtout sur l’adaptation des plantes à la mécanisation de l’agriculture.

Cette vision très techniciste de la sélection va rapidement supplanter la sélection paysanne au champ.
À partir des 1930’s, un « catalogue » des variétés cultivées est progressivement mis en place : désormais, l’État s’arroge le droit de définir la liste exhaustive des plantes bonnes à cultiver et la sélection variétale par lignées pures s’est imposée jusqu’à devenir omniprésente.
A la même époque, l’industrie chimique prend son essor et devient un rouage essentiel de ce modèle industriel qui permet une spectaculaire hausse de la productivité. Avec telle semence, tel engrais et tels pesticides, on peut prévoir tel rendement de manière assez fiable. https://twitter.com/docteurgonzo4/status/1293035980665102336
Beaucoup de paysans ont été sensibles à cet argument promettant de meilleurs revenus. Certain ont même milité pour.

Pour autant, cette transformation de l’activité paysanne ne s’est pas faite avec un consentement libre et éclairé sur le territoire, mais bien à marche forcée.
Cette transformation fut encadrée par un État déconnecté du monde paysan soucieux de développer la « ferme France », et encouragé par des industriels voulant développer de nouveaux marchés pour les machines agricoles, les pesticides, les engrais chimiques, et les semences.
Dès 1949 (décret du 11 juin), il n’est plus possible de commercialiser des semences de variétés non inscrites au catalogue : elles peuvent être cultivées, mais pas vendues.

En 1960, on ne trouve plus aucune variété paysanne inscrite au catalogue officiel.
Dès 1951, les agriculteurs ont échangé leurs semences paysannes contre des semences «modernes». Les modalités d’accès à la production de semences se sont fermés de plus en plus. Il faut en effet un agrément administratif (carte pro) pour être «sélectionneur» ou «multiplicateur».
Cette politique a entrainé la «fin des paysans», selon l’expression du sociologue Henri Mendras : à la fois la diminution extraordinaire du nombre de paysans dans la population et la disparition de structures sociales et culturelles qui fondaient la vie rurale.
La modernisation de la boulangerie devient alors possible. Des semences jusqu’au pain, toute une filière industrielle se constitue autour des impératifs de l’industrie : production en série, économies d’échelle, suppression des variations liées à l’imprévu, recours à la chimie... https://twitter.com/docteurgonzo4/status/1294127067244703744
Les boulangeries font l’objet d’un démarchage intensif de la part de firmes qui vendent des machines et des produits (acide ascorbique, Supernerfarine, qui donne « du nerf » à la farine...)

Le boulanger Guy Boulet explique ce processus :
Ces modifications de la boulange nécessitent des blés présentant une très bonne « force boulangère » (capables de produire des réseaux de gluten très tenaces). Ce choix est fait par un petit nombre de « spécialistes » et d’industriels.
L’historien Christophe Bonneuil raconte comment ces gens ont poussé « à relever le seuil éliminatoire de force boulangère à l’inscription [au catalogue officiel], initialement fixé à 40, puis même à radier du catalogue toutes les variétés de force boulangère inférieure à 60. »
Conséquence de la boulangerie rationalisée : la faible qualité du produit. Les observateurs de l’époque constatent : « les pains sont moins denses, la mie est blanche et moins odorante » et le boulanger Guy Boulet parle lui de « fadeur totale ».
Selon l’historien Steven Kaplan, l’après-guerre fût l’âge du pain médiocre. Il étudie comment la boulangerie artisanale a connu une petite résurrection dans les années 1990, après avoir failli s’éteindre dans les années 1970 tuée par les usines.
Mais ce « retour du bon pain » marque plutôt une diversification de l’offre qu’un changement de modèle de production. Si des pains relativement bons sont accessibles à certain, la « boulangerie industrielle » se porte très bien.
Cette industrie produit en masse pains et autres produits de boulangerie dans une optique dictée par la recherche du profit au détriment des travailleuses et des travailleurs, de l’état de la planète, mais aussi de la santé de celles et ceux qui mangent du pain. https://twitter.com/docteurgonzo4/status/1328968101006815234
Prenons l’exemple de la coopérative agricole Vivescia, 2eme groupe à vendre le plus de produits phytosanitaires en Franceet 1er meunier européen : il écrase 1,3 million de tonnes de blé par an. Il fournit 32 % des farines vendues en grandes et moyennes surfaces en France.
À travers sa filiale de viennoiseries surgelées Délifrance, il produit un croissant sur dix en Europe. Il est aussi, avec sa filiale Malteurop, le leader mondial du marché du malt, matière première de la bière.
Toutes ces activités sont menées par des filiales, non pas de la coopérative elle-même, mais d’une holding, Vivescia industries. C’est elle qui empoche les profits réalisés par les filiales agro-industrielles.
Profits qui ne sont pas réinvestis dans la coopérative et ne servent donc pas à garantir des prix d’achat élevés aux agriculteurs et agricultrices qui en sont adhérent mais à verser des dividendes à des actionnaires qui s’enrichissent en spéculant.
Vivescia possède aussi la franchise Campaillette et son dérivé écolo Copaline (« complice de la nature » est sa signature commerciale). Cela signifie que les franchisés, des artisans boulangers indépendants, ont un contrat d’approvisionnement exclusif.
Ils s’engagent à acheter leur farine et leurs « mixes » à Campaillette, à suivre les recettes et à proposer les produits du catalogue. En échange, ils disposent d’un accompagnement et Campaillette pompe une bonne partie de l’argent généré par leur boulangerie.
La limite entre artisanat et industrie est alors floue. D’un côté, ces boulangeries sont bien différentes des usines à pain qui fabriquent à la chaîne des pâtons surgelés. Et l’autonomie du boulanger ou de la boulangère est plus grande que celle d’un ouvrier employé à l’usine.
D’un autre côté, il participe à une machine à fric et à un système agricole socialement mortifère. Et si l’on considère l’artisan comme une personne qui maîtrise un savoir-faire et le déploie dans son travail, celles qui travaillent dans ces boulangeries en sont très éloignées.
À quoi s’ajoute le problème écologiques des pesticides et la prolifération des OGM https://m.reporterre.net/L-Affaire-tournesol-une-insurrection-biologique-contre-les-nouveaux-OGM?__twitter_impression=true

L’« Affaire tournesol » : Dans l’Hérault, les semenciers démultiplient des tournesols génétiquement modifiés par édition de génome devenus résistants aux herbicides. https://twitter.com/docteurgonzo4/status/1313253681610076160
Les OGM alimentaires ont énormément accéléré le phénomène de sélection de nouvelles variétés pures tolérantes herbicides ces dernières années. Le Gvt LREM néolibéral cherche logiquement aujourd’hui à les légaliser. https://twitter.com/docteurgonzo4/status/1295356717442764800
Source : Groupe blé, avec Mathieu Brier, Août 2020.
Vivescia, 3,6 milliards € de CA.

2.400 coopératives représentent 40 % du secteur agroalimentaire en France. Yoplait, Candia, Béghin-Say, Jardiland… appartiennent à ces multinationales aux filiales opaques : https://www.franceinter.fr/emissions/secrets-d-info/secrets-d-info-01-juin-2019
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