Vu l’actualité, faisons le point des connaissances scientifiques sur les violences policières, et particulièrement en contexte de manifestation. Avant de commencer je précise que le terme de violence policière est adéquat pour décrire des comportements venant des FDO. Thread

1/23 Ce type de violences a – entre autres - des causes spécifiques au contexte d’exercice des policiers. Par exemple lorsqu’on parle de violences conjugales, ça ne veut pas dire qu’être en couple rend violent ou que tous les couples sont violents…
2/23 Mais que contrairement aux violences terroristes ou policières par exemple, il existe aussi des causes spécifiques qui mènent aux violences conjugales que l’on ne retrouve pas dans les autres violences (comme l’influence de préjugés sexistes) https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0886109918806273
3/23 Ainsi, il existe des causes spécifiques aux violences policières, causes bien identifiées en sociologie ( @sebastianjroche , ci-dessous pour un bref aperçu) par exemple et sur lesquelles je ne m’attarderais pas car ce n’est pas mon domaine d’expertise https://sebastianroche.wordpress.com/2020/12/05/violences-policieresil-se-passe-quelque-chose-qui-sinscrit-dans-une-tendance-de-fond-tres-importante-le-gouvernement-ne-la-pas-compris-il-croit-quil-y-a-des-incidents/
4/23 En revanche, mon expertise porte plus sur l’effet que produisent les violences policières sur les personnes exposées, et notamment en contexte de manifestation. Autre précision avant de rentrer dans le vif du sujet…
5/23 Ce qui intéresse les scientifiques, ce sont les mécanismes qui mènent à un comportement ainsi que leurs effets. Ce n’est pas parce qu’un comportement est légal ou illégal, légitime ou illégitime, qu’il est ‘efficace’ en termes d’effets produits.
6/23 Les sciences comportementales étudient donc des causes et des effets. La question de la légitimité MORALE de l’usage de la violence par les FDO ou les manifestants n’est pas une question d’ordre scientifique, mais idéologique ou politique. Nous ne la traiterons donc pas ici
7/23 En revanche, on sait que la légitimité PERÇUE de l’usage de la force par les citoyens est un facteur important. Par exemple, les perceptions de violences injustes sur les manifestants entrainent un plus fort soutien a la violence anti-police https://academic.oup.com/policing/advance-article-abstract/doi/10.1093/police/pay003/4836309
8/23 En effet, les évènements objectivement ou perçus comme injustes mènent des sentiments forts d’outrage et d’humiliation au sein de la population (encore + chez les manifestants), qui favorisent les violences en manifestation https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31024159/
9/23 Zineb Redouane, Michel Zecler… sans aller jusqu’à la violence physique on peut aussi penser à des formes de violences symboliques tout aussi préjudiciables pour l'image des FDO
10/23 Beaucoup d'études montrent que le d’humiliation est un moteur de l’extrémisme violent. Ainsi, nous avons pu ‘radicaliser’ des étudiants en laboratoire, en leur demandant simplement de penser a une fois où ils s’étaient sentis humiliés dans leur vie. https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1368430219880954
11/23 On comprend donc pourquoi l’exposition aux violences policières chez les Gilets Jaunes - loin de les 'calmer' - augmente en fait leur radicalisme via un sentiment de colère et d’humiliation accru https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1368430220920707
12/23 C’est un effet typique que l’on retrouve dans les contextes répressifs en général https://research-repository.st-andrews.ac.uk/handle/10023/20035
13/23 Bien sûr on peut toujours augmenter le niveau de répression mais celui-ci ne diminue que temporairement les nombre de manifestants (qui ont peur), le ressentiment dans la population, lui, perdure et augmente https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/1368430219885180
14/23 On se retrouve donc sur des cycles d’escalade de violence police-manifestants qui empirent de semaine en semaine qui mènent à de réels risques pour les FDO
15/23 Avec, en prime, des effets psychologiques dévastateurs… L’exposition à la violence policière est en effet liée a de plus forts taux de dépression et stress-post traumatiques chez les GJ. https://www.thelancet.com/journals/eclinm/article/PIIS2589-5370(20)30253-4/fulltext
16/23 Les niveaux sont proches de ceux des refugiés et vétérans de guerre… Je suspecte fortement que les violences des manifestants ont le même effet chez les FDO et contribuent a leurs taux de suicide alarmants. https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0886260520935863
17/23 Mais alors que faire ? Déjà, on peut comprendre que diminuer les violences policières (ne pas aggraver), c’est déjà prévenir la violence en manifestation. Une piste : formation à la ‘désescalade’ (mais pas la panacée) https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/1745-9133.12467
18/23 Paradoxalement, proscrire l’usage de certaines armes dites moins-létales (LBD, grenades de désencerclement) pourrait aider, puisque leur disponibilité favorise leur usage disproportionne https://lafabrique.fr/gazer-mutiler-soumettre/ @PaulRocher10
19/23 Une autre solution consisterait à former des groupes de médiation dont l’efficacité est démontrée dans le cadre des violences de ‘gang’ et à les déployer pour réguler les interactions police-manifestants http://www.stat.ucla.edu/~frederic/papers/brantingham2.pdf
20/23 On peut aussi comparer en essai randomisé (ou non) différentes techniques déjà appliquées sur le terrain par diverses compagnies CRS par exemple et généraliser celles qui semblent le mieux fonctionner https://www.lesechos.fr/2012/12/politiques-publiques-tester-avant-dappliquer-367888
21/23 Ce qui compte surtout c’est que la police puisse regagner la confiance de la population. Et ça c’est avant tout un travail de fond, au quotidien… par exemple via la réinstauration d’une police de proximité https://www.pnas.org/content/116/40/19894.short
22/23 Les ‘Blacks Blocks’ ne pourraientvpas agir sans le soutien tacite des manifestants… La violence en manifestation, loin d’être un phénomène irrationnel, ne sort pas de nulle part et se forge toujours au travers des interactions en FDO et population. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7184412/
23/23 Il est urgent de résoudre ce problème et de mettre fin à l’escalade. Le contexte de crise économique actuel mais aussi de crise sanitaire ne va que renforcer l’apparition de mouvements sociaux radicaux. https://psyarxiv.com/ykupt/