À lire > article très pertinent de @BonPoteofficiel.
Je suis entièrement d’accord : il est faux - et arrogant - de penser que l'inaction des politiques face à l'urgence écologique vient de leur manque de connaissances du sujet.

Mais.
[1/X] https://bonpote.com/arretez-de-prendre-les-politiques-pour-des-cons/

Je suis d'accord : @BonPoteofficiel a totalement raison de dire cela des politiques qu’il prend en exemple.

E. Maron, E. Philippe, E. Borne… sont tout à fait formés et conscients des grandes lignes des enjeux écologiques.
[2/X]

Et pour reprendre son exemple, Jancovici (pour lequel j’ai la plus grande estime) se leurre effectivement lorsqu'il analyse leur inaction comme venant de leur manque de formation.

Un biais assez typique des gens dépolitisés - et un généralement un peu arrogants !
[3/X]

Pourquoi ? Parce que le fonctionnement de la vie politique les oblige à se former sur les sujets écolo.

A leur niveau de responsabilité ils sont régulièrement en contact avec des experts du sujet. Donc c'est automatique, ils deviennent conscients des enjeux.
[4/X]

Mais - il y a un mais.

On ne peut pas dire cela de tous les politiques. Beaucoup d'entre eux ne sont pas encore sérieusement formées sur la question.
[5/X]

Exemple : je ne miserai pas un kopeck sur le fait que des politiques comme Jean Castex ou Christophe Castaner se soient un jour sérieusement formés sur ce sujet au-delà des argumentaires fournis par leur cabinet respectif.

Rien ne les y oblige, eux.
[6/X]

Rien de ce qu’ils ont pu dire ou écrire sur la question ne m’a convaincu qu’ils avaient déjà accordé à la compréhension des enjeux écologiques un pouillème de l’attention que le sujet mérite.
[7/X]

Mais cela pose une question essentielle pour tous ceux qui sont engagés en faveur de l’indispensable bifurcation écologique qui est devant nous. @bonpoteofficiel n’explore pas - ou peu - la question dans son article, donc je voudrais ouvrir le débat.

C'est : pourquoi ?
[8/X]

Pourquoi des politiques conscients des enjeux écologiques ne mettent-ils pas en place les régulations et les investissements qui sont indispensables pour faire face à l’urgence écologique ?

J’y vois au moins deux explications.
[9/X]

Première explication : nous n’avons pas tous les mêmes intérêts dans la société.

Il est plus évident pour des gens qui ne possèdent pas grand-chose d’aspirer à une transformation profonde de notre société pour des raisons écologiques…
[10/X]

...parce qu’ils aspirent déjà à faire advenir une autre société ! Plus juste, qui partage plus largement les richesses, qui soit plus démocratique, etc.
[11/X]

C’est évidemment beaucoup moins facile pour ceux qui ont déjà beaucoup, qui sont en fait assez satisfaits de la façon dont la société fonctionne…
[12/X]

...et qui voudraient donc que la prise en compte des enjeux écologiques n'entraîne que des transformations mineures de notre société

(mais malheureusement, ça n’est pas possible !)
[13/X]

Deuxième explication : nous n’avons tous pas la même vision du monde.

Certains ici (j’en suis) pensent que ce qui est important, c’est qu’ils vivent heureux et que leurs enfants (et leurs enfants après eux) vivent heureux.
[14/X]

Que nous avons une responsabilité vis-à-vis de l’humanité qui nous succédera, et que ce serait pas mal que cette humanité hérite d’un monde qui reste habitable.

Cela les/nous force à tout faire pour agir face à l’urgence écologique, qui menace directement ces ambitions.
[15/X]

Tout le monde ne voit pas les choses ainsi.

Certains sont sincèrement convaincus que le but d’une vie réussie est de tout faire pour être heureux soi-même, potentiellement de participer au bonheur de quelques proches, mais pas plus (“ce n’est pas mes affaires !”).
[16/X]

Dans un tel cadre de pensée, on comprend bien qu’il n’y a aucune raison de vouloir mettre en place des mesures fortes dès maintenant pour éviter les désastres écologiques à venir - et le cortège de difficultés, de contraintes qui vient avec.
[17/X]

Nous sommes mus par notre vision du monde. Les structures qui nous entourent - famille, école, travail, etc. - conditionnent notre vision du monde. Nos affects. Et cela façonne nos goûts, nos désirs, nos envies.
[18/X]

Un libéral, convaincu que la régulation étatique est en soi néfaste à la société, que la collectivité doit être la moins contraignante possible, ne pourra jamais impulser une transition écologique conséquente…
[19/X]

...vu que cette transition écologique passe forcément par des transformations structurelles et des contraintes collectives.
[20/X]

On peut trier ses déchets autant que l’on veut, appeler les entreprises à être plus vertueuses, faire peser autant que possible la responsabilité de notre inaction collective manifeste au pseudo-manque de civisme individuel :

cela ne fonctionne pas.
[21/X]

Et c’est bien pour cela que E. Macron et le gouvernement actuel n’agissent pas. Ce n’est pas parce qu’ils sont gentils ou méchants, cela n’a pas de sens.

Pas parce qu’ils sont mal informés non plus.

Non, c’est parce que cela ne cadre pas avec leur conception du monde.
[22/X]

Dans le même ordre d’idée, quelqu’un qui est sincèrement convaincu que le progrès passe nécessairement par le fait de produire de plus en plus de trucs pour pouvoir ensuite les partager entre les citoyens (le productivisme - je sais, c'est un résumé très grossier)...
[23/X]

...aura le plus grand mal à remettre en cause cette vision du monde, même si il a conscience des conséquences qu’ont notre empreinte croissante sur notre écosystème.

(ces deux exemples m’ont été inspirés par une intervention de @Le_Reveilleur devant @OsonsCauser)
[24/X]

Tout ça pour dire que : la formation aux enjeux écolo est indispensable. Le travail de la @fresqueDuClimat, de @Bonpoteofficiel, des écoles qui intègrent les enjeux écologiques dans leur cursus, des actions de Pour un @ReveilEcolo - et tant d’autres ! est indispensable.
[25/X]

Mais cela ne suffit et ne suffira pas. Nous devons en être conscient, identifier les points de blocage, assumer que nous avons des visions du monde différentes, et convaincre, rendre sensible, pas uniquement démontrer.
[26/X]

Ce qui est en jeux, ce n'est pas juste des compréhensions du monde : ce sont des visions du monde.

L’engagement face à l’urgence écologique, ce n’est pas qu’une question de connaissance : c’est une question de politique, et une question d’affects !
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