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La longue interview qu’ @EmmanuelMacron a accordée au @Grand_Continent était aussi l’occasion de découvrir une mise en scène très calculée du bureau présidentiel. Parce que les symboles y sont nombreux, retour en thread sur le langage visuel de cet entretien 
Notons d'abord que rares sont les interviews présidentielles filmées dans le Salon doré de l' @Elysee, le bureau officiel des présidents depuis Charles de Gaulle. Celle-ci est la première depuis sa toute récente rénovation et redécoration par @EmmanuelMacron. 1/30
Pour les grands entretiens TV, le PR a jusqu'ici privilégié la Salle des fêtes ou le Salon d'angle, voisin du Salon doré, dans lequel il s'est aménagé un bureau de travail. Une itw de 2017 en avait d'ailleurs suscité de nombreuses sémiologies. https://cutt.ly/7hrlEM9 2/30
Comme en 2017, il faut faire pour l'entretien de la semaine dernière l'analyse du "système des objets" qui se déploie dans le décor. Quand il s'agit pour @EmmanuelMacron d'expliquer sa "doctrine", le choix de ce lieu n'a rien d'anodin. 3/30
Le Salon doré est d'ordinaire le théâtre du régalien par excellence : grandes adresses aux Français, signatures de loi à l'américaine et, bien sûr, scène du portrait officiel aux "détails" si soigneusement mis en scène. https://cutt.ly/nhrliT4 4/30
Autrefois grand salon de Mme de Pompadour et chambre à coucher de l'Impératrice Eugénie, c'est pièce centrale du palais que choisit le Général pour y prendre ses quartiers en 1958. 5/30
Pour le décor, De Gaulle choisit un bureau Louis XV de l'ébéniste Cressent , qu'il place devant la cheminée, un fauteuil Louis XVI au dossier canné, six chaises Empire provenant du salon de Joséphine aux Tuileries et un tapis Louis XIV de la Savonnerie. 6/30
Le décor gaullien a depuis été repris par tous les présidents, à l'exception de VGE, qui n'utilise pas le Salon doré, et de Mitterand, qui commande à Paulin un mobilier moderne pour son 2e mandat, sans modifier la disposition de la pièce : le bureau reste devant la cheminée. 7/30
Dès 2017, Macron transforme ce dispositif : il déplace le bureau du Général devant les fenêtres et ne se sert plus de la pièce que de manière protocolaire. Les objets de la photo officielle y sont exposés comme portrait allégorique d'un président absent. 8/30
Entre le printemps et l'été 2020, nouvelle rupture signifiante : @EmmanuelMacron fait entièrement redécorer et restaurer le sacro-saint bureau. Découvrons maintenant le Salon Doré 2.0 dont l'entretien au @Grand_Continent essuie en quelque sorte les plâtres. 9/30
@GillesGressani, @MatheoMalik et Ramona Bloj ont pu goûter au confort des chaises Ico d'Ora-ïto, icones du design ultra-contemporain qui ont déjà rejoint les collections du @CentrePompidou en 2016, l'année de leur création. 10/30
@EmmanuelMacron était lui assis, en bras de chemise, sur un fauteuil Passion de Philippe Starck, dont le dossier en cuir capitonné servait de support à la veste présidentielle. 11/30
Entre eux, le bureau modèle K de Thierry Lemaire entré l'an dernier dans les collections du @MNGBS, désormais de l'autre côté de la pièce, face aux fenêtres. Dessus, deux lampes Ombre portée en cuivre de Caroline Ziegler et Pierre Brichet. 12/30
Sous leur pieds, un tapis velours de Victor Vasarély de 1971, "Composition claire", réalisé dans les ateliers de la Savonnerie. Le point commun de tous ces objets? Tous créés par des artistes français, pour la plupart dans les cinq dernières années. 13/30
C'est encore plus signifiant si on ajoute les fauteuils de Patrick Jouin qui forment un petit espace salon côté jardin et la toile "2 décembre 1989" de Pierre Soulages, au-dessus d'une console de Gilbert Poillerat : une modernité artistique française est ici célébrée. 14/30
Il faut d'abord voir, dans ce dispositif macronien, un pompidolisme. En 1970, Pompidou avait déjà voulu "faire entrer la modernité à l' @Elysee" et avait fait appel aux designers Pierre Paulin et Yaacov Agam pour métamorphoser certains salons du rez-de-chaussée. 15/30
Mais il faut aussi y voir une "oval-officisation" : le bureau devant un triptyque de miroirs refletant les trois fenêtres donnant sur le jardin, que séparent les drapeaux, et auquel fait face un espace salon, n’est pas sans rappeler le bureau présidentiel americain. 16/30
C'est donc une modernité très polysémique qui anime cet arrangement. On y voit autant la mise en avant du savoir-faire français que l'écho (pas si) lointain au bureau d'un CEO new-yorkais. Le PDG de l'entreprise France, dîtes-vous? https://cutt.ly/ihrbHXh 17/30
Et toujours, comme en refrain, le charme discret de la tradition que manifeste un "système des objets" très savamment orchestré. "On ne collectionne jamais que soi-même" écrivait Baudrillard. 18/30
D'abord ceux qui comptaient déjà parmis les fameux "détails" du portrait officiel : les trois volumes de la Pléiade (Le Rouge et le Noir, les Nourritures Terrestres et ... les Mémoires de Guerre du Général de Gaulle) et cette curieuse horloge. 19/30
Conçue par Lepaute en 1760, elle servait autrefois uniquement lors du Conseil des Ministres. Depuis 2017, elle est devenue l'objet fétiche du PR : d'après Paris Match elle "passe d’une pièce à l’autre et le suit dans tous ses rendez-vous". https://cutt.ly/qhrnL90 20/30
On relèvera aussi ce petit cadre doré, qui contient un portrait de Charles de Gaulle (oui, encore) toujours tourné vers le président. Un cadeau de Jacques Chirac, qui le tenait lui-même de Georges Pompidou. Décidemment, il y a comme un écho. 21/30
Enfin détour par la console en arrière-plan, sur laquelle se lit comme une histoire de France par rebond : Clémenceau, De Gaulle (I know), Mitterand et ... l'œuvre complet d'Emmanuel Macron. Difficile de faire plus clair, à défaut de faire cohérent. 22/30
On voit bien que c'est l'inscription dans une certaine tradition (mais laquelle ?) que cherche à manifester ce réseau d'objets divers. Une tradition marquée par l'omniprésence de la figure gaullienne dans un Salon doré pourtant complètement "disrupté". 23/30
Rien d'étonnant, donc, à ce que ce nouveau bureau ait servi de cadre à l'explicitation de la "Doctrine Macron" auprès du @Grand_Continent. Un certain nombre des ambitions qu'il expose dans cet entretien y trouvent une traduction visuelle. 24/30
Une forme de tension aussi, entre la tentation de la monarchie républicaine à la française et l'aspiration au leadership d'un nouveau consensus global. 25/30
Toujours est-il que le PR est très fier de ce nouveau Salon doré qu'il a façonné à son image et qu'il a voulu terminé pour les Journées Européennes du Patrimoine 2020. https://cutt.ly/zhrQxQH 26/30
On notera, pour ce qui est de la récéption, que seul le magazine Architectural Design a osé afficher l'enthousiasme radieux. https://cutt.ly/ThrQKF0 27/30
Côté français, on s'est beaucoup plus intéressé au coût du chantier de restauration, pour finalement oublier d'en regarder le résultat. https://cutt.ly/HhrQ8R1 28/30
Et d'en oublier aussi les considérations esthétiques : que penser de ce contraste entre l'abondance de tons noirs dans le choix des ajouts modernes et les dorures Napoléon III qui donnent encore leur nom à ce Salon? Le débat est ouvert. 29/30
