1ère précision : la liberté de culte n’a jamais été abolie en France pendant la Révolution. Les seules restrictions sont personnelles et pèsent sur le célébrant, s'il n'est pas assermenté. Autrement dit, la messe est clandestine car le célébrant est un prêtre réfractaire. 2/25
Un prêtre réfractaire est un prêtre catholique qui a refusé la Constitution civile du clergé, la réforme de l’Église de France votée par l’Assemblée nationale en juillet 1790. Il a marqué son refus en refusant le serment prévu par la loi (27 novembre 1790). 3/25
Au début, les réfractaires ont le droit de célébrer des messes dans des lieux privés – églises et chapelles de couvent et de confréries le plus souvent – ou dans des églises nationales, si le curé constitutionnel les y autorise (décret du 7 mai 1791). 4/25
Dans les campagnes majoritairement acquises au clergé réfractaire, notamment dans l'Ouest, les prêtres insermentés continuent de célébrer dans leur église, sous la protection de leurs paroissiens, qui refusent d’accueillir des prêtres constitutionnels. 5/24
Les messes privées inquiètent rapidement les autorités et les militants patriotes locaux. Ils craignent que les prêtres réfractaires y prêchent en secret la désobéissance aux lois. Ces messes commencent à être qualifiées péjorativement de ‘clandestines’ pour les dénigrer. 6/25
Dans les villes, des rassemblements hostiles se forment devant les lieux de culte réfractaire, donnant lieu à des rixes, parfois violentes. A l’automne 91 et au printemps 92, des municipalités commencent à fermer les lieux de culte réfractaires pour trouble à l’ordre public. 7/25
Les messes sont désormais organisées plus discrètement dans des appartements ou des maisons isolées dans les faubourgs. De son côté, l’Assemblée nationale cherche à régler le problème en exilant les prêtres réfractaires, mais Louis XVI oppose son veto. 8/25
Après l’insurrection du 10 août 1792 qui renverse le roi, le clergé réfractaire est proscrit. Les prêtres qui restent en France s’exposent à la déportation en Guyane, puis à partir de mars 1793 à la peine de mort. Ils doivent soit émigrer, soit entrer en clandestinité. 9/25
Cette clandestinité s’organise grâce au soutien des laïcs qui cachent les prêtres réfractaires, une activité passible de la peine de mort à partir d’octobre 1793. Au regard des risques encourus, les messes sont organisées avec les plus grandes précautions. 10/25
Dans les villes, elles sont célébrées pour de petits auditoires pour ne pas éveiller l’attention. Dans les campagnes, les messes ont lieu dans des granges ou des clairières, souvent de nuit, sauf bien sûr dans les territoires tenus militairement par les insurgés royalistes. 11/25
Certaines messes rurales peuvent accueillir plusieurs centaines de participants. Ces messes clandestines sont vécues comme une purification : elles soudent les fidèles, appelés à imiter les 1ers chrétiens et à témoigner de leur foi pour apaiser le courroux divin. 12/25
Après Thermidor (07/1794), les autorités relâchent quelque peu leur surveillance, tandis que la Convention cherche à rallier une partie du clergé réfractaire, en l’autorisant à célébrer publiquement le culte en échange d’une promesse de soumission à la République. 13/25
La plupart des prêtres réfractaires refusent ce serment et préfèrent maintenir le culte clandestin, par peur d’une nouvelle persécution. Celle-ci arrive d’ailleurs en septembre 1797, après le coup d’Etat du 18 fructidor, et dure quelques mois. 14/25
La surveillance se relâche à nouveau en 1799, pour quasiment cesser après le coup d’État des 18-19 brumaire. Avec la signature du Concordat (1801) qui scelle officiellement la fin du clergé réfractaire, les messes clandestines n’ont plus lieu d’être. 15/25
Mais ce n’est pas aussi simple : quelques prêtres ont pris leurs aises en logeant chez des particuliers, lesquels sont aussi très contents de pouvoir faire célébrer des messes à leur domicile. Les évêques doivent faire la chasse aux récalcitrants. 16/25
Par ailleurs, des messes clandestines continuent d’être célébrées par les prêtres dissidents qui refusent le concordat (la "Petite Église"), mais ceux-ci sont de moins en moins nombreux, notamment après la restauration de la royauté en 1814-1815. 17/25
Dans la première moitié du XIXe siècle, les autorités ecclésiastiques n’entretiennent guère le souvenir des messes clandestines de la Révolution, qui ont vu les laïcs, notamment les femmes, jouer un rôle prépondérant. Le clergé doit reprendre la main. 18/25
Ce n’est qu’à partir du Second Empire, après la "grande peur" de 1851, que l’Eglise catholique va commencer à revenir sur ce passé et mobiliser le souvenir des messes clandestines de la Terreur, pour exalter la résistance des fidèles face à "l’impiété révolutionnaire". 19/25
C’est l’époque de la fabrication d’une abondante imagerie (peintures, gravures, vitraux) qui sera notamment utilisée au moment du conflit entre l’Église et les autorités républicaines dans les années 1880-1900. 20/25
Le souvenir de la messe clandestine est aussi très présent dans l’hagiographie : beaucoup de figures de saints et de saintes du XIXe siècle (comme le curé d’Ars) sont réputées avoir forgées leur vocation en participant au culte clandestin. 21/25
Cette mémoire de la persécution révolutionnaire reste encore très vive chez les catholiques français, ce qui explique l'actuelle mise en avant des messes clandestines, symboles de défiance et de résistance face à un pouvoir jugé inique. 22/25 https://twitter.com/GB_GBernard/status/1325167039464398851?s=20
Pour en savoir plus sur la pratique des messes clandestines, je renvoie à la thèse de Marie-Paule Biron, "Les messes clandestines pendant la Révolution" (NEL, 1989) et aux actes du colloque de Chantilly (Brepols, 1988). 24/25
Et enfin, pour suivre au quotidien la réalité du culte clandestin pendant la Révolution, je vous invite à lire l'édition critique du journal de l'abbé François Molin (La Fontaine de Siloë, 2008) par Christian Sorrel, prof. à @UnivLyon2 . 25/25
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