1/ Tout d’abord, ce texte fait suite aux menaces de mort contre une journaliste. Je veux donc commencer par exprimer mon soutien à Judith Bernard face à des comportements inacceptables en démocratie. Aucune opinion ne justifie une menace de mort. Aucune. https://twitter.com/ludivine_bantig/status/1327654220473004034
2/ Sur le fond, je suis le premier à me réjouir de débats argumentés et respectueux sur ces sujets qui méritent toute notre attention, mais, dans cet esprit, je dois dire que cette tribune multiplie les myopies.
3/ Cette tribune souhaite un débat sur le lien entre opérations milit fr et terro en FR. La FR est accusée d’avoir mis de l’huile sur le feu à travers « nos guerres », mais les auteurs ne présentent pas de causalité directe et mélangent des chronologies très différentes.
4/ Les circonstances et le degré d’engagement et de responsabilité FR dans les dits conflits ne sont pas explicités non plus. Il y a ainsi une confusion entre des événements militaires de natures et d’ampleurs très différents :
4/i/ Des guerres initiées par les Etats-Unis (cf. Irak 2003) et auxquelles on peut reprocher d’avoir amplifier une spirale mortifère avec les groupes djihadistes, mais auxquelles la France s’était opposée. (Plus d’explications dans ce chapitre)
4/ii/ Des operations militaires française d’ampleurs limitées en réaction à une menace de massacre de civils (Libye 2011 ; RCA 2013) et dans un cadre multilatéral fixé par l’ONU.
4/iii/ Des operations françaises ou franco-américaines en soutien à des forces locales face à une menace sécuritaire directe d’ampleur internationale (Mali 2013; Iraq 2014; Syrie 2014).
5/ Autrement dit, la France est mise en cause pour des « guerres » dans lesquelles elle n’avait pas de rôle opérationnel central (Irak 91), auxquelles elle s’est opposée (Irak 2003), ou dans lesquelles elle s’est engagée de manière limitée avec d’autres (Libye 2011 ; Syrie 2014).
6/ Les exemples cités dans l’article sont biaisés - le propos du Col Legrier est tronqué : il critiquait, comme @Michel_Goya, les modalités de l’engagement en Syrie/Irak (frappes au lieu de présence au sol), non l’engagement en lui-même.
6/i/ Si l’impact des règles d’engagement sur les civils doit être débattu, l’engagement français s’inscrivait dans un conflit conventionnel face à une force djihadiste dont la responsabilité de l’émergence peut difficilement être imputée à la France.
7/ L’article est basée sur l’idée dun « déni » du lien guerres extérieures / terrorisme intérieur, alors qu’il s’agit d’un marronnier du débat sur le Moyen Orient depuis les années 1980 (ex: impact de la position FR dans la guerre Iraq-Iran en terme d’attentats à Beyrouth).
7/ii/ Chacun se fera son opinion sur cette querelle des érudits. J’ai pour ma part tendance à trouver leurs hypothèses plus complémentaires que contradictoires. Le vrai sujet c’est la traduction politique que les uns et les autres en font.
8/ La tribune est construite sur une erreur ld’analyse car elle omet que « nos guerres » ne sont pas à « nous », et qu’elles ne sont pas « occidentales » mais soit américaines, soit le fruit de situations locales auxquelles la France doit s’adapter et auxquelles elle réagit.
8/i/ Le débat sur les modalités de cette réaction est parfaitement légitime et de nombreuses publications françaises reviennent dessus. Les autorités françaises elles-mêmes ont réévalué leur stratégie régulièrement.
9/ L’article sous entend que la France est coresponsable des erreurs de la « war on terror » lancée par les Etats-Unis après le 11 septembre. C’est très contestable. Le concept même de « war on terror » de Bush est critiqué depuis le début par la France. http://news.bbc.co.uk/2/hi/middle_east/1814659.stm
9/i/ L’article fait à ce titre l’impasse sur le seul fil rouge entre ces événements militaires: la relation de coopération et les désaccords entre la France et les Etats-Unis. D’excellents spécialistes comme @Olivier1Schmitt ou @jeangene_vilmer ont abondamment écrit sur le sujet.
10/ La conclusion de la tribune me fait penser au débat actuel à Washington sur la « fin des guerres sans fins ». Qui peut être contre? Tout le monde est pour la paix. Mais l’émergence de groupes comme Daech ne laisse pas toujours d’options simples ou idéales.
10/i/ Un enjeu central est que des guerres comme l’Irak 2003 ont eu de telles conséquences que les conflits des années 2010’ ont des déterminants locaux différents, justement parce que les erreurs de la « war on terror » US des années 2000’ ont renforcé le terrorisme.
10/ii/ Autrement dit, la critique de la guerre contre le terrorisme manque sa cible quand elle conduit à ignorer les nouvelles circonstances qui ont rendu la réponse française aux attentats de 2015 très différente de la réponse américaine en 2001.
10/iii/ A ce titre la France ne fait pas et n’a pas fait la « guerre aux mondes musulmans », comme Judith Bernard l’a énoncé. Présenter les choses de cette façon entame la précision d’un débat sur les modalités de la réponse aux attentats que la tribune dit souhaiter.
11/ Le débat sur le lien entre opérations extérieures et terrorisme ne peut pas faire l’économie d’un rappel précis de la chronologie des conflits évoqués. De nombreux experts s’y attellent. Je me suis notamment concentré sur les conflits qui ont suivi les ‘printemps arabes’. https://twitter.com/diplocharlie/status/1301530977521618950
11/i/ Si l’introspection est toujours saine et nécessaire, elle ne doit en revanche pas nous faire oublier que nous ne sommes pas seuls au monde et que notre action dépend aussi des autres, nos ennemis comme nos alliés. (Fin)
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