Thread - Précisions à propos de mon reportage à Poitiers sur une rencontre organisée par la Fédération nationale des centres sociaux. Le 21 octobre je suis partie pour mon journal La Croix couvrir une journée de discussions entre collégiens/lycéens sur le thème de la religion.
C'est une rencontre qui s'est déroulée en trois temps. J1 : 150 jeunes, venus de la France entière ont pu sympathiser à Poitiers et assister ensemble à une pièce de théâtre "Prophète sans Dieu" (synopsis de la pièce) : https://www.babelio.com/livres/Benaissa-Prophetes-sans-dieu/319793). Je n'étais pas là ce premier jour.
J2 : C'est le jour où j'ai fait mon reportage (mercredi 21 octobre). J'étais la seule journaliste sur place. Cette journée était consacrée à l'élaboration entre jeunes des propositions qu'ils feraient le lendemain à la secrétaire d'Etat Sarah El Haïry. Je suis restée de 9h à 20h.
J3 : Rencontre des jeunes avec la secrétaire d'Etat. Je ne suis pas restée pour cette rencontre. D'autres médias l'ont couvert. Pour moi, le jour important était celui de la discussion entre les jeunes, pour assister à un échange libre et non institutionnel.
Revenons au J2, jour de mon reportage. La Fédération nationale des Centres sociaux avaient mandaté une association pour encadrer les ateliers, spécialiste d'éducation populaire : "La boîte sans projet". Leur site : https://www.boite-sans-projet.org/ 
Cette association, qui revendique une approche intersectionnelle, encadrait pour la première fois un débat sur la religion. Le thème "les religions" a été choisi par les jeunes qq mois + tôt. Mais le débat a été proposé par les adultes sous l'angle des discris religieuses.
La journée s'est ouverte ainsi : les encadrants de la journée ont enjoint les jeunes, dont la grande majorité se définissent comme musulmans (aucun tabou là dessus, on y reviendra) à se positionner autour d’une question simple : « Vivre ma religion en France, est-ce compliqué ? »
Dans la journée, est normalement prévu un temps de définition de la laïcité. Il n'aura pas lieu, le temps filant, les animateurs préfèrent le réserver à un temps où chaque jeune qui le souhaite pourra exprimer une discrimination dont il a été victime.
Les histoires sont nombreuses : racisme, violence policière, grossophobie, moquerie à cause du handicap, et discriminations religieuses. Tout est mis sur le même plan. Pour les animateurs, l'interdiction du voile à l'école est une discrimination islamophobe subie par les élèves.
« La laïcité est censée vous permettre de pratiquer votre religion librement et vous protéger des discriminations, mais malheureusement elle est mal appliquée », leur explique Clément Soriat, l’un des animateurs de la journée.
A la fin de la journée, quand les jeunes doivent élaborer leurs propositions pour la secrétaire d'Etat, ils font donc des propositions censées les protéger des discriminations (islamophobes) : interdiction du blasphème, autorisation du voile à l'école, adapter les repas...
Mais les jeunes proposent aussi d'intégrer des temps d'échange sur les religions à l'école, car ils pensent que le fait religieux est trop tabou et que cela alimente notamment les préjugés contre les musulmans, assimilés au terrorisme, et les préjugés sur les croyants en général.
Ce que j'ai pu observé c'est que les jeunes sont favorables à ce que le fait religieux trouve une place à l'école, à la fois en terme d'expression des particularismes (voile, repas, prière...), mais aussi dans les cours, pour une meilleure compréhension mutuelle des confessions.
Se dégage un relatif consensus sur la manière dont ils voudrait voir enseigner le fait religieux à l'école : les cours ne devraient pas dépasser les limites posées par les traditions religieuses de chacun. Donc, on respecte les sensibilités, pas de blasphème etc...
Des élèves ne sont pas d'accord avec cette idée, comme Tina, 15 ans, élève de terminale en Dordogne, qui juge que S. Paty a eu raison: "Il cherchait juste à préparer les esprits au fait qu’il y a des formes d’irrespect dans le monde qui n’en sont pas pour d’autres."
Pour beaucoup de jeunes, la laïcité est un commode paravent de l'islamophobie. La laïcité à la française les opprime, c'est d'ailleurs l'angle de mon papier : "Des discussions qui font apparaître un divorce consommé entre la plupart de ces jeunes et la laïcité à la française."
Pas de jugement de valeur sur ce constat. Sans démagogie, mon travail de journaliste est de me mettre à l'écoute quand je suis en reportage et de rapporter de manière fidèle ce que j'entends et je vois. Point.
Maintenant pourquoi le titre de mon article est-il : "À Poitiers, des jeunes musulmans à l’épreuve de la laïcité" ? Car les animateurs de la Fédération nationale de Centres sociaux ont fait un sondage religieux et ils m'ont rapporté que l'écrasante majorité des jeunes était
de confession musulmane. Par ailleurs, j'ai pu assister à 7h d'échange, où chacun se présentait sans tabou, et donnait sa religion, donc j'ai pu l'observer aussi. Outre quelques chrétiens et athées, les jeunes étaient musulmans.
Maintenant les questions que cela pose : des animateurs non formés aux questions religieuses sont-ils à même de mener un débat de cet ampleur, qui convoque des notions compliquées et une solide culture générale ?
Les centres sociaux qui sont financés pour une bonne partie par de l'argent public, doivent ils faire intervenir des adultes qui disent à des adolescents que l'interdiction du voile à l'école est islamophobe ?
Comment réconcilier ces jeunes avec la laïcité, une notion abstraite, qui, à les écouter, ne s’incarne dans leur quotidien que comme une « répression » de leur identité et de leurs particularismes religieux ?
J'ai entendu beaucoup de jeunes en souffrance, blessés d'être assimilés à des extremistes à cause des attentats terroristes. Comment lutter contre les préjugés contre l'islam et les musulmans ?
Je n'en sais rien du tout. Ce n'est pas mon travail. Mais je pense que c'est quelques questions que l'article pose. Bonne lecture.
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