J'adore, tout le monde chie sur l'initiative mais ce serait pas mal de se pencher sur pourquoi cette solution est, dans le cas présent, plutôt efficace même si, non, c'est pas une solution à retenir partout https://twitter.com/David_Belliard/status/1327321163706589184

Du coup, thread improvisé, j'vais essayer de pas m'emmêler les pinceaux.

Le chantier, c'est celui de la Manufacture des Tabacs, à la Krutenau, juste en bordure de l'hypercentre (la Grande-Île).

C'est un gros chantier, avec beaucoup de programmes (en vrac, auberge de jeunesse, nouveaux locaux pour la Haute Ecole des Arts du Rhin, locaux de recherche pour l'Unistra, etc). En gros, plein de chantiers qui sont à des stades différents d'avancement.

On est dans un milieu très dense et avec assez peu de place disponible, ce qui limite les capacités de stockage de matériaux sur place, on est sur des flux plus tendus que si on construisait une ZAC où on a la place pour tout entreposer dans un coin

Donc on doit entreposer une partie des matériaux à distance, en l'occurrence au Port-du-Rhin, à 2km de là.

En parallèle, ça fait un petit moment que Strasbourg mène une politique assez active en termes de mobilités et logistique alternatives

Pour ceux qui sont jamais venus, ou pas récemment, le centre-ville est interdit aux véhicules dans sa quasi-entièreté et depuis maintenant une grosse année, les plages de livraison sont devenues extrêmement resserrées

deux ans* oups.

Bref, en gros les véhicules de livraison ont à peine 4h30 pour livrer commerçants, hôtels et supermarchés du centre-ville, 5h30 si le véhicule n'est pas thermique. C'était devenu urgent puisque les rues sont blindées de piétons et cyclistes !

Du coup, la mairie a réhabilité quelques quais d'amarrage du centre-ville, en particulier le quai des Pêcheurs pour y réintroduire de la logistique, le fameux "dernier kilomètre". Depuis quelques mois maintenant, ULS occupe ce quai et effectue des livraisons en vélo-cargo

principalement à destination des commerçants et restaurateurs, en chargeant les livraisons à l'aller, et les déchets au retour, toute la journée (puisque y'a pas de restriction pour eux). Actuellement, c'est environ 120t qui transitent chaque jour dans le centre comme ça.

Du coup, c'est très bien, on retire des véhicules, mais pourquoi livrer les pavés ?

C'est très simple et j'aurais pu grave me contenter de ce tweet au lieu de pondre un thread mais j'aime bien montrer comment Stras est en avance, bref : le quai est à 200m du chantier...

Mais est-ce que c'est un progrès ? A priori, un peu. Les rues étant petites dans le quartier, c'est assez chiant de faire passer de gros camions, surtout si c'est pour livrer des demi-camions vu que y'a pas la place pour entreposer.

Du coup, solution alternative classique : on livre en camionnette, mais ça veut dire chargement à la main de kilos et de kilos de pavés.

Solution alternative strasbourgeoise : on livre en vélo cargo, sur lesquels on dépose les big bags avec une grue, aucune manutention humaine.

Avantages en vrac : pas de nuisance sonore, pas de pollution atmosphérique supplémentaire, adapté aux flux tendus en milieu urbain

Désavantage : des random twitter qui ne connaissent rien à la ville et à sa culture du vélo très ancrée trouvent ça un peu nul bouh

Mention spéciale à celui qui a rep que les ostéopathes vont se faire de la thune vu l'état de la piste après le passage de 700t de pavés : même les pires pistes cyclables à Stras sont dans un meilleur état que le top de l'infrastructure cyclable française ptdr

Et note pour ceux que ça inquiéterait : les livreurs ne sont pas auto-entrepreneurs, ils sont bien salariés et ils sont pour le moment une grosse trentaine si je me plante pas !

Bon, du coup qques notes et corrections supplémentaires :
-La société compte 15 personnes dont 7 livreurs, pas 30, je me suis emmêlé les pinceaux
-Les 120t sont la capacité max à l'heure actuelle, pas la quantité transportée chaque jour

-180kg avec une assistance électrique adaptée, ça se fait (les mêmes vélos ramènent déjà des fûts aux restaurateurs du centre, par 6 sur une palette, poids à peu près similaire)

-Oui, y'avait probablement d'autres solutions possibles, comme la camionnette plateau électrique, mais gardons à l'esprit que c'est une démonstration, faite avec des infrastructures déjà existantes. Oui c'est un choix, il peut être critiquable (tout l'est), mais évitons de

critiquer à l'aveugle sur des problèmes qui n'existent pas !

Allez, dernière note et je mute le thread, j'ai passé mon après-midi hier dessus, je vais pas y passer ma vie (et puis c'est dimanche, aujourd'hui on entretient le vélo !l

Je vois beaucoup de gens qui s'interrogent sur les efforts physiques et la pénibilité de ce travail. Déjà, je rappelle que le vélo est à assistance électrique et que le terrain est plat, les 180kg se traînent sans trop d'efforts en réalité.

Surtout, beaucoup se posent la question, plus générale, de savoir s'il est une bonne chose de retrouver une forme d'effort physique au travail pour des questions écologiques (ça marche pour la livraison, mais aussi la production bio, par exemple) et oui, la question se pose.

Ceci dit, vu les penchants politiques de ceux qui s'interrogent soudainement à la vue d'un vélo cargo, ça me surprend. Je ne les vois pas s'interroger face aux innombrables artisans qui n'ont aucun moyen mécanique de manutention parce que trop chers,

ou face aux ouvriers dont les patrons ne veulent pas investir dans ces mêmes outils parce que trop chers (et pour avoir tiré des pièces de 400kg en usine sur des palans sans assistance électrique, oui, c'est inutilement dur dans ce cas là, puisqu'il y a des solutions)

C'est d'autant plus énervant quand la remarque vient de journalistes libéraux ou même de militants ou d'élus LREM dont le parti a supprimé en 2017 les principaux critères de pénibilité dans le BTP lors de la réforme du code du travail

(en l'occurrence : manutention manuelle des charges, postures pénibles, vibrations mécaniques et risques chimiques - https://www.lemoniteur.fr/article/retraites-la-penibilite-dans-le-btp-grande-oubliee-du-debat.2068839)

Donc soyons clairs : oui, on doit se poser la question de dans quelle mesure il est acceptable de retrouver un effort physique pour réduire les émissions de GES, en particulier en milieu urbain où les premières victimes de la population atmosphérique sont les foyers précaires

Non, on ne laissera pas ces tartuffes prétendre s'intéresser soudainement au sujet quand ils ont toujours fermé les yeux dessus.

Vous n'avez pas un problème avec la pénibilité et la souffrance (y compris psychologique) au travail, vous avez un problème avec le fait de la voir.