"Oblomov" est une figure en Russie aussi évocatrice qu'un "Faust" ou qu'un "Dom Juan".

Retour sur une oeuvre fondamentale de la littérature qui a fascinée aussi bien Pontalis que Levinas, et dont Dobrolioubov dans un article fameux en a fait une doctrine : "l'oblomovisme".
1. "Oblomov" (1859) est l'oeuvre majeure de l'écrivain russe Ivan Gontcharov (1812-1891). Il a été considéré comme un livre essentiel dès sa parution par ses contemporains parmi lesquels on trouve Tolstoï ou Dostoïeveski qui ont chacun fait part de leur admiration.
2. L'histoire du roman est bien connue: c'est l'histoire d'un homme qui ne veut pas quitter son divan.

Ce court résumé ne laisse pourtant pas imaginer la richesse de cet ouvrage en tt point extraordinaire. Car derrière cette apparente simplicité se cache un roman philosophique
3. On a souvent cru que ce n'était qu'un livre burlesque.

Le début du roman est en effet très drôle. La relation d'Oblomov et de son serviteur Zakhar est hilarante et renvoie au duo Don Quichotte/Sancho Panza, aux maitres/serviteurs de Marivaux ou encore à Dom Juan/Sganarelle.
4. Mais très vite, une certaine tristesse fait jour et change la tonalité. Le lecteur découvre dans l'inertie d'Oblomov quelque chose de moins loufoque, de plus tragique à la manière de Vladimir&Estragon dans "En attendant Godot" ou de des Esseintes dans "A rebours" de Huysmans.
5. C'est qu'il n'est pas seulement question de paresse, de procrastination ou d'inaction. Oblomov interroge le rapport au monde, le dialogue avec le destin et la "fatigue de l'avenir" (Levinas).

Pourquoi Oblomov refuse de se mouvoir ? Est-ce par fainéantise, peur... ou sagesse?
6. Reprenant le débat de Thomas d'Aquin et de la scolastique sur l"Acedia" (apathie) et la "pigritia" (paresse), le livre s'oppose à la vision de la paresse comme "pêché capital" et renoue davantage avec "l'ataraxie" stoïcienne ou le "nirvāṇa" bouddhiste.
7. A la manière de Tolstoï dans "Anna Karénine", Gontcharov illustre ces questionnements en comparant deux couples,
où le spleen, l'ennui, la mélancolie s'entremêlent avec la lucidité, le repos, la passion canalisée.

Olga, pleine de doute, demande : Peut-on être "trop vivant"?
8. Oblomov, lui, soupire :
"- Ah, la vie ! dit-il.
- Quoi, la vie ?
- Elle me secoue, elle ne me laisse pas tranquille."
9. La philosophie de ce "Platon en robe de chambre" (expression de Gontcharov) fit des émules dans la Russie du XIXe au point qu'on a parlé d'oblomovisme.

Lénine utilisa ainsi ce terme pour parler négativement des menchéviks.
"L'Homme debout" tourné vers l'avenir devait vaincre
10. "l'Homme couché", coupable du conservatisme de la Russie et de son incapacité à pénétrer la modernité socialiste.

Ms peut-être Lénine a-t-il parlé trop vite car le livre a pour pivot une question qui a valeur de slogan révolutionnaire :

"Maintenant ou jamais !"
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