Le populisme selon la Bible Hébraïque ou comment les politiciens "volent les coeurs" des gens pour le pouvoir depuis fort longtemps:
Samuel II Chapitre 15.

Absalon, fils de David, a passé deux ans loin de la cour de son père, après qu'il ait fait zigouiller son demi-frère Amnon, en vengeance du viol de sa soeur Tamar (famille de tarés)
Il a passé ces deux ans à la cour de Talmaï Roi de Geshur, qui est aussi son grand-père maternel (vous suivez?). Son père est à présent prêt à lui pardonner et à l'accueillir de nouveau à Jérusalem.
Mais ce petit malin d'Absalom, qui n'est pas rentré juste pour faire calin à son roi de papa, nourrit des ambitions: détrôner son père et devenir calife à la place du calife.
Même s'il n'a pas lu Kojève sur l'autorité, il sait que l'autorité du chef de guerre non plus que celui du Père (hérédité royale) ne suffisent à maintenir un pouvoir, et qu'il y faut celui du Juge, de la Justice, du bien du mal, de l'arbitre.
Il est à peine rentré à Jérusalem que bam, chapitre 15 verset 2:

וְהִשְׁכִּים֙ אַבְשָׁל֔וֹם וְעָמַ֕ד עַל־יַ֖ד דֶּ֣רֶךְ הַשָּׁ֑עַר וַיְהִ֡י כָּל־הָאִ֣ישׁ אֲשֶֽׁר־יִהְיֶה־לּוֹ־רִיב֩ לָב֨וֹא אֶל־הַמֶּ֜לֶךְ לַמִּשְׁפָּ֗ט
וַיִּקְרָ֨א אַבְשָׁל֤וֹם אֵלָיו֙ וַיֹּ֗אמֶר אֵֽי־מִזֶּ֥ה עִיר֙ אַ֔תָּה וַיֹּ֕אמֶר מֵאַחַ֥ד שִׁבְטֵֽי־יִשְׂרָאֵ֖ל עַבְדֶּֽךָ׃

Tous les matins, il se tenait debout près de la porte d'entrée et à chaque homme qui avait un litige à présenter au roi, il disait: De quelle ville es-tu?
Et chacun lui répondait: De telle tribu d'Israël est originaire ton serviteur.

Premier point: Court-circuiter le cours normal de la justice et faire mine de s'interesser aux gens, à leur histoire, leur origine. Le prince se met au niveau du peuple et leur fait ressentir qu'il
les voit, individuellement. Entrée en matière qui brise la glace.

Ensuite il leur disait à chacun: Je vois que ta cause est juste et bonne, mais qu'elle ne trouvera pas d'oreille chez le roi
וַיֹּ֤אמֶר אֵלָיו֙ אַבְשָׁל֔וֹם רְאֵ֥ה דְבָרֶ֖ךָ טוֹבִ֣ים וּנְכֹחִ֑ים וְשֹׁמֵ֥עַ אֵין־לְךָ֖ מֵאֵ֥ת הַמֶּֽלֶךְ׃
Puis comme il sait que le peuple a besoin qu'on lui instille l'espoir et l'illusion qu'un autre juge saurait être plus juste avec lui il ajoutait:
וַיֹּ֙אמֶר֙ אַבְשָׁל֔וֹם מִי־יְשִׂמֵ֥נִי שֹׁפֵ֖ט בָּאָ֑רֶץ וְעָלַ֗י יָב֥וֹא כָּל־אִ֛ישׁ אֲשֶֽׁר־יִהְיֶה־לּוֹ־רִ֥יב וּמִשְׁפָּ֖ט וְהִצְדַּקְתִּֽיו׃
"Ah, qui me placera comme juge sur cette terre?! afin que tout homme qui a un litige ou une dispute vienne à moi et que je lui rende justice"

Point notable, l'hebreu pour "je lui rendrais justice" peut aussi vouloir dire "justifier, donner raison". C'est ainsi qu'Absalom disait
en fait à chacun que si lui était au pouvoir, il lui donnerait raison, gain de cause, victoire.

Ancêtre de la fake news et de l'information ciblée, il disait à Jean-Pierre X et à Jean-Marc non X, avec la même sympathie.
On passe ensuite au verset 5, un verset exceptionnel qu'il faut analyser en hébreu pour voir toute la finesse conceptuelle du rédacteur biblique:

וְהָיָה֙ בִּקְרָב־אִ֔ישׁ לְהִשְׁתַּחֲוֺ֖ת ל֑וֹ וְשָׁלַ֧ח אֶת־יָד֛וֹ וְהֶחֱזִ֥יק ל֖וֹ וְנָ֥שַׁק לֽוֹ׃
En français: Lorsqu'un homme s'approchait pour se proterner devant lui, il étendait sa main, l'attrapait et l'embrassait.

L'illusion de la proximité, de la fin des barrières, des hierarchies, Balkany Style. Pas de salamalecs avec moi, je suis ton frère, tu es mon égal.
Selon le sens littéral de cette phrase, un geste duplice mais en soi non-violent.

Maintenant, arrêtons nous un peu sur les termes utilisés: לשלוח יד et החזיק en ayant en en tête que le rédacteur biblique ne choisit pas ses mots au hasard, que l'intertextualité est le
mode privilégié de la pensée biblique (décontextualiser des termes ou expressions, les recontextualiser, pour signaler un parallélisme ou au contraire illuminer un contraste) et que chaque texte biblique présuppose comme arrière fond l'ensemble des autres (le livre-monde)
Les hébraisants de ma TL, vous avez déjà compris où je veux en venir. L'expression "envoyer sa main" a toujours un sens d'atteinte violente dans la Bible. Lors de la ligature d'Isaac, l'Ange dit à Abraham: "N'envoie pas ta main sur le jeune homme" אל תשלח ידך אל הנער
Ceux qui avaient suivi mon thread sur la nana qui attrape l'agresseur de son bonhomme par les parties génitales se souviendront peut-être que dans le verset, les deux expressions "envoyer sa main" et "attraper" étaient utilisées côte à côte, donc en contexte de dommage corporel
et d'atteinte à l'intégrité. Mieux encore, Deux chapitres avant nos versets, lors du récit poignant du viol de Tamar par son demi-frère Amnon, on trouve le verset suivant:

"Mais il ne voulut pas écouter sa prière, il usa de force à son égard, lui fit violence et la déshonora."
la racine utilisée pour dire qu'il la forca est, je vous le donne en mille חזק
Le rédacteur biblique, en utilisant, sciemment, ces deux termes, opère chez le lecteur un effet interessant. On comprend que les gens sur qui Absalom exerce sa manipulation séductrice ne comprennent rien à ce qui se joue. Mais nous, nous comprenons. Et nous comprenons que
ses gestes de bienveillance, de proximité, de symapthie, sont en fait des gestes de violence rentrée, de violence sourde, de violence contre ce peuple même qu'il dit vouloir aimer et juger.
Je note en passant qu'Absalom, qu'on aurait pu trouver sympathique parce qu'il avait vengé sa soeur en tuant son violeur apparaît ici pour ce qu'il est, une personne duplice, obsedée par l'honneur et le pouvoir. En ce sens, même sa vengeance ressemble plus à un crime d'honneur
et à un réglement de comptes entre membres rivaux d'une même mafia (Amnon et Absalom ne sont pas frères utérins) qu'à un geste de bonté pour sa soeur
Enfin, verset 6:

וַיַּ֨עַשׂ אַבְשָׁל֜וֹם כַּדָּבָ֤ר הַזֶּה֙ לְכָל־יִשְׂרָאֵ֔ל אֲשֶׁר־יָבֹ֥אוּ לַמִּשְׁפָּ֖ט אֶל־הַמֶּ֑לֶךְ וַיְגַנֵּב֙ אַבְשָׁל֔וֹם אֶת־לֵ֖ב אַנְשֵׁ֥י יִשְׂרָאֵֽל׃

"Absalom fit de même à tout membre d'Israël qui venait porter un jugement devant le roi,
Et il vola ainsi le coeur des gens d'Israël"

"Voler les coeurs", en voilà une belle définition des campagnes politiciennes diverses et variées.
(certaines de ces idées me viennent d'un cours du bibliste Yonathan Grossman)
Ils promettent tous qu'ils feront mieux, mais c'est parce qu'ils n'ont pas encore à juger, à décider, à trancher. Toute politique réelle créee des frustrations et des deceptions. Seule une politique promise, fantasmée, en mots, peut ne faire que des heureux.
Ne vous laissez pas subtiliser vos consentements.

Merci!
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