Depuis ce matin, et c’est un sujet qui revient à chaque buzz autour de Ségolène Royal, l’affirmation revient : Ségolène Royal est responsable de l’arrêt du Club Dorothée en 1997. This is totalement exagéré, je vous explique pourquoi.
On repart en 1987. TF1 lance le Club Dorothée. L’émission marche, mais doit marcher mieux. En cause notamment : sa programmation de dessins animés. En 87, Dorothée démarre sur TF1 avec des séries comme Candy, Les Bioniques ou Les Minipouss. Sympathique, mais pas fou.
Pour ses nouvelles séries, le producteur AB se tourne vers le Japon et programme à partir du printemps 1988 des noms que nous connaissons tous aujourd’hui. Dragon Ball, Chevaliers du Zodiaque, Juliette je t’aime, et celui qui va constituer le coeur du drame : Ken le survivant.
Ce n’est pas Ségolène Royal lance les hostilités : c’est en vérité Catherine Tasca, ministre déléguée à la Communication, dès 1988. Elle obtient immédiatement un écho dans les médias. Trois mois après la mise à l’antenne de “Ken le survivant”, Dorothée s’explique dans la presse.
Télé Poche, nov. 1988. “Violence à l’écran : Dorothée répond aux parents”. Et répond à la ministre : il n’y a pas de la violence mais “de l’action”. Mais le plus intéressant est cet encart : Dorothée fait le distinguo entre séries pour enfants et séries pour “les plus grands”.
C’est le coeur du pêché du Club Dorothée à ses débuts : sous la même marque Dorothée, dans des programmes certes pas forcément diffusés aux mêmes horaires (matin ou après-midi) mais présentés par les mêmes animateurs, dans un même contexte, se côtoient Mon Petit Poney et Ken.
On note d’ailleurs quelques problèmes dans la catégorisation signée Dorothée dans la presse. “Galaxy Express” (et ses hommes robots qui se tirent dans le crâne) et “Cherry Miel” (je vous invite à voir un épisode sans vos gosses) ne sont pas **vraiment** dans la bonne catégorie.
Et Ségolène Royal alors ? Eh bah Ségolène Royal s’engouffre dans cette brèche. Députée, elle sort un livre UN AN après cette interview de Dorothée, “Le ras le bol des bébés zappeurs”. Son crédo : c’est violent, c’est moche, c’est commercial, regardez plutôt le service public.
L'argument commercial : voilà l’autre reproche qui revient beaucoup contre Dorothée dans cette période. Cette fois, je plaide : non coupable. AB et TF1 ont profité d’une législation en retard. Qui évolue à partir de cette époque, avec des aménagements concernant la jeunesse.
Dans ces premières années du Club Dorothée, on y va franco sur la pub : marques citées, jouets montrés, séquences sponsorisées. Un goûter d’anniversaire en direct ? La séquence est vendue à Papy Brossard et Joué Club. Un jeu avec un partenaire presse ? Télé Poche place son logo.
Tout cela sera stoppé au virage des années 1990 : les séquences ne sont plus sponsorisées, et les mentions des annonceurs (cadeaux, sponsor) sont encadrées.
Revenons à Ségolène Royal. Ce livre lui permet d’obtenir énormément d’interviews à la télé… sur le service public. Qui tente bien sûr d’affaiblir TF1.
France 3 organise même un débat avec la députée et... Brenda, 11 ans, animatrice de l'émission jeunesse de la 3.
France 3 organise même un débat avec la députée et... Brenda, 11 ans, animatrice de l'émission jeunesse de la 3.

Est-ce que cela abîme l’émission de Dorothée ?
En audience : non. Le Club Dorothée est largement leader.
En aspect commercial : non. Dorothée remplit Bercy, vend des disques, dispose de deux magazines à son nom.
Mais en termes de réputation… Oui, beaucoup.



C’est simple : il n’y aura pas une interview de Dorothée dans la presse écrite nationale où le sujet de la violence n’est pas évoqué. Mais Dorothée s’en défend : parce que le public est demandeur de ces séries, alors des coupes sont réalisées sur les scènes problématiques.
"Ken le survivant" par exemple : voilà une série décriée qui se vend très bien. En moins de deux ans, 5 VHS sortent dans le commerce, un disque, une BD, un album de vignettes, les vignettes à collectionner...
Il y a aussi cette séquence vue et revue : dans un épisode de “Pas de pitié pour les croissants”, Ariane vide le contenu d’une poubelle et y trouve le livre de Ségolène Royal. (Séquence à 7'50)
Mais c’est de bonne guerre. Dans son livre, Ségolène Royal désigne parfois l’émission de TF1 sous le simple de nom de l’animatrice : Dorothée. Dorothée ceci, Dorothée cela. Comment ne pas le prendre personnellement ? Même si Royal s’en défend...
On arrive alors à l'année 1992 et Ségolène Royal… abandonne le sujet, tout simplement. Ses fonctions évoluent, elle entre au gouvernement. Au sujet de la violence à la télé, elle dit désormais : “Je ne la regarde pas assez pour le dire”. Et… fin de l’histoire la concernant.
Le succès du Club Dorothée continue, et va atteindre son apogée. 1992, c’est l'année d'Hélène et les garçons, Dorothée enchaîne Bercy et tournées, et on entre dans une ère prospère pour les anime, avec l’énorme succès de Dragon Ball Z et Sailor Moon.
Et à ce moment-là, le Club Dorothée a encore 5 années d'antenne devant lui. Cinq années de succès, cinq années de turbulences aussi, mais auxquelles Ségolène Royal est étrangère. La relation avec TF1 se dégrade, AB lance AB Sat quand TF1 lance TPS. Donc TF1 dit stop.
En conclusion :
Ségolène Royal a t-elle contribué à la mauvaise réputation du Club Dorothée ? Très largement
Ségolène Royal a t-elle affaibli le Club Dorothée ? Dans la presse, oui, qui ne lâchera pas le morceau
Ségolène Royal a t-elle arrêté le Club Dorothée ? Non.


