Une nouvelle rhétorique émerge dans le débat public : la balance avantages/coûts des mesures sanitaires.

Tant que le gouvernement ne prouve pas que celles-ci n'entraînent pas plus de morts que le virus en lui-même, il faudrait laisser-faire.

Que faut-il en penser ?

#Thread ⤵️
1. Pour détailler cette idée : le confinement, la fermeture de commerces entraînent une baisse de l’activité économique, et donc, une augmentation de la pauvreté.

Or, des pauvres en plus, ce sont encore des morts, à venir ou prématurés, du fait de la fragilisation de leur vie.
Comme le disait Frédéric Bastiat : il y a ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas.

Les morts du covid sont apparents, font la une des journaux.

Mais ils invisibilisent d’autres morts, ceux de la paupérisation de la société causée par notre combat contre le covid.
En somme, tant que le gouvernement ne prouve pas que la balance avantages/coûts des mesures sanitaires soit positif - donc qu’elles n’entraînent pas plus de morts que le covid - il ne devrait rien faire.

La charge de la preuve pour réduire les libertés lui incombe en premier.
Idée séduisante, car elle permet de se hisser en grand défenseur de la liberté, de dénoncer l’incompétence de tous les pouvoirs exécutifs du monde qui n’auraient pas fait cas de ce détail que personne n’aurait remarqué, si ce n’est : vous (spoilers : non).
2. Disons-le d’emblée : cette interrogation est légitime. Si les mesures adoptées entraînent plus de morts que le virus lui-même, il faut les cesser.

Seulement, c’est très loin d’être gagné pour le prouver, et il se cache plusieurs erreurs dans le raisonnement présenté.
3. Effectivement, aujourd’hui, cette preuve d'un bénéfice supérieur aux coûts n’est pas établie à la faveur des mesures sanitaires.

Il n’y a qu’à voir les chiffres de la pauvreté qui émergent pour présager de morts supplémentaires de ce côté.
Mais c'est oublier que l’inverse est tout aussi vrai :

Il n’est en aucun cas démontré, à ce jour, qu’un laisser-faire sanitaire n’aurait pas entraîné beaucoup plus de morts qu’en agissant comme nous le faisons aujourd’hui.
En fait, personne ne peut prouver la supériorité de son point de vue : ni le laisse-faire, ni l'intervention des pouvoirs publics.

Nous sommes face à deux incertitudes (et chacune avec une légitimité totale dans leur questionnement).
4. Mais, du coup, est-ce que la charge de la preuve n'incombe-t-elle pas à ceux qui veulent laisser-faire ?

Vous allez me dire que, pourtant, nous venons d'établir qu'à l'heure actuelle, personne n'a prouvé la supériorité de son point de vue.

Sauf que...
Sauf que les morts du covid, ce sont des morts immédiates, qui n'attendent pas qu'on se pose la question pour s'étendre dans l'ensemble de la population.

Pire encore, les malades du covid occupent des places en urgence, au dépend d'autres malades, qui peuvent en mourir.
Ainsi, la privation des libertés (oui, parce que quand on meurt, a priori, on perd sa liberté) est immédiatement constatable du côté de la pandémie.

Qu'en est-il du côté de la paupérisation ?
Eh bien, pardon de dire, mais il ne faut pas confondre : paupérisation, fragilisation et morts certaines.
Oui, il y aura des nouveaux pauvres après cette crise sanitaire. C'est certain, personne ne le nie, même pas les pouvoirs publics.

Mais non, paupérisation n'est pas l'annonce prophétique que toutes les victimes de ce phénomène vont en mourir.
C'est même pire, car la pauvreté est un phénomène réversible.

La mort, elle, ne l'est pas.
Elle est non seulement réversible par nos actes de charité et de solidarité : ceux du quotidien, qui sont à notre portée, où l'on va directement s'enquérir aider son prochain (et les partisans du laisser-faire sont, me semble-t-il, assez silencieux sur ce terrain).
Mais la pauvreté peut être encore renversée par des politiques publiques.

Celles, en premier lieu, de soutien immédiat aux populations les plus fragiles (ce qui n'a rien de scandaleux, même d'un point de vue libéral, puisque l'Etat est responsable des mesures et de leur impact).
Et puis, ensuite, celles qui favoriseront la reprise de la machine économique (j'inclus dans l'expression "politiques publiques" le fait de baisser la fiscalité, les normes et j'en passe...).
Confondre sciemment la paupérisation avec l'annonce de morts à venir équivalents ou supérieurs à ceux du covid, cela relève au mieux d'une grande maladresse.

(Non pas que la corrélation n'existe pas, mais elle n'est pas établie)
Il en ressort donc que, soit la charge de la preuve n'appartient à personne, puisque rien n'est prouvé, soit qu'elle est sous la responsabilité des partisans du laisser-faire, puisque les morts sont immédiats.
5. On peut même aller plus loin : le retour du confinement n'est-il pas la faute des partisans du laisser-faire ?

Je m'explique.
Depuis le mois d'août, divers experts expliquent que la deuxième vague arrive.

Les chiffres ne concordaient pas, il n'y a pas de preuve du bénéfice/coûts. On n'a donc rien fait. C'est la logique du laisser-faire qui a gagné à ce moment-là.
Est-ce que le gouvernement avait raison ou tort ? La situation aujourd'hui semble dire que non, mais pouvions-nous vraiment le prévoir ? Difficile à dire, je ne suis pas expert, je ne me permettrais pas d'accuser qui que ce soit.
En revanche, nous sommes bien victimes aujourd'hui, au moins pour partie, d'une logique qui veut qu'on ne fasse rien, tant qu'il n'y a pas de preuve tangible.

Sauf que la preuve, on l'a quand il est trop tard.
C'est même plus grave, car le coût humain d'un confinement qui arrive trop tard est sans doute pire que celui de mesures coercitives, mais adoptées pus tôt.
Ce qui fait que nous perdons sur tous les terrains.

A la fois sur le terrain des libertés, car on doit remettre en place un confinement.

En même temps sur le terrain de la santé, car l'épidémie repart de plus belle.

Et aussi sur le terrain de la pauvreté, qui explose.
CONCLUSION :

Premier point, ce thread ne répond en fait pas à grand chose.

C'est assumé : je ne suis pas un expert en gestion de pandémie, ni un économiste.
En revanche, j'ai en horreur les idéologues de tous bords, à la fois du côté du "tout santé" ou du "tout économie", qui sabordent le débat public à coups de sophismes.

J'espère y avoir répondu, au moins pour partie.
Deuxième point : ce thread n'est pas là pour approuver le confinement.

Il est là pour répondre à une logique qui, me semble-t-il, n'aide pas plus à résoudre la situation actuelle que celle du gouvernement.
Troisième point : ce n'est pas la logique bénéfices/coûts qui doit venir en premier dans nos esprits, mais celle de l'atteinte aux libertés.

Car s'il n'y a pas d'atteinte aux libertés, la question de cette balance ne se pose même pas.
Or, c'est dans les modalités de ces limites qu'on doit se poser la question du bénéfice/coût ; que nous n'avons que très difficilement aujourd'hui.
Tous les débats que nous avons sur ce qui est essentiel ou non, un couvre-feu annoncé puis démenti en 2 heures, dans la passivité de la population, c'est assez inquiétant sur le plan politique, sans garantie d'efficacité vis-à-vis des objectifs fixés.

FIN
... sur les libertés publiques et leurs atteintes, plutôt que de rentrer dans la technicité d'un sujet qui nous dépasse.
Et toute dernière précision : rien n'exclut à ce qu'on ait de nouvelles données qui permettent d'avancer en un sens ou dans l'autre, et donc que je révise mon propos.
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