Je suis assez opposé au régime de coercition que certains médecins (certains j'ai dit) veulent imposer au reste de la population, car ils ne prennent en compte que leur perception de la crise. on le comprend, la crise a été rude, mais il faut garder à l'esprit 2-3 trucs.
Tout d'abord, on ne sait pas du tout quand tout cela va finir. Jouer au jeu des tribunes hebdomadaires de plus en plus strictes, pour imposer le masque aux enfants de 6 ans (efficacité garantie au passage) et empêcher les gens de diner entre eux, cela peut se comprendre.
Mais dans la vraie vie, tout le monde n'est pas médecin, tout le monde n'est pas malade. Il y a tout un monde dans la vie réelle. En dehors de twitter, en dehors des copains et des collègues médecins. Et pendant combien de temps doit on suivre ces propositions?
Ce n'est pas parce qu'on craint les conséquences d'une épidémie qu'on peut suggérer à la population la bonne façon de se comporter, sans jamais avoir à en subir les conséquences. Les médecins, (moi le premier) n'en subissent pas toutes les conséquences.
Fermer les bars et les restaurant à 23h, c'est condamner au chômage et à la précarité une certaine partie de la population. Intensifier les restrictions de rassemblements, c'est condamner au chômage et à la précarité une certaine partie de la population.
Rendre obligatoire le masque à l'école et fermer les classes et les écoles, c'est condamner à la précarité et au décrochage scolaire une certaine partie de la population.
Et au delà de l'aspect économique, nous médecins avons conservé intact notre rôle dans la société. Mais qu'en est il des autres? Les artistes, les restaurateurs, les tourneurs, la liste est longue? Mais aussi quel bouleversement pour les profs masqués, les élèves masqués.
Ce qui me gêne dans ces tribunes à répétitions de médecins, c'est qu'elles sont écrites par des médecins. Qui ont une certaine perception de la crise, et ne peuvent saisir la globalité des conséquences des mesures suggérées. Où en tout cas, n'en feront pas les frais.
La démarche scientifique en médecine, a toujours été d'évaluer la balance bénéfice / risque. Le bénéfice de certaines mesures restrictives est évident (masques en lieu clos, interdiction de rassemblements massifs etc.). Mais pour d'autres, c'est moins évident.
Des propositions de bonne intention peuvent avoir des effets délétères, qui sont extrêmement difficiles à anticiper et à évaluer. Il est heureux que les décisions politiques ne soient pas laissées à l'appréciation des médecins. Chacun son métier.
L'amplitude de la deuxième vague, la vraie, celle de la précarité, du chômage, des troubles psycho-sociaux et de l'inégalité sociale est inconnue. Et surtout, elle-même a un impact sur la santé. Un des principaux déterminants de la santé est l'économie, l'état de la société.
Comme dit le bon @wargonm "je suis surtout médecin, et je suis contre un gouvernement des médecins". https://www.lemonde.fr/journal-blouses-blanches/article/2020/04/29/journal-de-crise-des-blouses-blanches-esperons-que-ne-sera-pas-une-victoire-a-la-pyrrhus_6038145_6033712.html
Ne jouons pas à qui sera le plus restrictif pour sauver la santé des français. Le "principe de précaution" peut avoir l'effet inverse. Pour moi, la précaution serait de ne pas intimer ce qui n'est pas clairement bénéfique. Les Cassandres ne sont pas Oracles.