Elle fut l’une de cités qui ont inventé le monde moderne : Vienne 1900.
Une ville et une époque qui symbolisent ce rêve européen que nous avons oublié. Une période majeure de notre histoire culturelle, source d’inépuisables de (re)découvertes.

Nouveau #thread de la semaine.
1/
2/ Au tournant du 20e siècle, Vienne, capitale d’un empire de 54 millions d’habitants, figure au rang des grandes métropoles d'Europe avec Londres, Paris et Berlin. L’Autriche-Hongrie de Francois-Joseph 1er apparaît toutefois alors comme un empire affaibli.
3/ Tiraillé par le séparatisme de la quinzaine des nations qui la composent, moins dynamique économiquement que d'autres pays européens, défaite par la Prusse expansionniste de Bismarck à Sadowa en 1866, elle est une puissance en déclin.
4/ Il est pourtant un domaine où Vienne, métropole cosmopolite et tolérante, "domine" le monde : les arts et la littérature. Un auteur a pu écrire que ses rues étaient pavées de culture là où celles des autres villes étaient pavées d’asphalte.
5/ L’économiste John K. Galbraith soutient que la Vienne d’alors "avait des droits non négligeables à prétendre au titre de capitale intellectuelle et culturelle de la vieille Europe". Creuset de multiples cultures, Vienne 1900, est un extraordinaire laboratoire de modernité.
6/ Les peintres autrichiens révolutionnent leur art. Gustav Klimt (1862-1918), l’auteur du fameux Baiser (1906), est célèbre et influence d’autres peintres autrichiens majeurs, dont bien sûr Egon Schiele (1890-1918) mais aussi Oskar Kokoshka et Max Oppenheimer.
7/ Otto Wagner (1841-1918) et son disciple, Joseph Maria Olbrich (1867-1906) font partie des précurseurs de l’Art Nouveau. Adolf Loos (1870-1933), autre grand architecte, adepte du réalisme et du fonctionnalisme, défend au contraire une architecture épurée, voire dépouillée.
8/ L’association d’artisans Wiener Werkstätte (Atelier Viennois) conçoit des objets (joaillerie, orfèvrerie, poterie, ébénisterie), des meubles et des textiles, avec l’objectif de les rendre accessibles à tous. Moment décisif dans l'évolution du design.
9/ Vienne 1900 continue de "régner" sur le monde de la musique. Après Haydn, Mozart, Beethoven et Schubert, de nouveaux musiciens viennois ont pris le relais, notamment les romantique tardifs Johannes Brahms (1833-1897), Anton Bruckner (1824-1896) et Hugo Wolf (1860-1903).
10/ Vienne est naturellement la capitale de la valse. Johann II Strauss (1825-1899), le directeur des bals de la Cour, compose les célébrissimes Beau Danube Bleu et Valse de l’Empereur. Franz Lehar (1870-1948) compose lui des opérettes, dont la fameuse Veuve Joyeuse.
11/ Gustav Mahler (1860-1911) est un musicien viennois reconnu dans le monde entier. Compositeur de symphonies et de lieder, chef d’orchestre, il est nommé en 1897 directeur de l’Opéra de Vienne et va en faire l’un des orchestres de référence.
12/ En parallèle, Arnold Schönberg (1874-1951) fonde un mouvement musical (la "seconde école de Vienne") et met au point une nouvelle méthode de composition, dite dodécaphonique. Ses élèves Anton von Webern (1883-1945) et Alban Berg (1885-1935) poursuivront son œuvre.
13/ La capitale autrichienne, "belle et animée" comme le disait Chopin, est l’un des centres majeurs de la littérature mondiale. Sa vitalité s’organise autour de ses 600 cafés qui sont au cœur de la vie culturelle. On y vient pour parler politique, idées, styles, etc.
14/ Les écrivains qui se distinguent sont innombrables : romans, poésie, théâtre, philosophie, psychanalyse. Un point commun les réunit : l’intérêt pour les sentiments personnels, l’être intérieur, les tourments de l’âme, les pensées profondes, l’introspection, le subjectif.
15/ Acteurs et témoins d’une société déclinante à l’aube de sa désintégration, ils sont fascinés par la mort et les rêves, tout en décrivant la joie de vivre, l’insouciance, l’ouverture au monde, l’érotisme, la sexualité et la jouissance.
16/ L’écrivain viennois le plus connu de l'époque est sans doute Hugo von Hofmannsthal (1874-1929). Poète, romancier, dramaturge, il participe à la création du festival de Salzbourg tout en rédigeant des livrets d’opéra.
17/ Stephan Zweig (1881-1942) est une grande figure de la littérature autrichienne et… mondiale. Nouvelliste époustouflant, dramaturge, biographe, essayiste, il a conquis des générations de lecteurs grâce à la finesse psychologique de ses portraits et à son écriture lumineuse.
18/ D’autres écrivains remarquables ont marqué cette époque. Robert Musil (1880-1942), auteur d’essais, de nouvelles, de théâtre et du roman inachevé Der Mann ohne Eigenschaften (l’Homme sans qualités) est toujours très lu.
19/ Vienne s’illustre également en philosophie, avec Ludwig Wittgenstein (1889-1951) dont l’œuvre de jeunesse, le Tractatus logico-philosophicus aura une influence considérable. Son autre livre majeur, les Investigations Philosophiques, ne sera publié que deux ans après sa mort.
20/ Arthur Schnitzler (1862-1931) est, à l’instar de von Hofmannsthal dont il est l’ami, l’une des grandes figures de la littérature viennoise. A la fois médecin et écrivain, il connaît de grands succès avec les questionnements intérieurs qu’il met en scène ou qu'il raconte.
21/ Sigmund Freud (1856-1939), neurologue, est le fondateur de la psychanalyse et de la psychologie moderne. Il fait paraître l’Interprétation des rêves puis la Psychopathologie de la vie quotidienne autour de 1900. Plus tard, viendront de nombreux essais célèbres.
22/ Représentant de l’extraordinaire communauté juive de Vienne, Theodor Herzl (1860-1904), journaliste et dramaturge, fonde le sionisme avec son ouvrage Der Judenstaat. Versuch einer modernen Lösung des Judenfrage (Etat juif, essai d’une solution de la question juive).
23/ Malheureusement, l’antisémitisme croissant (porté notamment par le maire de la ville Karl Lüger, élu en 1897, et admiré par le jeune Hitler), puis la déflagration de 1914-1918 mirent un terme à ce rayonnement exceptionnel.
24/ Vienne 1900 a représenté une période unique de l'histoire. Une période dont Zweig a révélé le secret : savoir recevoir, intégrer et relier, en faisant preuve d’esprit de conciliation, de capacité à résoudre les dissonances.
25/ A la fin de sa vie, Zweig écrira : "La culture viennoise n'était pas une culture conquérante (…) mélanger les contraires et créer à partir de cette harmonisation constante un nouvel élément de la culture européenne, tel fut le véritable génie de cette ville".

FIN
You can follow @alexiskarklins.
Tip: mention @twtextapp on a Twitter thread with the keyword “unroll” to get a link to it.

Latest Threads Unrolled:

By continuing to use the site, you are consenting to the use of cookies as explained in our Cookie Policy to improve your experience.