J’ai fait une dépression, aujourd’hui je vais mieux. Un thread.
Ici vous ne trouverez aucun ressentiment, simplement des faits. Si vous pensez être dépressif arrêtez de lire ça et consultez un médecin, parlez-en, écrivez, n’enterrez rien.
Je situe la première crise à l'été 2018, le mal-être était présent depuis probablement de longs mois mais je n’écoutais pas mon corps gémir, ni ne comprenait qu’il me balançait des signaux d’alerte.
La cause principale de cette période dépressive, ma thèse et sa rédaction. Écrire une thèse en quelques mois : la moins, pour l’instant, bonne idée de ma vie. Deuxième moins bonne idée : empêcher toutes mes relations sociales à cause de mon travail. Boire un verre : pas le temps.
Sortir prendre l’air : pas le temps. Faire du sport : on verra demain. Tous les éléments se mettaient peu à peu en place. Évidemment tout le monde s’éloigne de vous, sauf ma famille très présente.
Problème : incapable d’en parler j’exagérais mes « tout va bien », creusant un fossé important entre moi et l’extérieur, entre mes sensations, mes sentiments, et le monde.
Première crise : perte abondante de cheveux, je ne parle pas d’une alopécie (ça, c’est un autre problème), plutôt de l’apparition de grosses plaques rouges entraînant une chute continue. La main passe et cueille.
Crises de larmes régulières, coups de pompe journaliers, sommeil épuisant, migraines quotidiennes, doigts qui tremblent, estomac noué et absence d’appétit.
Pour ma part j’ai préféré mettre ça de côté, je voyais dorénavant ma thèse comme un devoir, je devais la porter et la supporter jusqu’au bout. A certains moments elle devenait une preuve de mon courage et de ma capacité à dominer mes émotions.
La deuxième crise a été la pire : novembre 2018, il est tard et je bloque sur un chapitre de la thèse. Je pète une durite : je déchire mes bouquins, explose ma manette de jeu puis mes poings contre le mur. Je suffoque complètement, j'ai l'impression qu'on m'écrase le plexus.
Je tremble de rage, je m’effondre et commence à rédiger un mail assassin à ma directrice de thèse (elle n’y est pour rien, bien au contraire d’ailleurs). À ce moment précis, je sais que je ne vais pas abandonner, mais je veux que quelqu’un souffre à ma place (avec moi ?).
Ce n’est pas beau à voir, ni à entendre d’ailleurs. Et là, arrive la chose la plus surprenante : je m’asseye sur une chaise en face de mon ordi et décide que tout cela n’est pas vrai. Je n’ai pas vécu ça, et je reprends mon travail.
À rebours, je crois qu’il y a eu une scission en moi, une sorte de rupture bien sale que beaucoup de dépressifs connaissent. On est là, sans y être ; on travaille mais le travail est loin. On parle mais on a dressé un rideau de verre.
Peut-être un moyen pour le corps de se protéger, franchement je ne sais pas. J’allais mieux ? Non, mais le mal était renvoyé à plus tard. Et c’est bien ça le problème :
on pense qu’on a vécu une crise passagère, et on ne comprend pas que la dépression c’est ça, se sentir "bien" à un moment où on ne devrait pas l’être, balance continue entre une sorte de "joie" sporadique, dont on ne connaît pas la cause (et c’est flippant),
et un mal-être qui s’installe durablement. Les nuits, évidemment, deviennent de plus en plus cauchemardeuses, et on se réveille très souvent en sueur, incapable de comprendre l’état de son corps, quand commence la phase dépressive, jusqu’où elle va, quand elle s’achève.
C’est cette incompréhension qui vous mange le cerveau. Vos repères et vos habitudes vous échappent partiellement puis complètement. Vos réactions sont anormales, vous le savez et ne pouvez rien faire contre ça.
À ce moment-là, j’ai eu la bonne idée de mieux comprendre le mal-être en faisant une petite introspection dont je vous épargne les détails.
Est-ce qu’on apprend sur soi ? oui. Faut-il en passer par ça pour mieux se connaître ? bien sûr que non ! C’est précisément en se connaissant en amont qu’on apprend à mieux éviter ça en aval.
Mais s’il est trop tard, autant essayer d’en faire quelque chose : j’ai tenu un carnet pendant ma dépression qui a été assez salvateur. C’est bourré de notes délirantes, sorte d’énergie négative à expulser. Je parlais peu mais j’écrivais beaucoup.
Surtout, ne vous coupez pas du monde : parlez de vous, sinon laissez des pierres assez grosses pour que quelqu’un trouve votre chemin et vous vienne en aide.
Ne produisez aucun ressentiment, à qui peut-on en vouloir si on est soi-même incapable de voir et comprendre le mal qui nous ronge ? Repérez les failles, observez-vous et ne voyez pas ça comme une épreuve nécessaire.
Seulement, si vous êtes déjà dans les tempêtes, essayez d’en tirer quelque chose. Enfin, et c’est le plus important : consultez des spécialistes, on peut vous aider.
Aujourd'hui je vais mieux, et je me préserve. Le boulot : pas le temps, on va boire un verre.
Fin du thread.
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