J'ai un grand respect pour @GhadaHatem13 et pour le travail qu'elle fait à @lamaisondfemmes de #SaintDenis.

C'est pourquoi sa prise de position sur les #CertificatsDeVirginite m'a profondément déconcertée.

#Thread ⤵️
À la base, sa position de médecin est parfaitement logique et légitime : "primum non nocere", c'est le serment d'Hippocrate. Si elle craint pour la vie de la jeune fille elle n'a pas d'autre choix que de lui délivrer le certificat.

Mais de quelle "vie" parle-t-on ?
Quelle "vie" offre-t-on, ici, en France, a une jeune fille qui aura pu sauver sa réputation (et celle de sa famille) sur la base de sa présumée intégrité gynécologique ? Qui aura pu se marier avec un homme pour qui c'est cela - et seulement cela - qui fait la valeur d'une femme ?
C'est la même "vie" qu'elle aurait pu avoir ailleurs, ou que nos ancêtres de sexe féminin ont eue ici aussi à une autre époque : une vie de soumission où seuls comptent l'honneur du mâle et sa certitude sur la descendance.

Une "vie" de bête reproductrice.
La #virginite est un mythe phallocratique sans fondement biologique ou médicale : environ la moitié des femmes n'a pas d’hymen visible et ne saigne pas lors du premier rapport sexuel.

Mais c'est un mythe tenace.
Dans certains villages de Sicile, jusqu'aux années '70, on mettait un coq "porte-bonheur" dans la chambre nuptiale.

Le couteau était caché dans la table de nuit : "au cas où", on égorgeait le coq pour tacher les draps qui devaient être exposés au matin.

Et l'honneur été sauvé.
En 1981 Diana Spencer, âgée de 19 ans, dut passer un test de virginité avant l'annonce de ses fiançailles avec les Prince de Galles.

L'issue catastrophique de ce mariage est l'une des raisons qui ont poussé la famille royale britannique à renoncer à cette coutume absurde.
En 2008 le Tribunal de Grande Instance de #Lille annula un mariage pour "erreur sur les qualités essentielles du conjoint" en vertu de l'article 180 alinéa 2 du code civil : la "qualité essentielle" sur laquelle il y avait eu erreur était la #virginité de la mariée.
L'affaire fit grand bruit et nécessita d'une intervention de la Garde des Sceaux de l'époque, @datirachida.

Le jugement fut infirmé en Appel quelques mois plus tard.

C'était un "cas d'école".
Il s'agissait d'un couple CSP+: lui ingénieur elle infirmière.

Tous les deux Français d'origine marocaine, musulmans pratiquants, ils s'étaient fréquenté pendant 2 ans avant le mariage.
Elle déclara ne pas avoir eu "la force" d'expliquer à son fiancé qu'elle n'était plus vierge.
Elle avait accepté l'annulation du mariage et n'aurait pas voulu que l'affaire passe en Appel.

Elle déclara : «Je ne suis pas le leader d'un mouvement, je ne revendique rien [...] Je voudrais juste pouvoir vivre ma vie normalement».
La "vie" que cette jeune femme (25 ans à l'époque) voulait "vivre normalement" est la même "vie" que @GhadaHatem13 veut préserver chez ses patientes qui demandent un #CertificatDeVirginité : une vie dans laquelle la sexualité féminine est une honte e l'honneur masculin un devoir.
@GhadaHatem13 dit que si elle ne délivrait pas de #CertificatDeVirginité sa patiente serait «emmenée au bled, ira voir un gynécologue du bled, et si elle n’est pas vierge, ça va chauffer pour elle».

C'est - hélas - très probablement vrai.

Mais comment briser ces chaines ?
Je pense au destin des jeunes filles auxquelles en 2004 l'on interdit d'aller à l'école avec un #voile.

À l'époque certains disaient que pour beaucoup d'entre elles cela représentait une "exclusion" qui les aurait éloignée des études ou confinée dans des écoles confessionnelles.
Certains ( #Lallab, #CCIF & Co.) le disent encore aujourd'hui...

Mais il n'y a pas eu de déscolarisation massive, la loi est désormais entrée dans les mœurs et, mis à part quelques intégristes, rares sont ceux qui voudraient l'abroger ou la modifier.
Et ceux qui voudraient imputer à cette loi la quête identitaire accrue chez certains Français de confession musulmane devraient regarder ailleurs en Europe, où les signes religieux à l'école ne sont pas interdits mais les revendications identitaires sont les mêmes, voire pire.
Cette loi a donc permis à des milliers de jeunes filles de famille musulmane - mais pas que, puisque la loi concerne TOUS les signes religieux - de se libérer au moins pendant les horaires scolaires d'un modèle de "féminité" qui leur est imposé dès leur plus jeune age.
Et, autant voire plus important, cette loi a protégé celles qui ne veulent pas porter le voile mais qui risqueraient d'être ostracisées (par la famille, les voisins, la "communauté"...) si elle ne le mettaient pas dans une école où cela serait permis.
(off topic : c'est cette logique qui devrait, à mon avis, pousser les législateurs à prendre position par exemple contre les #bourquinis, car les autoriser empêche de facto le maillot de bain à toutes les femmes vivant dans un milieu intégriste)
L’interdiction des #CertificatsDeVirginite" que @GDarmanin et @MarleneSchiappa ont annoncé vouloir introduire dans le projet de loi contre le #Separatisme aurait donc une double valeur :

- déclarer sans ambiguïté qu'en France la #virginite n'est pas une valeur et que...
...la sexualité est libre, pour les femmes comme pour les hommes

et

- protéger les femmes (et/ou les familles) auxquelles on demande un tel certificat.
Certes, cela ne protégera pas les jeunes filles qui - avec la complicité de leur famille - seront "emmenées au bled".

Mais, hélas, cela vaut aussi pour l' #excision : serait-ce une raison pour autoriser les #FGM en France ? Bien sûr que non !
Je termine donc avec une question que je voudrais poser à @GhadaHatem13 :

accepterait-elle de pratiquer une #FGM pour "sauver la vie" d'une patiente, en sachant que sinon la fille serait "emmenée au bled" et peut-être excisée dans des conditions médicalement moins correctes ?
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