1) Lorsqu’on fait face à un événement aussi soudain et imprévu que la mobilisation civique en #Biélorussie, surtout observé de loin, on a tendance à s’agripper à des références historiques, à faire des comparaisons. Notamment, celle avec la Pologne communiste.

2) Les pays Baltes eux-mêmes ont favorisé cette référence en appelant de leurs vœux une « table ronde » entre Loukachenko et l’opposition, sur le modèle de celle, en 1989, qui avait permis la transition pacifique en Pologne et la tenue des 1e élections libres.

3) La mobilisation inédite des ouvriers, dans de nombreuses usines biélorusses, au nom à la fois d’un patriotisme et d’une lutte pour les droits civiques, a fait aussi penser à celle dans les chantiers navals de Gdansk, en 1980-81.

4) Bon.
Et maintenant, faisons un sort à cette comparaison.

5) L’opposition polonaise n’était pas une vague inattendue qui a déferlé sur le pays. Ce fut une lutte organisée sur des décennies, avec des traumatismes et des étapes, des émeutes à Poznan (56) jusqu’à la création du KOR puis de Solidarité (80), en passant par mars 68.

6) Ce fut une lutte avec des personnalités intellectuelles, des dissidents aguerris, une pratique de la clandestinité, un soutien de l’église, la mobilisation des ouvriers, sans parler des relais à l’étranger.

7) En Biélorussie, il s’agit d’une formidable mobilisation populaire sans réels chefs de file, ni programme politique. Spontanéité, créativité, réseaux sociaux, décentralisation. Le mouvement est insaisissable, d’où la difficulté à mener la répression pour le régime.

8) De même, l’idée d’une « table ronde » se heurte à la nature du régime. La Pologne communiste était à bout de souffle et d’idées, la Biélorussie aussi. Mais Loukachenko n’est pas un homme à compromis. Il s’accroche à son chiffre frauduleux de 80%.

9) Loukachenko a commencé à parler d’une nouvelle constitution, avant la tenue d’autres élections. Mais cela ressemble à une façon de gagner du temps. Quel compromis serait possible, dès lors que lui-même refuse d’admettre la légitimité des revendications exprimées dans la rue ?

10) De même, la façon désespérée dont Loukachenko a fait appel à Moscou, dont il tente de transformer une question de légitimité polit et de régime en enjeu géopolitique, montre que ce dirigeant cherche la préservation du système, pas sa révision. Encore moins son abolition.//