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Je suis normalien et j'entends bcp d'âneries sur ce que "être normalien" représente. Donc petit thread pour debunker un peu tout ça... Je tiens à dire que je parlerai spécifiquement du domaine littéraire (sc humaines, lettres, langues) mais globalement, ça marche pareil 1/
pour les sciences. Vous êtes bien accrochés ? C'est parti ! 2/
Primo, le concours. Il s'agit d'une véritable aberration : 3000 élèves de prépa litt. galèrent sur des programmes vieillots, basés en grande partie sur la culture générale et qui privilégient donc les milieux aisés ou les fils de profs. Pour Ulm il faut nécessairement 3/
faire du latin ou du grec ! De quoi éliminer les élèves de lycées défavorisés puisque le retard est quasiment irrattrapable en deux ans... /4
En plus, le fait que l'oral soit également très coefficienté amène aussi pas mal de problèmes : éloquence des milieux aisés et de ceux qui sortent de prépas parisiennes, absence d'anonymat qui peut la mettre à l'envers à toutes les minorités ou opprimés /5
(rappelons que cette année, pas d'oraux = bcp plus de filles reçues. coïncidence ?) /6
Deuxio, la scolarité : les chanceux, les bosseurs et les "brillants" qui ont réussi à rentrer se retrouvent enfin dans le Temple. Je sortais d'une très grande prépa parisienne, je connaissais de vue exactement 50% des admis à Ulm ! Et c'est là que les ennuis commencent : /7
vous devenez officiellement fonctionnaire-stagiaire en signant un engagement décennal qui vous oblige (malheur!!) à travailler pour l'État pendant dix ans. Pour de nombreux fils à papa, ce chantage est inacceptable. Ils ne pourront pas aller se remplir les poches dans /8
les boîtes de conseils entre deux dissertations !
Mais, dans la pratique, c'est différent : d'abord vous avez 4 ans de scolarité à l'ENS (donc 10-4=6), ensuite vous allez vraisemblablement faire une thèse (donc 6-3minimum = 3)... Il ne reste plus grand-chose à rembourser. /9
Mais, dans la pratique, c'est différent : d'abord vous avez 4 ans de scolarité à l'ENS (donc 10-4=6), ensuite vous allez vraisemblablement faire une thèse (donc 6-3minimum = 3)... Il ne reste plus grand-chose à rembourser. /9
Vous voulez partir ? Vous pouvez aussi, puisqu'en travaillant pour la fonction publique d'autres États (UE principalement) vous remplissez votre engagement décennal. Vous détestez la fonction publique et voulez simplement sucrer 4 ans de salaire au contribuable ? /10
Vous pouvez également puisque les entreprises peuvent vous "racheter" en avançant à l'Ed. nat. les sous que vous leur "devez"... /11
Donc bref ÊTRE NORMALIEN = payé 4 ans à 1300€/mois, bénéficier de chambres à bas prix (<400€/mois) en ville ou proche banlieue, une éducation à la carte (à Ulm plus qu'à Lyon), un titre qui fait joli sur le CV, une excellente préparation à l'agreg (quasi 100% de réussite /12
pour certaines matières), une excellente prépa ENA et des contrats doctoraux spécifiques (même si les entourloupes de Vidal et co commencent à nous sucrer ça aussi). /13
Sans oublier une émulation intellectuelle hors du commun et tout un tas d'autres avantages (possibilités de lectorat dans les universités du monde les plus prestigieuses, etc). En gros, si vous êtes normalien, vous êtes quasi certain de sortir agrégé et docteur. /14
Pour trouver un poste par la suite, surtout en fac, ça reste rude, mais vous partez quand même avec une sacrée avance sur tous vos potes de fac qui ont dû galérer à payer le loyer en travaillant à mi-temps et qui n'ont pas bénéficié de tous vos petits privilèges. /15
Dans le privé, par contre, on vous accueillera les bras ouverts parce que, en plus d'être brillant, vous savez être disruptif ! Tellement disruptif que vous avez réussi un concours qu'Emmanuel Macron, ô Intellect suprême, a raté 3 fois... /16
Alors qu'est-ce qu'on retient de tout ça ? D'abord, et c'est le point que bcp de bourgeois oublient, le normalien est une espèce en voie de disparition certes, mais une espèce bien protégée qui peut, une fois le concours en poche, faire carrière pépère /17
Ensuite, que le normalien est un symbole : il représente cet esprit 3e République de l'élève-travailleur, qui gravit les échelons de la société pour ensuite participer au grand effort d'illumination des peuples. /18
Malheureusement, ce cas de figure n'existe presque plus et on peut regretter que bcp de normaliens qui, par avidité ou par lassitude vis-à-vis d'un métier toujours plus dégradant, choisissent d'abandonner le fait d'être prof pour taffer dans la comm' ou dans l'admin. /19
Conclusion : votre fils ou fille est normalien•ne ? Ne vous inquiétez pas trop pour lui/elle, il va s'en sortir et pas qu'un peu. Contrairement aux milliers d'étudiants, de profs, de vacataires précaires qui sont au bord du gouffre. /20
Que quelques centaines de jeunes soient privilégiés à ce point est un symptôme : on vous fait croire à la méritocratie, alors même que ces privilèges devraient être un droit étendu à tous les étudiants. /21
Update : j'oubliais bien sûr qu'en tant que fonctionnaire stagiaire, nous cotisons pour la retraite (à l'âge de 19 pour certains) et bénéficions d'une des meilleures mutuelles dispo (MGEN)
