Une illustration du privilège Beurgeois. Un Thread un peu long.

Je sors d’une journée de boulot, j’ai signé un CDI en sortie d’étude et je travaille dans le secteur financier.
Après quelques années d’expériences, je suis désormais selon « l’observatoire des inégalités » très proche d’être « riche », à savoir, gagner deux fois le revenu médian français. J’ai moins de 30 ans mon boulot ne me passionne pas mais m’assure un niveau de vie.
Je suis le stéréotype du jeune cadre dynamique en costume-cravate sur son scooter.
Papa est satisfait de la situation de son ainé, né en France de parents algériens, il est Médecin spécialisé.
Maman aussi se réjouit, elle est née en France de Parents algériens, elle est cadre supérieure dans la fonction publique.

J’ai grandi à Paris dans le le 9ème de Paris a côté de la rue des Martyrs.
Une bonne école Primaire avec Gabrielle, Hugo, Bohémont, Guillaume, Victoire et Ruth.
Un collège en internat, un 1er Lycée réputé d’où je me ferai virer par « crise d’ado », puis direction la « Boite à bac » à 700€/mois et l’obtention d’un Bac avec mention.
Enfin aller simple pour Sorbonne : 3 ans d’éco et un M1/M2 en Finance.
J’ai un nom et prénom à forte consonance étrangère et un physique « type » de Maghrébin, mais c’est à peu près le seul héritage que j’ai de ce que les autres appellent « ma culture d’origine ».
Mes parents ne sont pas musulmans, on fête Noël et Pâque pour les enfants et ma mère pratique avec la plus grande rigueur l’assimilation. C’est-à-dire que la seule culture transmise et valorisée à la maison est celle des Dominants.
Elle n’a jamais foutu les pieds en Algérie et ne compte pas le faire.

A la maison, tout est fait pour inciter à lire et de préférence des lectures « nobles ». Yourcenar, Gary, Stendhal, Süskind, Gide… en complément des lectures scolaires classiques.
On parle politique quotidiennement et on me fait voyager un peu partout en Europe dès jeune.

Voilà, le topo de mon « cadre social », je reste un peu vague et vous laisse imaginer le reste afin de rester anonyme.
Ce soir là, je fais quelques courses pour dîner et rejoins des amis sans me changer avec mon scooter pour boire un verre vers la rue de Clignancourt dans 18ème.

Je me rends compte après ma 3ème Pinte que j’ai oublié de prendre le casque de ma Copine.
En bon débile, je me dis que je vais tout de même pas me faire chier à la faire rentrer à pied ou prendre un taxi. De toute façon j’habite « a peine » à 5mn et que je peux bien prendre le risque de rentrer sans casque…
Ouai, je sais c’est vraiment un truc de golio, mais c’est pas le point de cette histoire.
On repart en scooter et on décide de passer par la Goutte d’Or, en se disant qu’il y a moins de chance de se faire contrôler en passant par une zone où le respect du code de la route est tout à fait relatif et évitant les grosses artères.
A peine 300m et une voiture banalisée derrière moi allume son gyrophare.
Mes parents m’ont bien évidemment appris à être respectueux des institutions, de la Police, de l’éducation nationale, etc… Donc je n’ai pas peur de la Police, j’ai conscience d’être en faute mais je me…
…dis que je vais miser sur le côté « Gentil garçon bien éduqué » pour éviter de prendre trop cher, mais je le sens mal. Je me gare sur le côté.
Je coupe le moteur demande à ma compagne de descendre, de retirer son casque, et je sors pas avance mon permis de conduire, ma CNI et les papiers du véhicules.
4 flics sortent de la voiture banalisée. Bien évidemment des bons physiques de Baceux et leurs gueules d’anges.
Surtout à la Goutte d’Or.
(F pour Flic, O pour Oscar)

F«Bonsoir Monsieur, Bonsoir Madame Vous savez pourquoi on vous arrête ? »
O« Bonsoir Messieurs, j’imagine que l’absence de casque à dû jouer »
F« Oui, et puis votre plaque d’immatriculation est cassée, et enfin vous ne savez pas que cette rue est en contresens ? »
Là je commence à sérieusement me chier dessus.
Je sens la GAV pointé le bout de son nez et je me vois mal dire à mes patrons que je suis pas au bureau demain à 9h à cause de ça.
O« Heu, non, là je vous avoue que j’ai sincèrement pas fait attention pour la rue, c’est inconscient de ma part.
On revient d’un verre avec des amis, j’ai oublié le casque de ma compagne et on commence tôt demain j’ai voulu faire au plus rapide, je vous prie de m’excuser »

Je regarde ma plaque, elle effectivement est cassée on peut pas la lire en entier.
F« Ha, parce que vous avez bu en plus ? »
O« Oui, une ou deux bières »

Je lui tends ma CNI, mon Permis et la carte Grise. Il les prend et regarde vaguement. Il la passe à ses collègues et à l’air de réfléchir.

F« Vous faites quand dans la vie Monsieur Oscar la France ? »
O« Je travaille dans le secteur financier et plus précisément je m’occupe de […] » .
F« Ha bha ça doit bien payer ça ! Bon Mr La France , vous avez pas l’air d’être un truand donc on va dire que c’est une erreur de jugement là»

Il me rend mes papiers.
F« Juste par principe, vous avez quoi dans le coffre ? »
O« Juste de quoi dîner en arrivant »

J’ouvre le coffre du scooter une bouteille de rouge, de la salade, du jambon serrano et des conneries.
F« Bon ce serait dommage de vous empêcher de dîner avec Madame et de ne pas vous rendre au travail demain, vous habitez où ? »
O« J’habite à *Quartier en pleine gentrification pas très loin* »
F« Allez, rentrez dîner, c’est bon pour nous, vous faites attention en repartant et vous roulez pas vite. Si jamais vous vous faites contrôler par un de nos collègues vous lui dites que *Prénom Lambda* de la BAC 18 vous a vu et que tout est OK. »

Je suis sur le cul.
On se dit bonne soirée et je m’exécute et rentre chez moi.

Depuis ce jour, je repense régulière à cette scène et à comment elle se serait déroulée, si je n’avais pas eu mon patrimoine culturel, mon costume et mon boulot.
Comment le contrôle ce serait passé pour le même Oscar, qui aurait le même physique, mais qui lui serait habillé différemment, aurait un boulot différent et aurait grandi avec des parents différents, dans un quartier différent.
Est-ce que le racisme commence là où la classe sociale s’arrête ?
Et mois je suis quoi en fait ? Un Beurgeois ?
Poke aux Charles.
Je précise que je ne suis pas descendant de Harki.
Je précise aussi que je ne tire aucune fierté ou mérite de ma situation. Elle est un juste un état de fait.
Pour ceux qui s'intéressent à l'assimilation en France et à ses subtilités : "La France des Belhoumi" de Stéphane Beaud est un merveilleux bouquin.
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