Pourquoi l'Europe, et particulièrement la France, cultive-t-elle si peu de légumineuses sèches aujourd'hui ?

Résumé- #thread de cet article qui fait le point sur les évènements historico/économico/agro/sociétaux qui expliquent la situation actuelle.
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0921800916304049
Les explications sont valables pour toute l'Europe, mais l'article se focalise sur l'exemple de la France.
La France exporte énormément de céréales, mais d'un autre côté dépend fortement des Amériques pour les protéines (tourteau de soja). Pourquoi ne pas équilibrer les 2 et ainsi devenir autonome en protéines ?

→ Parce que c'est compliqué.
Pourtant, les légumineuses sont très intéressantes, pour les services écologiques qu'elles fournissent dans les agro-écosystèmes et pour leur grand intérêt nutritionnel (humains ou élevage).
Par leur symbiose avec les bactéries qui fixent l'azote atmosphérique, elles réduisent considérablement l'apport d'azote dans les cultures. Ce dernier qui est responsable à lui seul de la moitié des émission de GHS de l'agriculture...
Depuis la Révolution Verte, le focus a été sur les intrants et le génie génétique plus tard (ce qui a permis des progrès considérables !), mais en négligeant les aspects plus agronomiques, comme la diversité des assolements.
Avec une grosse réduction des légumineuses dans les rotations.
D'un autre côté, le bénéfice tiré de la vente des céréales, malgré le coût des engrais azoté, est devenu plus intéressant que l'économie d'azote permise par la culture des légumineuses.
Il y a eu de grosses subventions pour les céréales dans les années '60 et pas grand encouragement des légumineuses. Et en parallèle, accords conclus avec les Amériques pour être fourni en soja pour assurer l'approvisionnement en protéines.
A partir de là, une grosse roue d'inertie s'est mise en place; une fois qu'un mode de production a été mis en avant (donc les céréales au détriment des légumineuses), tout le système s'adapte et rend tout changement de + en + difficile.
Ce qui est problématique, vu les perspectives très intéressantes des espèces pas/sous-domestiquées qui mériteraient d'entrer dans les assolements.
Allez, un peu d'autopromo: https://twitter.com/Hcomosa/status/1268926861108826114
J'aime bien cette citation : "a technology is not necessarily chosen because it is the best, but it is the best because it is chosen".
Ce renforcement de l'inertie du système est en partie dû aux débouchés qui s'adaptent aux cultures principales.
(ceci dit, il y a des débouchés de plus en plus demandeurs de protéines végétales:) https://twitter.com/Hcomosa/status/1283856457277079552
Idem au niveau de la recherche agronomique: il y a un focus bien plus important de l'amélioration variétale sur les cultures dominantes. Parmi les légumineuses, seul le pois a bénéficié d'un grand intérêt de la part de l'INRA.
Dans les années '80, il y a quand même eu une volonté de lancer la grosse production de légumineuses en Europe, mais des changements dans les politiques de subsides ont coupé net cet élan dans les années '90.
Ça se voit très bien sur ce graphique.

(données de la FAO)
Il y a eu quelques tentatives de relancement les dernières années, mais sans grand succès.
Aujourd'hui, la différence de rendement entre céréales et légumineuses est énorme (entre autres à cause d'un manque cruel de recherche sur ces dernières), regardez la différence -et surtout l'évolution au cours du temps dans les années 2000- de rendement du blé vs pois.
En plus, elles sont en compétition avec d'autres cultures protéagineuses européennes, comme le colza.

Donc il est bien plus intéressant pour les agriculteurs de favoriser les céréales (ou le colza du coup).
Pourtant, une réintégration à grande échelle des légumineuses dans les assolements pourraient être intéressants, si on réfléchit les cultures à long terme (plusieurs années de successions).
Un dernier frein au changement vient du consommateur. Qui, aujourd'hui, a une mauvaise perception des légumineuses: "alimentation du passé" ou "viande du pauvre". La viande ayant remplacé leur consommation.
Aussi, elles sont souvent classées comme féculents au côté des pâtes ou riz, mais peu mises en avant comme sources de protéines. Les reco. nutritionnelles au Canada & USA ont été adaptées pour
mettre en avant leur richesse en protéines et donc classées au côté des produits d'origine animale.
Pas encore en Europe...
En plus, elles sont pas faciles à cuisiner (temps de cuisson très long). Ceci peut également -en partie- s'expliquer par le manque de recherche, alors que chez le riz ou le blé, des progrès ont été faits pour réduire leur temps de cuisson.
Ce qui, dans certains cas, rend intéressant la culture des légumineuses, c'est quand elle a une AOP (comme les lentilles du Puy) → prix de vente plus élevé. Il y a aussi un petit marché d'exportation qui est intéressant.
Voilà, c'est fini. Merci pour la lecture !
Et mangez des légumineuses. Parce que c'est bon les légumineuses.
poke @agritof80. On avait échangé sur le sujet il y a un petit temps. Maintenant je comprends encore mieux pourquoi le "yaka cultiver des légumineuses en Europe pour ne plus dépendre du soja américain" est un peu plus difficile que je ne le pensais.
Je suis étonné que l'article n'insiste pas plus sur les impasses techniques comme celle-ci: https://twitter.com/agritof80/status/1269238431433064450
You can follow @Hcomosa.
Tip: mention @twtextapp on a Twitter thread with the keyword “unroll” to get a link to it.

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