Ce n'est vraiment - VRAIMENT - pas une nouveauté. La particule TRISO (pour TRIStructural ISOtope, je crois) a été inventée au Royaume-Uni au milieu des années CINQUANTE, initialement envisagée pour les réacteurs MAGNOX/AGR, pour pour les réacteurs à haute température.
Puisque la hype médiatique ne fait que du recyclage, je vais faire la même chose et vous proposer une simple synthèse de ce qu'en dit l'excellent livre
La particule TRISO est faite d'un cœur en matière fissile Typiquement, du dioxyde d'uranium, comme les pastilles de nos réacteurs à eau. Mais au lieu de pastilles cylindriques de 8 mm de diamètre et 13 de long, on est sur une minuscule sphère d'1mm de diamètre.
Ce cœur est enrobé d'une première couche en carbone pyrolytique (ou pyrocarbone) qui sert d'isolant thermique pour protéger une seconde couche en carbure de silicium qui assure l'étanchéité de la particule.
Une dernière couche en carbone pyrolytique vient assurer la tenue mécanique, permettant à la particule de rester étanche même face à d'énormes pressions internes (la fission nucléaire produisant du gaz dans la particule -> montée en pression).
Cette dernière couche permet par ailleurs d'agglomérer nos particules dans des éléments de graphite plus larges : des structures prismatiques, ou des boulets (pebbles).

Ce combustible a d'excellentes propriétés mécaniques et thermiques, il est donc privilégié pour les HTR.
Les HTR, ce sont les High Temperature Reactors. Un concept qui, comme les réacteurs refroidis au sodium, est à la fois passéiste (5 réacteurs ont fonctionné sur 3 continents, de 10 à 300 MW) et futuriste (c'est un des concepts de "4è génération").
Leur principal intérêt est donc leur haute température, qui permet un excellent rendement pour produire de l'électricité, ou permet des applications non électrogènes (production d'hydrogène, chaleur industrielle...).
Un cœur composé de milliards de particules a, sur le papier, un gros avantage et un gros inconvénient :
- la composition du cœur peut être adaptée à l'infini, entre différents matériaux fissiles, fertiles, absorbants, s'accommodant de n'importe quel cycle du combustible.
Y compris notre classique cycle uranium 238 / plutonium 239... Ou le fameux cycle thorium 232 / uranium 233 qui n'est pas exclusif aux réacteurs à sels fondus comme on l'entend parfois.
L'inconvénient, c'est qu'avec une centaine de milliards de particules dans un même cœur, le contrôle de la qualité de leur fabrication est plus délicat que nos actuels crayons combustibles (de l'ordre de la dizaine de milliers par cœur).
À la première heure, trois HTR utilisant la TRISO furent réalisés. La coopération internationale Dragon, installée au Royaume-Uni, avec une puissance thermique de 20 MW, a fonctionné de 1964 à 1975.
Les USA et l'Allemagne embrayèrent avec, respectivement, Peach Bottom (115 MW de chaleur, 40 MW électriques) et AVR (46 MWth / 15 MWe), tous deux démarrés en 1966. Le premier stoppa son activité en 1974 et le second en 1988.
Il y a un autre domaine intéressé par la possibilité de fournir une très haute température, pendant longtemps, avec quelque chose d'aussi compact qu'une technologie nucléaire. C'est le spatial.
Tous les réacteurs conçus pour le moteur-fusée nucléaire NERVA, du Kiwi 1 de 70 MWth au PHOEBUS 2A de 4300 MWth en passant par le PEEWEE de 515 MW mais à la température de sortie record de 2750 °C, tous sont des concepts de HTR.
Revenons à l'électronucléaire. Après les prototypes Dragon, Peach Bottom et AVR, il était temps de passer à l'échelle industrielle.
En 1974 démarra le réacteur US de Fort Saint-Vrain (842 MWth, 330 MWe). Et en 1983, l'allemand THTR 300 (750 MWth, 300 MWe).
Tous deux furent définitivement arrêtés en 1989.
Fort Saint-Vrain (dont l'architecture fut d'ailleurs repompée sur les UNGG de Saint-Laurent-des-Eaux, en France) est, depuis, démantelé et converti en centrale à gaz naturel.
Comme vous le voyez, ces réacteurs connurent un succès aussi fulgurant que leur mort industrielle, avec au plus 15 ans de fonctionnement pour Fort Saint-Vrain, et un facteur de charge moyen de 30% (still better than wind power).
Il fonctionnait mal coûtait cher, pas rentable.
Quant au THTR, c'est l'Allemagne, donc sa mort fut politique plus que technique (les auteurs du livre font un parallèle avec Superphénix).
Listons à présent les atouts et faiblesses de ces réacteurs et donc de ce combustible TRISO :
✅Haut rendement, haute température
✅Combustible robuste mécaniquement et thermiquement, très forte inertie thermique, refroidissement à l'hélium donc stabilité chimique
➡️Réacteur extrêmement sûr et pilotage très permissif
✅Compatible avec tout cycle du combustible
✅Faisabilité prouvée à différentes échelles et les limites ont été repoussées très loin par le programme spatial NERVA
✅Réel intérêt dans des usages non électrogènes
❌Faible densité de puissance
➡️Très grosse chaudière et donc investissement initial très élevé (certains projets abandonnaient à ce titre l'enceinte de confinement)
❌Exclure le risque de fusion du cœur ne fait pas toute la sûreté. Une arrivée d'eau provenant du circuit secondaire pourrait provoquer une très forte corrosion des structures, voire, au contact du combustible brûlant, une explosion vapeur.
❌Aucun prototype ne fut un succès
❌✅Les procédés de retraitement permettant de fermer le cycle du combustible n'existent pas encore. En revanche, la capacité d'atteindre de très hauts taux de combustion (avoir très peu de matière fissile résiduelle après usage) garde acceptable l'idée de se passer de retraittt.
Et oui, je viens de faire un cours d'histoire pour parler de cette nouvelle invention révolutionnaire. Deal with it, @Slatefr.
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