Le niveau du débat sur Colbert aujourd'hui, surtout par des gens qui pensent avoir de la culture et donner des leçons aux autres alors qu'ils sont fiers de leur ignorance de l'histoire coloniale, me désole.

1) On ne peut pas dire que l'esclavage, c'était l'époque

le développement du commerce triangulaire donne lieu à des angoisses morales et spirituelles à l'époque. Un peu comme quand on achète un tshirt fait au Bangladesh aujourd'hui et qu'on se dit 'merde, c'est fait par un gosse?'

L'esclavage reste strictement interdit en métropole, car on pense qu'il dénature les êtres humains. Ce qui se passe dans les colonies fait débat, et le Code Noir en 1685 tient, comme l'ont souligné de nombreux historiens, d'une volonté métropolitaine de réguler les colonies

2) Il est étrange de voir des historiens soi-disant attachés à leur discipline confondre Colbert (personnage historique du XVIIe siècle, chez moi on appelle ça une source primaire) et ces statues publiques postérieures (des interprétations ou sources secondaires).

On peut débattre et déboulonner une statue, c'est une question différente de comment interpréter Colbert, ce qu'on continuera à faire par la recherche et l'enseignement. Une statue ça ne permet pas beaucoup de discussion.

3) Colbert, personnage important de la construction de l'Etat central en France, ne peut être résumé au Code Noir. Mais il ne peut pas non plus être résumé sans. Or, c'est souvent le cas.

Voir des historiens comme Mona Ozouf ou Michel Winock, dont les travaux brillent par l'absence de référence à la colonisation ou à l'esclavage, venir donner des leçons d'histoire à la populace prise de sursauts identitaires, ce n'est pas très édifiant https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/06/24/deboulonnage-des-statues-l-anachronisme-est-un-peche-contre-l-intelligence-du-passe_6043963_3232.html

4) et donc, point final, replacer les gens dans leur contexte historique, ce n'est pas juste les mettre en conversation avec d'autres ministres de l'époque. Mais aussi, par exemple, avec les personnes esclavisées, qui avaient leur propre compréhension de ce qui leur arrivait

en gros, à force de dire qu'il faut replacer ces hommes dans leur contexte, on ne fait que dire tout haut ce qu'on pensait tout bas: ce sont eux, les grands hommes, qui sont le sujet de l'histoire, et le reste ils peuvent se la fermer. Et ça c'est une question actuelle