Des auditeurs de @franceinter évoquent la mémoire de Thiers, "boucher de la Commune" dans l'espace public. Une question récurrente! Sa statue, érigée en 1880 à Saint-Germain-en-Laye, a fait l'objet d'attaques dès 1881
@LarrereMathilde @andreloez

Après sa mort en 1877 et des funérailles massives, une souscription est organisée pour lui ériger une statue (grandiloquente, dans l'air du temps) à Saint-Germain-en-Laye. Quelques années après la Commune, la mémoire de la Semaine Sanglante est encore extrêmement vive

En 1881, un vase de nuit est déposé sur sa statue, et un bonnet de nuit placé sur sa tête (symbole de son lien avec Louis-Philippe - le langage de la caricature traverse l'iconoclasme, c'est intéressant)

Puis c'est le coup d'éclat, en juin 1881, un "comité révolutionnaire" place des explosifs sous la statue. Un manifeste est déposé par ce "comité" anarchiste. Il expose les blessures d'une mémoire liée à la répression sanglante de la Commune.

"Le comité révolutionnaire français étant d’avis que la période d’études doit être close, et qu’il importe dès maintenant de s’affirmer par l’action......

Considérant que la statue du bandit qui, il y a dix ans, ensanglanta Paris, est un défi jeté à la Révolution et à l’humanité, décide :
La statue de Thiers doit disparaître.

Cette exécution d’un mort est un avertissement donné aux vivants détenteurs de l’autorité et exploitateurs (sic) du peuple, que leur tour est proche. (...) Debout donc les courages! Vive la révolution sociale!"

La tentative de déboulonnage échoue totalement. Mais la statue, comme des centaines d'autres, ne résistera pas à la campagne de fonte organisée par le régime de Vichy pour répondre à l'effort de guerre allemand

Autour de 1968 puis du centenaire de la Commune, avec le revival des références révolutionnaires à 1871, la mémoire de Thiers dans l'espace public reste très contestée. Le lycée Thiers à Marseille est rebaptisé "lycée de la Commune"

En 1971, l'imposant mausolée Thiers au cimetière du Père-Lachaise (situé, par parenthèse, à deux pas du monument expiatoire versaillais à la mémoire des généraux Lecomte et Clément-Thomas, exécutés par les communards le 18 mars 1871), est plastiqué! Sans succès...

Les déboulonnages de statues et les contestations mémorielles d'aujourd'hui ont une histoire, irréductible à la seule question postcoloniale.