2/25 À en croire la doxa politico-médiatique, le monde se divise en deux catégories comme dans un western-spaghetti. http://lesalonbeige.blogs.com/.a/6a00d83451619c69e201b7c867f7ab970b-pi
3/25 Il y aurait d’un côté les gentils universalistes, garants de l’unité nationale et de l’indivisibilité de la République, esprits sages et tempérants éclairés par les immortels rayons des Lumières. https://twitter.com/ARosencher/status/1269256671077060611
7/25 Et si cette polarisation extrême n’était qu’un rideau de fumée ? Et si antiracisme et universalisme, loin d’être des forces antagoniques de la tragicomédie française, traduisaient en réalité une seule et même exigence vis-à-vis de la république ?
8/25 L’antiracisme deviendrait antirépublicain quand il ne s’inscrit plus dans le cadre originel de l’universalisme, paradigme ayant pour particularité d’avoir été défini, sous l’Ancien régime comme sous la 3e république, en rapport avec la mission « civilisatrice » de la France.
9/25 "C’est là le grand reproche que j’adresse au pseudo-humanisme : d’avoir trop longtemps rapetissé les droits de l’homme, d’en avoir eu, d’en avoir encore une conception étroite et parcellaire, partielle et partiale et, tout compte fait, sordidement raciste". (Aimé Césaire)
10/25 Les tenants de l’universalisme classique, qui aiment tant rappeler que Césaire fut un élu de la république, ont-ils seulement lu ces lignes et ce que les pages suivantes du Discours sur le colonialisme disent au sujet de l’humanisme d’Ernest Renan ?
11/25 En réalité, l’antiracisme est un combat de longue durée, qui va de pair avec l’engagement républicain : nous devons être antiracistes par universalisme, universalistes par antiracisme, citoyens français pour qui la république est à tout le monde.
12/25 Si on attend de l’antiracisme qu’il conforte l’universel républicain, comment la réciproque pourrait-elle ne pas être vraie, non seulement sur le plan des valeurs, mais dans la vie de tous les jours ?
13/25 La république, si elle n’est qu’un slogan édicté par celles et ceux à qui elle profite, n’est pas un bien commun ; l’universalisme, s’il n’est qu’un privilège de l’ancienneté, n’est qu’un communautarisme de la majorité.
14/25 L’universalisme doit être postcolonial autant que l’antiracisme doit être républicain. Cette double exigence ouvre un questionnement critique qui vise à mettre en lumière le lien entre blessures du passé et convulsions du présent, dans le but de bâtir un avenir commun.
15/25 Les violences policières, les discriminations sur le marché du travail, l’inégal accès aux soins ou à l’école forment la partie émergée de l’iceberg ; le refoulement de l’histoire coloniale est l’iceberg lui-même.
16/25 Séparer les enjeux de l’antiracisme de la recherche historique dans ce domaine, c’est ignorer le sens de l’un et de l’autre. C’est couper le fil intelligible, la continuité organique entre hier et aujourd’hui ; c’est, pour finir, hypothéquer demain. https://twitter.com/GillesLeGendre/status/1271713459999248389
17/25 À l’heure où l’antiracisme est accusé de vouloir faire table rase, d’embrasser la repentance ou la concurrence des mémoires, il s’agit au contraire d’explorer l’Histoire ensemble, d’élaborer des récits communs en vue de l’assumer.
18/25 Dans le cadre ce travail, il est inévitable que l’idée classique d’universalisme apparaisse comme une construction : le produit d’une certaine époque, le reflet de certaines mentalités, l’expression d’une France qui n’existe plus aujourd’hui.
19/25 Une fois opéré ce constat, de deux choses l’une : soit on décide que cette construction doit être semblable aux tables de la loi, comme ces conservateurs américains qui considèrent la constitution comme un texte sacré. C’est l’universalisme abstrait, statique.
20/25 Soit on envisage la république comme un contrat toujours renégociable, un work-in-progress, et dans ce cas on l’adapte, on affine sa pertinence à nos exigences et à nos défis. C’est l’universalisme fluide et dynamique, jamais achevé, toujours à réinventer.
21/25 C’est aussi l’humanisme dont parlait Césaire: "jamais l’Occident, dans le temps où il se gargarise le plus du mot, n’a été plus éloigné de pouvoir assumer les exigences d’un humanisme vrai, de pouvoir vivre l’humanisme vrai – l’humanisme à la mesure du monde".
22/25 James Baldwin écrivait que le problème noir cesserait d’exister aux USA le jour où les Blancs auraient appris à s’aimer. En France, l’opposition entre antiracisme et universalisme cessera d’être nécessaire quand les Blancs n’auront plus peur d’être remplacés.
23/25 D’un côté, l’universalisme doit s’assouplir pour que tous les Français y prennent réellement part. De l’autre, l’antiracisme doit avoir la patience et l’empathie de comprendre l’insécurité culturelle et le dérangement que les mutations postcoloniales engendrent.
24/25 Il y a là, en définitive, un problème de synchronisation entre le temps de la majorité et le temps des minorités : la majorité a peur de devenir minoritaire, les minorités sont pressées d’avoir dans les faits les mêmes droits et les mêmes opportunités que la majorité.
25/25 Unifier ces deux horizons temporels est la clé du vivre-ensemble français pour les décennies à venir. Le jour où ils seront synchrones, l'antiracisme ne sera plus perçu ni comme un séparatisme ni comme une trahison de l'universel républicain.
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