Je vais développer un peu.

Tout d’abord, les révélations de Mme Houtte n’est sont pas.

Elle peuvent l’être pour le grand public mais absolument pas pour les pro. https://twitter.com/tonproc/status/1273882408643973126
Il faut comprendre plusieurs choses, le parquet (y compris financier) est placé dans une chaîne hiérarchique qui fonctionne dans les deux sens.

D’une part, la remontée d’information, d’autre part la descente de diverses instructions.
La remontée d’information est légale.
Elle l’a toujours été et elle permet pour les affaires signalées (comprendre médiatiques et sensibles, ce qui était le cas de l’affaire FILLON) d’informer la hiérarchie de l’avancement des procédures.
On peut discuter de l’existence de cette pratique mais en l’état du droit elle est légale et justifiée par l’existence de cette chaîne hiérarchique dans laquelle le ministère public s’inscrit.
Je suis à titre personnel, malgré la très grande qualité des gardes des Sceaux qui se sont succédés depuis que le monde est monde, pour une independance totale du ministère public vis à vis de l’exécutif et du politique MAIS CE N’EST PAS LE SUJET.
Donc, pour revenir à nos moutons, la question à mes yeux dans le dossier, n’est pas la remontée d’information mais la descente des instructions depuis le ministre de la justice vers le procureur en charge d’un dossier.
S’agissant de cela, il faut distinguer deux types d’instructions.

Les instructions générales, dites de politique publique, qui disent en gros, « vous veillerez particulièrement à lutter contre *cite une infraction quelconque sur laquelle j’ai communiqué* et à nomme un référent »
Pour ces instructions, d’aucuns les défendent en disant « quand même j’ai été élu au suffrage universel, il est bien normal que je puisse décider de la politique pénale ».

D’autres disent c’est bien beau de dire des conneries à la télé mais sans moyens, je ferai pas de miracles.
Objectivement, elles font plaisir à certains, elle ne font pas plus de mal que ça donc on s’en fout un peu.

(Dans le cadre de la présente discussion, car vous pensez bien que sinon c’est la bible de tout parquetier)
Les autres types d’instruction, ce sont les instructions individuelles.

C’est à dire les instructions dans un dossier précis.

Et là c’est un poil plus technique.
Je viens de voir que sur le 1er tweet, j’ai écris Mme Houtte au lieu de Houlette Élianne de son prénom.
Je suis mortifié.
Donc reprenons.

S’agissant des instructions individuelles, il a été durant longtemps parfaitement légal pour un garde des sceaux de dire à un proc chargé de l’enquête sur un de ses potes de lui dire « dans ce dossier, mon coco, tu vas classer, parce que c’est mon pote ».
Et le proc évidemment s’exécutait.

Un des plus spectaculaires exemples revient d’ailleurs à M. Toubon, défenseur des droits et idole des jeunes, qui plus jeune, garde des sceaux RPR a tout fait pour étouffer des affaires dans ce cadre.

(allez chercher c’est vraiment drôle)
Bref.

C’est pratique a été officiellement (mais sans modification législative) abandonnée par MAM, si mes souvenirs sont bons, reconduite par Michel Mercier et rendue définitivement illégale par Taubira.
Donc il est illégale pour un ministre de la justice de donner des directives dans un dossier particulier.

Ça, ça ne fait aucun doute.

Le soucis c’est que depuis que Mme Houlette a déposé devant la commission d’enquête, le personnel politique sous entend que ce serait le cas.
Mais ce n’est pas ce qu’elle a dit.

Elle a dit en gros « la procureure generale m’a mis une grosse pression dans ce dossier et m’a posé plein de questions ».
Alors première précision c’est légal.

Il n’a pas été dit que le ministre aurait donné des directives la PG.

La PG a le droit d’interroger une procureure sur un dossier et à le droit de lui dire ce qu’elle pense qu’elle doit faire.
Elle peut même la forcer si elle le fait par écrit (article 36 du code de procédure pénale).
Bref tout ça c’était légal et en dehors du coup de communication réussi des différents partis mis en examen pour des questions financières, on a pas appris grand chose.

En fait, on a absolument rien appris.
LA SEULE CHOSE À RETENIR:
En dehors des éléments précédemment mentionnés, c’est que le choix qui a été fait au final, ce n’est pas de classer, ni de poursuivre durant la campagne, c’est de confier à 3 juges d’instruction indépendants la suite de l’enquête.
C’est que ces trois juges indépendants ont estimé devoir mettre en examen le prévenu puis de le renvoyer devant un tribunal correctionnel.
C’est que ce tribunal correctionnel est composé de trois juges eux-mêmes indépendants.
C’est que l’audience a duré bien plus longtemps qu’habituellement pour exposer tous les éléments et permettre à la défense d’exposer tous ses arguments.
C’est qu’à l’heure où nous nous parlons (enfin, je soliloque mais bon) le jugement dont le délibéré est prévu pour dans une dizaine de jour est forcément déjà rédigé et à sûrement été discuté pendant plusieurs jours par les trois juges indépendants du tribunal.
Et don, je vais vous donner mon avis sincère après tout ça.

Les déclarations de Mme Houlette ne sont en rien des révélations.

Pas une personne qui sait comment l’institution fonctionne n’est étonnée.
Je note seulement que les partis qui font le plus de bruit ont actuellement le plus de représentants mis en examen ou renvoyés devant un tribunal correctionnel.

C’est sûrement un hasard, mais c’est un putain de hasard.
Donc je le redis.

Tout mon soutien aux collègues du tribunal.
You can follow @TonProc.
Tip: mention @twtextapp on a Twitter thread with the keyword “unroll” to get a link to it.

Latest Threads Unrolled:

By continuing to use the site, you are consenting to the use of cookies as explained in our Cookie Policy to improve your experience.