Après avoir passé trois jours en hôpital psychiatrique et en avoir gardé un arrière gout très amer, j'ai décidé de raconter mon histoire sur Twitter. Elle ne sera pas lue par grand monde, mais j'espère que le fait d'écrire ces quelques lignes m'aidera à aller de l'avant.
Pour replacer le contexte, je souffre d'épisodes dépressifs récurrents, dont le premier a été diagnostiqué quand j'avais 18 ans. J'ai été mis sous antidépresseurs, 4 molécules différentes, j'ai vu des psychiatres, des psychologues, tellement que je ne sais plus dire combien.
Depuis le mois d'octobre j'ai enfin trouvé une psychologue TCC avec qui le courant passait bien, je me sens respecté et écouté, j'ai fait des progrès avec elle. Malheureusement elle ne prescrit pas, et lors d'une rechute sévère fin novembre j'ai eu besoin d'aide pharmacologique.
J'ai découvert l'existence d'une consultation spécialisée dans les dépressions résistantes aux traitements dans le CHU de ma ville, je me suis dit ça y est, j'ai enfin l'espoir de trouver des psychiatres réellement compétents et spécialisés dans mon trouble.
Mon médecin traitant fait un courrier résumant ma situation et l'envoie au service concerné, et j'obtiens un rendez vous avec seulement deux mois de délai, fixé au mardi 17 mars. Le 15 mars, je reçois un appel pour me dire que la consultation est suspendue à cause du confinement.
Entre temps j'étais quand même allé voir un psychiatre libéral, qui m'a passé à la posologie maximale de fluoxetine, puis a changé de molécule, il y a eu quelques semaines d'amélioration mais ce fut de courte durée.
Le confinement a été difficile. Je vis seul dans un studio, je suis loin de ma famille avec qui je n'ai jamais eu beaucoup de contacts. Au début de l'année j'avais refusé un CDI pour me consacrer pleinement à ma thérapie. J'ai donc passé le confinement seul et sans activité.
Les premières semaines se sont plutôt bien passées contrairement à ce que je pensais, j'ai la chance d'avoir un vélo d'appartement et je me suis mis à apprendre à coder, c'était plutôt productif, j'avais une routine qui me tenait occupé, mais ça n'a pas duré.
À partir de mi-avril, après une nuit où je n'ai pas réussi à fermer l'oeil une seule seconde, ma routine s'est complètement enrayée, je n'arrivais plus à sortir de mon lit, et j'ai commencé à fumer du cannabis, parce que ça faisait passer le temps et que ça apaisait mes pensées.
Je suis tombé dans un cercle vicieux. Mais les journées passaient plutôt vite, le déconfinement a fini par être annoncé pour le 11 mai, et j'ai pu retrouver le monde extérieur, et d'autres êtres humains. J'étais toujours en mauvais état, mais je retrouvais une lueur d'espoir.
J'ai appelé l'hopital le 12 mai, pour reprogrammer mon rendez-vous : "On vous rappellera"
Une semaine passe, puis deux, et finalement je reçois enfin l'appel pour me dire que mon rendez vous est le 3 juin. Cette fois ça y est, je commence à imaginer la lumière au bout du tunnel.
Une semaine passe, puis deux, et finalement je reçois enfin l'appel pour me dire que mon rendez vous est le 3 juin. Cette fois ça y est, je commence à imaginer la lumière au bout du tunnel.
Je prépare tout, mes courriers, l'historique de mes traitements, mes résultats d'analyse. J'angoisse un peu, parce que non seulement j'ai attendu ce rendez vous longtemps, mais c'était un réel espoir pour moi. L'espoir que ma vie allait enfin pouvoir vraiment commencer.
Le matin du 3 juin, je vais à la salle de sport, qui vient tout juste de rouvrir, plein de motivation. Sur le chemin je reçois un coup de téléphone "Le Dr.X a eu un empêchement il ne pourra pas vous voir aujourd'hui". Je fonds en larmes, en pleine rue.
Le rendez vous n'a été repoussé que d'une semaine, ce sont des choses qui arrivent, mais il y a cette petite voix dans ma tête qui me répète constamment que tout ce j'entreprends sera voué à l'échec, que ce soit de ma faute ou de celle d'un coup du sort.
Les jours qui suivent mon état se dégrade significativement. J'ai de nouveau perdu l'envie de faire du sport, je passe mes journées à pleurer dans mon lit et à me dire que tout serait tellement plus facile si j'oubliais de regarder avant de traverser la route devant un bus.
C'est dans cet état d'esprit que je me rends à la consultation, le 10 juin donc, avec les documents que j'avais préparé la semaine précédente. Je suis reçu après les 45 minutes de politesse habituelles de l'hopital, et je commence à raconter mon histoire.
Je ne sens pas un bon feeling avec la jeune Dr.X. Lorsque je parle de ma consommation de cannabis, elle me regarde avec un air choqué. Elle me demande combien je fume par jour, en me disant de pas m'inquiéter et qu'elle va pas me dénoncer (encore heureux ?!?)
Je dis que c'est monté jusqu'à 3 joints/jour, sa réponse :"Euh mais ça représente quoi un joint ? Parce que moi je connais rien à ça j'y touche pas". Un peu choqué, j'improvise un calcul rapide, environ 150mg de plante contenant ~20% de THC dans un joint: j'étais à ~90mg de THC/j
Elle acquiesce et note sur son petit carnet (j'imagine qu'à ce moment là elle a du se dire que j'avais complètement perdu la tête). Bref la consult continue, et après avoir raconté mes 15 ans d'ATCD je me suis mis à pleurer. Elle a suggéré de m'hospitaliser sur le champ.
J'étais d'accord sur le principe, mais je n'avais rien prévu pour, et vu que je vis seul je n'avais personne pour me ramener des vêtements, des produits d'hygiène, et surtout de quoi me distraire. J'ai essayé de négocier un aller retour rapide, elle a refusé, trop inquiète.
Elle me dit que c'est temporaire, qu'on réévaluera la situation au jour le jour, et que ce soir j'avais besoin de me reposer en observation. J'étais d'accord, elle m'a trouvé un lit dans un service voisin. J'étais soulagé de voir qu'enfin on prenait mes problèmes au sérieux.
J'arrive dans ma chambre où l'interne m'attend pour faire mon entrée, assis sur le seul fauteuil. Je suis debout, et il me pose des questions auxquelles j'ai déjà répondu 1000 fois, donc ça se passe vite, mais je me suis senti mal à l'aise. Pas grave, je m'installe dans le lit.
La nuit s'est bien passée, je me suis senti soulagé d'être enfin pris en charge. Le lendemain matin j'ai attendu patiemment qu'un interne ou un psychiatre vienne m'expliquer la suite des évènements, en vain. Vers 15h, je commence à penser que j'ai été oublié.
Après avoir demandé à plusieurs IDE s'il était prévu que je sois vu le jour même, l'une d'elle m'a répondu qu'elle allait essayer de joindre le Dr.X. À 17h30 je décide d'aller moi même toquer à son bureau, la secrétaire m'apprend que le Dr.X ne travaille pas à l'hôpital ce jour.
A cet instant j'ai eu l'impression que le sol se dérobait sous mes pieds. Je suis allé demander au PC infirmier s'il était possible de faire quelque chose, l'IDE a paru étonnée de la situation, et est allée demander à un interne de venir me voir.
L'interne arrive dans ma chambre à 18h, il a déjà enlevé sa blouse, je lui dis que j'aimerais rentrer chez moi parce que je n'ai pas d'affaires avec moi, et que je n'ai rien à faire ici, je n'ai rien pour m'occuper, mon chargeur de téléphone a été confisqué par sécurité.
Il me dit qu'il est désolé mais que ça devra attendre le lendemain, je lui fais promettre de venir me voir le lendemain matin. A ce moment là je suis partagé entre la colère et le désespoir. Un IDE est venu discuter un peu avec moi et me donner un Xanax, ça m'a un peu calmé.
Le lendemain matin, réveil à 7h30 pour prise de sang et analyse d'urine, j'ai déjà hate de rentrer chez moi. Vers 9h je passe au PC infirmier, je dis bonjour à l'interne qui me dit qu'il passe me voir "juste après". 11h30, toujours rien, un peu remonté je retourne le voir.
Il me dit que ça sert à rien d'insister et qu'il viendrait me voir "ce matin" comme il l'avait promis. Je fulmine intérieurement, je retourne dans ma chambre et je réussis à prendre sur moi pour me calmer. Il arrive à 11h54, je commence par m'excuser d'avoir été insistant.
Il me répond qu'il me trouve beaucoup plus irritable qu'à mon entrée et que je suis "intolérant à la frustration". J'essaye de lui expliquer que c'est parce que j'avais pas prévu d'être là et que ça fait deux jours que je suis maintenu dans le flou et que je trouve ça anormal.
Il me dit que c'est tout à fait normal en psychiatrie, et qu'il laissait toujours les patients au moins 2 jours seuls dans leur chambre pour qu'ils puissent faire une introspection. Je lui dit que ça fait environ 15 ans qu'elle dure mon introspection, il a pas l'air de comprendre
Je lui demande si je peux sortir, il me dit que l'évolution de mon état l'inquiète et qu'il serait plus sur de me garder en observation. A ce moment là je suis passé en mode survie, j'ai fait l'acteur en disant que mon père m'avait appelé (sur mon téléphone à plat depuis 2 jours)
et qu'il avait dit qu'il venait me chercher et qu'il me sortait de là aujourd'hui quoiqu'il arrive. C'était évidemment faux, mais il a accepté de me laisser sortir, mais d'abord il fallait que je vois le Dr.X, qu'il n'arrivait pas à joindre.
Heureusement l'attente ne fut pas trop longue, le Dr. X arrive vers 12h30 pour me présenter un essai clinique de phase II dans lequel elle me propose de m'inclure, puis je lui parle de mon ressenti sur l'hospitalisation...
... je lui dis que j'ai eu le sentiment que l'équipe médicale m'avait un peu abandonné, la dessus elle embraye de suite "Ça vous est arrivé souvent de vous sentir abandonné dans votre enfance ?". J'ai compris qu'il fallait vraiment que je m'en aille, elle a donné son accord.
Elle m'apprend au passage qu'elle ne fait pas partie du service où je suis hospitalisé et que donc techniquement ce n'est pas à elle de prendre la décision. J'ai compris plus tard que l'interne s'était foutu de ma gueule et s'était déchargé de sa responsabilité sur elle.
Bref du coup je dois retrouver l'interne pour qu'il me fasse mon courrier de sortie, je l'attrape à 13h30 et il me dit que là il peut pas parce qu'il a une formation, mais il me promet que ça sera fait "pour 16h00 au plus tard, voire même avant". Ça me va, je suis plus à ça près.
J'attends sagement dans ma chambre, 16h00, toujours pas de nouvelles, je lui laisse un quart d'heure de politesse et je finis par aller enquêter. Je l'ai trouvé au PC infirmier en train de discuter avec une IDE. Il me voit, regarde l'horloge, et dit qu'il a eu un contretemps...
Il me propose de me laisser sortir et de m'envoyer mon courrier de sortie par mail. Je n'ai pas eu l'audace de lui demander pourquoi il n'avait pas proposé ça à 13h, il l'aurait surement interprété comme un signe de psychose.
Avant de partir je lui demande une ordonnance, parce qu'ils ont augmenté ma posologie, il me dit que je dois voir ça avec mon médecin traitant, je lui explique que j'avais un rendez vous de prévu mais qu'il était deux semaines plus tard, il accepte de me faire une ordonnance.
Il va dans le bureau des internes en laissant la porte ouverte, je vois sur son écran qu'il fait autre chose, 5 minutes plus tard une autre interne rentre et ferme la porte. J'attends encore ~15 minutes, une IDE qui a pris pitié de moi est allée voir sans que je ne demande rien.
Elle revient dépitée me dire que je devrai encore attendre 5 minutes, je l'ai remerciée pour son aide et j'ai dit que je me débrouillerai autrement, je lui dis que cet interne a l'air d'avoir des soucis de gestion du temps, elle me répond qu'elle est du même avis que moi…
Donc je rentre enfin chez moi après 3 jours, je suis vraiment soulagé, à ce moment là je ne pense plus qu'à retrouver ma douche et mon lit. L'histoire est presque finie, mais il y a une scène bonus après les crédits.
A 20h je reçois un appel masqué, c'était l'interne qui voulait s'assurer que j'avais bien reçu le mail, mais qui n'a pas pu s'empêcher de commencer par me dire que cétait pas correct d'être parti avant qu'il me donne mon ordonnance. Je ne sais pas ce qui m'a retenu de l'insulter.
Malheureusement il n'y a pas de fin satisfaisante à cette histoire, j'ai raccroché et j'ai pleuré des larmes de colère. J'attendais cette consultation comme une libération, finalement ça ne sera qu'un traumatisme de plus.
Dans tout ça je tiens tout de même à signaler que le personnel paramédical a fait son travail correctement, heureusement qu'ils/elles étaient là pour me rappeler que j'étais un être humain et pas seulement un malade mental, je les en remercie.