Je suis fasciné par les capacités intuitives du cerveau humain lors du processus de création artistique. Le passage d'un travail technique conscient à un "flow" heuristique inconscient.

C'est ce phénomène qu'on appelle la "muse" ou l'inspiration dans la tradition artistique, et qui donne l'impression que l'oeuvre vient d'en-dehors de l'artiste, qu'il laisse le pinceau guider sa main ou les mots jaillir d'on ne sait où.

En réalité, lorsque l'on lit les biographies d'énormément d'artistes, on remarque à chaque fois des obsessions, des tics qui font de lui un "auteur". Une manière répétitive de s'adonner à une tâche non-répétitive.

Lorsque j’écris, je me "branche" en réalité sur un "flow" particulier, je me connecte à un réseau neuronal précis de mon cerveau, une "fréquence" qui me permet de laisser jaillir les idées et les émotions. Une manière particulière de penser, un framework, un CMS, une « voix ».

C’est une voix souple que j’ai beaucoup travaillé depuis l’enfance, mon mode "rêverie" bien utile lorsqu’on est fils unique, pour les trajets en voiture, Ikea avec les parents ou les heures de cours ennuyeuses. C’est ce que j’appelle "Hazukashi".

L'artiste ne crée pas son oeuvre, il se crée lui-même comme un algorithme "responsive" adaptatif, et c’est l’algorithme qui ensuite va créer l’oeuvre.

L'artiste va lui cultiver l'algorithme, le nourrir, comme un organisme vivant

Hazukashi est une bête, un égrégore, un tulpa sculpté directement dans mes tripes. Je lui ai même fait prendre la forme d’une Manticore, dans d’anciens textes, et je fais régulièrement des cauchemars récurrents où elle apparaît.

Elle est rarement méchante, assez sauvage et chaotique, souvent agressive, mais j'ai appris au fil des rêves à ne pas la craindre, et à la caresser, la chevaucher , ou marcher à coté d'elle.

C’est le sombre secret commun à tous les artistes : nous ne sommes que les plagiaires d’entités conçues en notre sein, apprivoisées, dressées, tenues en laisse, et qui ne reçoivent aucun crédit ni aucune royalties

Les romanciers sont encore plus dark : ils parlent souvent de personnages qu'ils ont créés et qui se développent d'eux-même, de sorte que le roman "s'écrit tout seul"...

Ils fabriquent plusieurs entités.